L’Afrique du Sud est entrée durant les 12 dernières années dans un processus de déclin politique et économique comparable aux pays déchirés par les guerres, estime mercredi Eunomix Business & Economics, un cabinet spécialisé en risque politique.

La performance de l’Afrique du Sud sur un ensemble de domaines social, économique et de gouvernance s’est détériorée au cours des 12 dernières années à une cadence supérieure à tout autre pays qui n’est pas en guerre, selon le cabinet.

Le déclin devra se poursuivre au moment où le pays se bat dans une corruption croissante et une paralysie politique qui s’est installée sous l’ancien président Jacob Zuma (2008/2017), ajoute le cabinet basé à Johannesburg et dont les conseils sont prisés par les plus grandes sociétés opérant dans le pays.

La fragilité de l’économie pourrait également limiter le mandat du président Cyril Ramaphosa, qui conduira, le 8 mai prochain, le parti de l’ANC à ses sixièmes élections générales depuis la fin du régime de l’apartheid en 1994, note la même source.

Le cabinet souligne que Ramaphosa fait face à une tâche titanesque pour libérer l’Afrique du Sud de ses démons. « Il y a de fortes chances qu’il sera président pour un seul mandat », indique Claude Baissac, président d’Eunomix.

Ramaphosa est appelé à gérer une économie qui a atteint son plus faible niveau depuis Nelson Mandela, premier président de l’Afrique du Sud postapartheid, poursuit Baissac, soulignant que Ramaphosa aborde cette mission au moment où il est politiquement affaibli par les divisions au sein de l’ANC.

Ramaphosa a passé ses premiers 14 mois au pouvoir exprimant son engagement de combattre la corruption, mettre fin à l’incertitude politique et réformer les entreprises publiques poussées au bord de l’effondrement par la mauvaise gouvernance, indique Eunomix, soulignant que la faible position politique du président devra entraver voire contrecarrer son programme de réforme.

Elu à la présidence de l’ANC en décembre 2017 en remplacement de Zuma, Ramaphosa fait face à une situation très compliquée au sein de ce parti rongé par le factionnalisme. La presse avait rapporté que des factions au sein du parti ont tenté de l’évincer quelques mois seulement après son élection.

Par ailleurs, Eunomix souligne que sur les plans de la sécurité, la gouvernance, la prospérité et le bien-être, l’Afrique du Sud a chuté à la 88ème sur 178 nations par rapport à un 31ème rang en 2006.

Dans ce déclin, l’Afrique du Sud n’est dépassée que par les pays déchirés par les conflits tels que le Mali et le Venezuela, note Eunomix, relevant que le pays arc-en-ciel est désormais classé dans la même catégorie que la Colombie, la Jamaïque et les Philippines.

D’après le cabinet, la probabilité d’arrêter l’hémorragie est limitée étant donné la structure non durable de l’économie sud-africaine, où le pouvoir économique est détenu par une élite peu influente sur le plan politique.

Cette situation, résultant de l’ère de l’apartheid, limite la capacité des politiciens à prendre des décisions impopulaires mais nécessaires pour stimuler l’économie, relève Eunomix, ajoutant que l’Afrique du Sud paye aussi les frais d’un bras de fer qui dure depuis plus de deux décennies entre des groupes dont les intérêts sont diamétralement opposés.

« Ce bras de fer a fait échouer le projet de développement de l’Etat », souligne le cabinet, estimant que l’Afrique du Sud « est désormais un Etat fragile, qui devrait continuer à s’affaiblir ».