Infomédiaire Maroc – Six pays africains, dont le Maroc, ont réussi, en augmentant les niveaux d’irrigation, à améliorer et prolonger les récoltes, à augmenter les revenus et à améliorer les perspectives des agriculteurs, selon un nouveau rapport du Panel Malabo Montpellier.

 

En analysant les bonnes pratiques appliquées en Éthiopie, au Kenya, au Mali, au Maroc, au Niger et en Afrique du Sud, les auteurs du rapport ont constaté que les rendements des cultures irriguées peuvent atteindre le double ou plus des rendements des cultures pluviales sur le continent. En outre, ont-ils ajouté, on estime que les avantages économiques de l’expansion des superficies irriguées sont deux fois plus importants que les coûts liés au changement climatique.

 

L’expansion de l’irrigation permettrait aux agriculteurs africains de produire deux fois plus de denrées alimentaires, souligne le rapport intitulé Water-Wise: Smart Irrigation Strategies for Africa, [Utilisation judicieuse de l’eau : des stratégies intelligentes d’irrigation pour l’Afrique], rendu public lundi à l’occasion du Forum du Panel Malabo Montpellier, rappelant qu’à peine 6% des terres cultivées sont actuellement irriguées en Afrique, contre 14% en Amérique latine et 37% en Asie.

 

En aidant davantage d’agriculteurs à accéder aux systèmes d’irrigation et à les utiliser, les pays africains pourront atteindre leurs objectifs de réduction de la faim et de promotion de la sécurité alimentaire, précise le document, notant qu’il est possible d’étendre l’irrigation sur 47 millions d’hectares en Afrique, et ainsi stimuler la productivité agricole, les moyens de subsistance et la croissance économique.

 

En Afrique, la production alimentaire dépend encore presque exclusivement de l’agriculture pluviale, ce qui rend les agriculteurs et les communautés rurales vulnérables face aux schémas de pluviométrie de plus en plus aléatoires et aux conditions climatiques extrêmes, regrette le rapport.

 

Il indique toutefois qu’il existe un vaste potentiel d’intensification de l’irrigation, en particulier en Afrique sub-saharienne, qui permettrait d’accroître les rendements des cultures et d’améliorer la résistance aux chocs climatiques.

 

« Ce rapport montre l’énorme potentiel de l’irrigation pour améliorer la production agricole en Afrique », a déclaré le Vice-Président du Malawi et co-président du Forum de Malabo Montpellier, Saulos Klaus Chilima.

 

« L’analyse montre que nous pouvons tirer des enseignements des expériences de nos voisins sur le continent. Le Malawi s’est engagé à accroître la superficie des terres arables irriguées et a déjà vu les revenus augmenter de 65 % dans les zones où les agriculteurs participent à des programmes d’irrigation », a-t-il dit.

 

Les auteurs du rapport ont trouvé plusieurs points communs entre les pays qui ont connu des progrès significatifs dans l’expansion de l’irrigation. Ils en ont tiré neuf recommandations pouvant aider d’autres pays à atteindre les objectifs de sécurité alimentaire et de nutrition fixés par l’Agenda 2063 de l’Union Africaine et par la Déclaration de Malabo.

 

Selon Ousmane Badiane, co-président du Panel Malabo Montpellier et Directeur Afrique de l’Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI), « il est essentiel de mettre en place des institutions gouvernementales efficaces dédiées à cet effet et d’augmenter de manière significative les financements publics des programmes d’irrigation ».

 

En outre, ajoute-t-il, « les interventions visant à faciliter l’accès au financement et à renforcer les compétences en matière d’exploitation, de réparation et d’entretien des équipements sont quelques-uns des facteurs clés qui ont permis aux pays de réaliser des progrès considérables », signalant que « le partenariat avec le secteur privé et les communautés agricoles ainsi que l’amélioration de la réglementation pour une utilisation sécuritaire et durable de l’eau en sont d’autres facteurs déterminants. »

 

Le rapport met l’accent sur l’argument de rentabilité du développement de l’irrigation, soulignant que dans les régions les plus vulnérables d’Afrique, l’agriculture irriguée permet également aux agriculteurs de prolonger la saison agricole, d’augmenter leur productivité et leurs revenus et d’améliorer leurs moyens de subsistance.

 

Au Niger, l’un des pays où le rythme d’expansion de l’irrigation est le plus rapide, l’agriculture irriguée parvient à générer jusqu’à 20% du produit intérieur brut (PIB) agricole.

 

« Deux choses doivent se conjuguer dans l’irrigation intelligente : premièrement, une technologie robuste qui économise l’eau et l’énergie et qui peut être entretenue à l’échelle locale et, deuxièmement, des organisations locales saines et équitables avec des agricultrices et des agriculteurs qui dirigent eux-même leur irrigation », préconise le Professeur Joachim von Braun, co-président du Panel Malabo Montpellier et Directeur du Centre de Recherche pour le Développement à l’Université Bonn, en Allemagne.

 

« Pour garantir ces deux conditions, il convient d’établir des politiques judicieuses et non pas seulement des directives imposées d’en-haut. Ainsi les possibilités de revenus seront attrayantes pour les jeunes ruraux », a-t-il estimé.

 

Les auteurs du rapport ont toutefois insisté que l’expansion doit être planifiée avec soin afin d’éviter les effets néfastes sur l’environnement et sur la santé humaine.

 

« Nous devons élever l’irrigation au rang de priorité politique absolue pour la faire passer à l’échelle supérieure en tant qu’élément clé servant à assurer la sécurité alimentaire du continent face à des conditions climatiques plus extrêmes », a déclaré l’ancienne ministre de l’Agriculture du Rwanda et membre du Panel Malabo Montpellier, Agnes Kalibata, ajoutant que « nous devons multiplier de nouveaux modèles qui mettent l’accent sur l’irrigation dirigée par les agriculteurs pour accroître la résilience des ménages face aux chocs. »

 

« Que ce soit à petite échelle (et sous la direction des agriculteurs) ou à grande échelle, il est crucial que les systèmes et technologies d’irrigation soutenus par les gouvernements ou le secteur privé soient conçus pour s’adapter aux contextes locaux et répondre aux besoins des petits exploitants agricoles », a-t-elle fait valoir.

 

Basé à Dakar, le Panel Malabo Montpellier est composé de 17 éminents experts issus des domaines de l’agriculture, de l’écologie, de la nutrition et de la sécurité alimentaire, qui oeuvrent ensemble à orienter les choix politiques des gouvernements africains dans le but d’accélérer les progrès vers la sécurité alimentaire et une meilleure nutrition en Afrique.

Rédaction Infomédiaire