Jean-François Levraud, Associé Gide Loyrette Nouel Casablanca

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    Infomediare : Pouvez-vous tout d’abord rapprocher nos lecteurs du cabinet Gide Loyrette Nouel ?
     
     
    Jean-François Levraud  : Le cabinet Gide est le premier cabinet d’avocats international d'origine française. Fondé à Paris en 1920, le Cabinet compte aujourd’hui 14 bureaux dans le monde. Il rassemble 600 avocats, dont 97 associés, de 35 nationalités différentes, qui sont capables d’intervenir dans tous les domaines du droit des affaires. 
     
     
    Au Maroc, notre implantation remonte à 2003 même si nous traitons des dossiers marocains depuis plus de quarante ans. Nous avons en effet été l’un des premiers cabinets d’avocats internationaux à croire au potentiel économique du Maroc et à la qualité de son capital humain, nos équipes étant notamment composées d’avocats français et marocains ayant une solide connaissance du Maroc. En outre, notre rapprochement avec le cabinet hispano-portugais Cuatrecasas, Gonçalves Pereira intervenu en octobre 2014, a permis le renforcement de nos équipes et la consolidation de notre positionnement au Maroc et, plus généralement, en Afrique. 
     
     
    Enfin, je dirais que nous sommes l’un des rares cabinets au Maroc à pouvoir proposer une assistance juridique couvrant la quasi-totalité des domaines du droit des affaires. Nous avons développé des expertises particulièrement reconnues dans les domaines des fusions- acquisitions, des Projets, des Financements et de l’Immobilier.
     
     
    Infomediare : Quel diagnostic faites-vous du secteur de l’immobilier au Maroc ?
     
    Jean-François Levraud  : Après le « boom » immobilier des années 2000, le secteur de l’immobilier marocain a rencontré un certain ralentissement notamment en matière d’immobilier haut de gamme et résidence de luxe. Les promoteurs rencontrent des difficultés pour vendre leur stock, le niveau de la demande reste important mais davantage exigeant, cela profite à certaines commercialisations de qualité tournées notamment vers le durable et l’efficience énergétique. 
     
    Heureusement, le secteur du résidentiel est marqué par un déficit en logements, ce qui laisse présager un regain de transactions dans ce secteur. Plus globalement, le secteur de l’immobilier s’est considérablement professionnalisé et a notamment vu apparaître des géants nationaux qui contribuent à la croissance de l’économie marocaine. Cependant, le cadre juridique reste encore pénalisant pour le secteur et des chantiers sont à mener s’agissant de réformes ambitieuses permettant notamment d’harmoniser et de moderniser la réglementation en matière d’urbanisme, de gestion des grands ensembles ou encore en matière de baux. 
     
    Enfin, il faut aussi noter que l’échec de certains projets s’explique parfois par l’absence d’études de marché sérieuses ou de conseils juridiques et financiers pertinents, empêchant les promoteurs ou investisseurs de sécuriser et d’optimiser les programmes d’investissement. Notre rôle en tant qu’avocat spécialiste du secteur immobilier est en effet essentiel pour assurer la sécurité juridique et la pérennité des projets immobiliers.
     
     
    Infomediare : Le ministère de l’habitat avait souligné, en 2014, l'importance de réviser le cadre juridique régissant la vente d'immeuble en l'état futur d'achèvement (VEFA), en raison des contraintes constatées au niveau de son application, pouvez-vous justement revenir sur les insuffisances de ce dispositif ?
     
     
    Jean-François Levraud  : Le dispositif mis en place par la loi n° 44-00 n’a pas été suivi et s’est trouvé finalement très peu appliqué en pratique et ce au détriment tant des vendeurs que des acquéreurs. 
     
    Cette situation trouve une première explication dans les objectifs premiers que poursuivait la loi n° 44-00, lesquels étaient notamment de mettre un terme à certains abus de promoteurs et à offrir un cadre sécurisant pour les acquéreurs. Or, si ces objectifs étaient plus que louables, ils ont aussi conduit à un régime juridique parfois difficile à appliquer et surtout inadapté à la réalité opérationnelle de l’opération concernée. 
     
    Ainsi, les critiques ont souvent porté sur l’impossibilité de recevoir des avances avant l’achèvement des fondations (le contrat de vente préliminaire ne pouvant être conclu qu’après l’achèvement des travaux des fondations au niveau du rez-de-chaussée), les difficultés de l’obtention et le manque de souplesse de la caution bancaire à délivrer par le vendeur, l’absence d’une corrélation entre les appels de fonds et l’état d’avancement des travaux, l’absence d’une procédure claire de la vente étape par étape, les difficultés posées par une prénotation de l’acquéreur, l’absence de garanties fortes sur la conformité du bien livré par rapport au projet initial ou encore les difficultés quant à l’obtention d’indemnité et ou de résiliation lors d’un retard ou d’une défaillance de la part du vendeur. 
     
    Infomediare : Le projet de loi sur la vente d'immeuble en l'état futur d'achèvement (VEFA) a donc été adopté par la chambre des représentants, que doit-on retenir de la nouvelle réforme ?
     
     
    Jean-François Levraud  : Cette réforme vient renforcer la sécurité juridique de ce type d’opération notamment par la légalisation de certaines pratiques de marchés telles que la conclusion du contrat de réservation et par le renforcement des garanties offertes à l’acquéreur en matière de remboursement ou encore d’échéancier de paiement. 
     
    Les changements suivants sont, selon nous, les plus notables :
     
    La consécration d’un contrat dit de « réservation » qui ne pourra être signé, sous peine de nullité, qu’à la condition que le permis de construire soit obtenu. Par ailleurs l’acompte versé lors de la réservation est plafonné à 5 % du montant global du prix de vente ;
     
    La possibilité pour l’acquéreur de renoncer à la vente dans un délai maximum d’un mois à compter de la signature du contrat de réservation ;
     
    La possibilité d’établir un contrat de vente préliminaire après l’obtention de l’autorisation de construire et non plus seulement après l’achèvement des travaux des fondations au niveau du rez-de-chaussée ;
     
    Le renforcement du cadre strict dans lequel la conclusion du contrat préliminaire de vente doit désormais intervenir : la loi fixe les mentions obligatoires que doit contenir le contrat (identité des parties, référence du titre de propriété, date et numéro du permis de construire, prix de vente définitif au mètre carré, modalités de paiement, délai de livraison, références de la garantie de remboursement des avances ou de la garantie d’achèvement des travaux, etc.) ;
     
    S’agissant du paiement du prix au fur et à mesure de l’avancement des travaux, la loi prévoit désormais la fixation de pourcentages maximum à payer pour chacun des jalons qui passent de 3 à 5 : 5 % lors de la conclusion du contrat de vente préliminaire ; 75 % répartis entre (i) l’achèvement des travaux relatifs aux fondations au niveau du rez-de-chaussée, (ii) l’achèvement du gros œuvre de l'ensemble de l'immeuble et (iii) l'achèvement des travaux de finition et l’obtention du permis d’habiter ; et enfin 20 % lors de la signature du contrat de vente et de la remise des clefs.
     
    Ces avancées laissent augurer d’intéressantes retombées pour le secteur de la construction et de l’immobilier en général.