Nada Roudiès, SG du Ministère du Tourisme

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    Infomediaire : Quels sont les objectifs de votre démarche de sensibilisation des acteurs étatiques et non étatiques sur les défis urgents auxquels le tourisme marocain doit faire face, et ce, à la veille de la COP22 ?
     
    Nada Roudiès : La stratégie touristique a permis d’afficher un positionnement clair de la destination Maroc pour un tourisme authentique à forte valeur ajoutée où le développement durable occupe une place centrale. Il s’agit aujourd’hui d’accroître la sensibilité de tout l’écosystème à cet objectif pour que chacun, institutionnel, élu, investisseur, professionnel, touriste et citoyen, se sente concerné et devienne acteur d’un tourisme durable.
    La Journée Marocaine du Tourisme Durable et Responsable a été lancée pour être un espace d’échanges de tous les acteurs de l’écosystème.
    La COP22 est une occasion également pour mobiliser les acteurs du tourisme, vulgariser les liens entre le secteur et le changements climatiques et encourager les démarches environnementales au niveau de l’offre touristique ainsi que les changement de comportement chez les consommateurs à même de contribuer à l’effort global du pays pour le climat
     
     
    Infomediaire : Quel est le rôle que peut jouer aujourd’hui, et plus que jamais, le tourisme durable dans la lutte contre le changement climatique ? 
     
    Nada Roudiès : L’enjeu du développement durable est placé au cœur des préoccupations stratégiques du Maroc. En effet pour faire face aux enjeux majeurs inhérents au déploiement de ses programmes, notamment ceux relatifs à la préservation de l’environnement et à l’équité sociale, plusieurs actions ont été réalisées afin de maximiser les avantages de l’implantation de l’activité touristique dans les régions et essayer d’en minimiser les effets pervers : c’est l’essence même d’un tourisme durable.
     
    Pour le secteur, un tourisme durable est un tourisme créateur de valeurs et de bien être pour les populations locales, valorisant les patrimoines naturels et culturels et inscrit dans les cadres national et international de développement durable.
     
    Les efforts d’optimisation des ressources en eau, la gestion efficiente de l’énergie et des déchets au niveau de toute la chaîne de valeur touristique, qui constituent un des piliers importants du tourisme durable contribuent à la réduction des émissions de GES et également aux efforts d’adaptation aux changements climatiques.
     
    Infomediaire : Pouvez-vous nous exposer les projets pilotes et les initiatives innovantes déployés par le Maroc en vue de valoriser le tourisme durable au Maroc ?
     
    Nada Roudiès : Le tourisme durable se veut pour nous une approche intégrée et non juste une activité de niche. Nous actionnons donc le levier réglementaire/normatif pour assoir des standards minimum au niveau des investissements et de la chaine de valeur touristique. De même que nous mettons en place une série de mesures d’accompagnement, de renforcement de capacités des acteurs et d’encouragement des labels (ex label clé verte) et des initiatives innovantes
     
    Exemples d’initiatives : 
     
    Initiative d’une catégorie des Trophées Maroc du Tourisme Durable dédiée au Climat. 
    Instaurés désormais comme un rendez-vous annuel incontournable, les Trophées Maroc du Tourisme Durable mettent à l’honneur et récompensent depuis 2008 les initiatives et idées engagées dans le respect des différents potentiels des régions marocaines. Le concours est ouvert aux projets en lien avec les thématiques suivantes : environnement et biodiversité, culture et patrimoine immatériel, équité et responsabilité sociale, territoire durable et évènement durable. Cette année, et en exclusivité pour la COP22, une nouvelle catégorie « Tourisme et Climat » a été instaurée. 
     
    Initiative du dispositif d’étiquetage environnemental au niveau des établissements d’hébergement
    En partenariat avec le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), et avec le soutien de l’International Climate Initiative financée par le gouvernement allemand, le Ministère du Tourisme lance le projet d’étiquetage environnemental à destination des établissements touristiques. Initialement adoptée à Nantes puis déployée en Ile-de-France lors de la COP21, cette initiative sera à la fois un outil de pilotage de la performance environnementale pour les hôteliers mais aussi un outil d’information du consommateur, soucieux de son empreinte sur l’environnement et de fait de séjourner auprès d’établissements engagés. Cette initiative sera déployée à Marrakech avec la collaboration de dix hôtels et de la société BetterflyTourism, avant de s’étendre, dans ses prochaines éditions, au reste du Royaume.
     
    Initiative « Bon pour le Climat » : le Maroc, deuxième pays dans le monde à introduire l’assiette « lowcarbon »
    Après la France, c’est au Maroc d’adhérer à l’initiative « Bon pour le Climat ». Ce concept a été introduit par le Ministère du Tourisme et Le Haut-Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte Contre la Désertification, avec l’appui du Projet Tourisme Durable de l’agence allemande de coopération internationale (GIZ) et en partenariat avec l’association française «Bon pour le Climat». Il vise à mobiliser les chefs et les établissements du secteur de l’hôtellerie pour la réalisation d’une cuisine responsable, respectant trois critères : la saison, le local et le végétal. Cette restauration « lowcarbon » permettra de sensibiliser les consommateurs à l’importance de privilégier des produits de saison, issus d’agricultures locales et à terme, de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une vingtaine de chefs ont intégré la démarche et proposeront des menus « Bon pour le Climat » sur leurs cartes.
     
    Infomediaire : Quel est le positionnement du Royaume en matière de développement du tourisme vert à l’échelle régionale et mondiale ? 
     
     
    Nada Roudiès : Le Maroc a choisi de placer le tourisme responsable au cœur de sa stratégie touristique. Il promeut une destination authentique, propre et responsable, qui accélère le développement économique du pays tout en préservant et valorisant sa culture, ses valeurs, ses traditions, son identité et son environnement. L’ambition est de faire du pays un modèle dans sa région.
     
    Dans sa vision stratégique, le Ministère du Tourisme a donc opté pour une politique de développement innovante qui permette une meilleure diffusion des richesses issues du tourisme à travers une approche territoriale. Il a par ailleurs adopté un plan d’actions détaillé alliant mise en œuvre de réformes normatives et réglementaires, renforcement des capacités des acteurs et dispositifs incitatifs et monitoring.
     
    Par-delà sa vision nationale, le Maroc participe également activement à toutes les initiatives internationales visant à reconnaître le tourisme durable comme un véritable contributeur aux 17 Objectifs de Développement Durable (ODD), adoptés par les Nations Unies en septembre 2015, et à en diffuser les meilleures pratiques. Précurseur, le Maroc a été l’un des initiateurs du partenariat mondial pour le tourisme durable créé en 2011, qu’il a présidé de 2013 à 2015. Il joue actuellement un rôle actifauprès de l’Organisation Mondiale du Tourisme au sein du projet «Tourisme Durable», intégré au cadre décennal de programmation « 10 Years Framework Policy ». Ce programme, issu de la conférence Rio+20, entend consolider la coopération internationale afin d’accélérer le passage vers la consommation et la production durables dans le monde.
    Le Maroc est aussi tourné vers l’Afrique et a porté avec l’OMT en avril 2016 à Abidjan, une proposition de Charte Africaine du Tourisme Durable qui se veut un cadre de référence pour le développement du tourisme en Afrique.
     
     
     
    Infomediaire : – Les trophées « Maroc du tourisme durable » en sont à leur 6e édition. Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
     
    Nada Roudiès : La 1ère édition des trophées « Maroc du tourisme responsable » a été lancée en 2008. A cette époque-là, les premiers jalons d’une démarche de tourisme durable commençaient à voir le jour. Cette ambition affichée s’est concrétisée avec la création en 2006, du comité marocain du tourisme durable, et dont le principal objectif était d’inscrire le Maroc dans une démarche de développement touristique durable en préservant sa culture, ses valeurs, ses traditions, son identité et son environnement.      
     
    Aujourd’hui et au fil de 5 éditions passées, les trophées « Maroc du Tourisme Responsable » ont permis de récompenser 29 projets menés par les différentes parties prenantes du secteur du tourisme qui interviennent au Maroc. Celles-ci sont en accord avec les principes de durabilité et ont enclenché la dynamique de tourisme durable à travers tout le Royaume et plus concrètement, nous ont aidé à développer un réseau d’acteurs du tourisme engagés dans la durabilité.
    Le challenge aujourd’hui est que ces exemples nous aident à diffuser ces bonnes pratiques à une plus grande échelle et ainsi, faire du tourisme durable une approche intégrée partagée par tous et non seulement une simple offre touristique de niche. 
     
    Infomediaire :  Outre ces trophées, quelle est la stratégie du ministère du Tourisme en matière de tourisme durable ? 
     
    Nada Roudiès : L’enjeu du développement durable est placé au cœur des préoccupations stratégiques du Maroc. En effet, et afin d’accompagner la stratégie de développement touristique V2020 et faire face aux enjeux majeurs inhérents au déploiement de ses programmes, notamment ceux relatifs à la préservation de l’environnement et à l’équité sociale, plusieurs actions ont été mises en place afin de maximiser les avantages de l’implantation de l’activité touristique dans les régions et essayer d’en minimiser les effets pervers. En résumé, nous travaillons sur trois leviers : 
    1) les outils d’évaluation et de monitoring : par exemple, les observatoires régionaux de la durabilité en cours de mise en place avec le département de l’environnement.
     2) les normes et la réglementation : nous introduisons la durabilité progressivement comme exigence au niveau de tous les métiers tel que l’hébergement et nous travaillons au renforcement des cahiers de charge des investisseurs sur ce volet.
     3) le renforcement de capacités des acteurs, l’assistance technique et financière : nous organisons des séminaires de sensibilisation, nous développons des modules de formation dans les écoles hôtelières. Nous offrons aussi des mécanismes d’appui aux PME tel que « moussanada syaha » qui consacre un volet à la durabilité et nous essayons de valoriser les initiatives innovantes , la valorisation des initiatives via les trophées du tourisme durable
    Nous déployons ces outils et leviers tout au long du cycle de vie du produit touristique (planification, investissement, exploitation, promotion et communication) afin de pouvoir être dans une logique intégrée et globale et positionner notre destination comme modèle du développement durable dans le pourtour méditerranéen
     
    Infomediaire :  Existe-t-il un label "Tourisme durable" marocain ? Si non, pourquoi ne pas le faire ?
     
    Nada Roudiès : Face à la multiplicité des labels internationaux existants et à leur notoriété, le Maroc a fait le choix de ne pas développer un label national « tourisme durable ». Nous avons préféré travailler sur des référentiels et outils de sensibilisation pour diffuser les principes du tourisme durable et encourager les acteurs à s’engager dans des démarches de développement durable incluant la labellisation ou la certification en leur laissant le choix des labels qui s’adaptent le plus par rapport à leur activité ou leur positionnement marché.
     
    Vu sa notoriété dans les principaux marchés européens adressés par le secteur, nous avons toutefois encouragé l’introduction de l’éco label « clef verte » au Maroc par la Fondation Mohammed VI pour l’Environnement. La Dernière campagne de labellisation 2015 a permis de labelliser 59 unités d’hébergement.
     
    Infomediaire :  Quels sont les critères à retenir pour parler de tourisme durable ?
     
    Nada Roudiès :  Le tourisme responsable place l’humain au cœur de ses préoccupations et qui respecte les fondamentaux du développement durable. En résumé, il s’agit d’un tourisme créateur de richesses et d’emplois décents, soucieux de la valorisation des ressources naturelles et de notre patrimoine culturel, et qui préserve notre identité marocaine.
     
    Infomediaire :  Le tourisme durable au Maroc est souvent exclusif au rural. Pourquoi ?
     
    Nada Roudiès :  Nous pensons qu’il s’agit là d’un effort de vulgarisation à faire et de perception à corriger : le tourisme durable est certes toujours plus facilement associé à l’écotourisme qui n’est autre qu’une forme de tourisme durable axé davantage  sur le tourisme vert ou le tourisme de nature et qui de par le volume de touristes qu’il draine, ne peut qu’être considéré comme tel. 
    Mais le tourisme durable, existe également dans le balnéaire et le tourisme urbain. C’est d’ailleurs là qu’il prendrait tout son sens car l’impact positif n’en serait que plus grand. De grandes chaines hôtelières ou des resorts font partie de la communauté d’acteurs engagés au Maroc. C’est ce développement harmonieux que nous voulons construire. Celui où les grands pôles touristiques s’engagent pour la durabilité et constituent de réels bassins émetteurs de touristes et créateurs de valeur ajoutée pour un arrière-pays qui vient à son tour enrichir et compléter leur offre touristique.     
     
    Infomediaire :  La durabilité a été intégrée dans le projet de loi relatif au classement des établissements. Quelle forme prendra ce volet et comment son application sera-t-elle contrôlée ?
     
    Nada Roudiès :  Nous nous inscrivons dans le choix stratégique national pour la durabilité. Le levier réglementaire est pour nous important et le meilleur moyen d’assoir les standards minimum. Il a donc été décidé au niveau de la loi N°80-14 relative aux établissements touristiques et aux autres formes d’hébergement touristique, d’incorporer un certain nombre de critères liés à la durabilité avec un système graduel comprenant des critères obligatoires et d’autres à la carte. Il s’agit là d’inclure progressivement des critères liés à la rationalisation des consommations en eau, à l’efficacité énergétique ainsi qu’à la gestion des déchets de même que ces normes viendront encourager le recours aux produits locaux.
    L’application de ces normes liées à la durabilité sera vérifiée par des agents habilités de l’administration qui seront bénéficieront de formations à cet effet.