Mohammed El GHORFI, Le Médiateur bancaire / Directeur exécutif du CMMB

     

    Infomediaire : Pouvez-vous commencer par nous définir la fonction du Médiateur bancaire ?

     

    Mohammed El GHORFI : La fonction de Médiateur bancaire est de régler à l’amiable les différends nés ou pouvant naitre entre la clientèle (personnes physiques ou morales) et les établissements de crédit (banques, sociétés de financement et AMC) en respect des dispositions légales et règlementaires, la régissant. Le rôle du Médiateur est de rapprocher les points de vue des parties et de faire émerger la solution appropriée. Il peut être est saisi par l’une ou l’autre de ces dernières pour le traitement de leurs différends qui relèvent de son champ de compétences et en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés et ce, en toute neutralité et indépendance dans un esprit d’équité et de droit. Le Médiateur acteur de proximité est tenu à la confidentialité et au respect du secret professionnel à l’égard des tiers.

    Le Médiateur bancaire intervient après épuisement des recours internes ; le client doit obligatoirement saisir son établissement de crédit par écrit du différend qui l’y oppose avant de recourir au Médiateur bancaire.

    Ce dernier est à l’écoute des parties pour les accompagner dans la résolution définitive de leur différend ; il est responsable de la conduite du processus de médiation jusqu’à son aboutissement et dans les délais impartis.

    Le rôle du Médiateur est de pouvoir rééquilibrer le rapport de force entre les parties en litige.

     

    Infomediaire : Depuis le lancement officiel du Centre de médiation, combien de réclamations avez-vous pu traiter ?

     

    Mohammed El GHORFI : Le recours à la médiation bancaire est un acte qui ne se présume pas, il est volontaire. Il s’effectue à travers deux dispositifs mis en place au niveau du Centre Marocain de Médiation Bancaire CMMB, le premier traite les litiges recevables dont le montant est inférieur ou égal à 1 MDH (médiation institutionnelle) et le second traite les litiges recevables dont le montant est supérieur à 1MDH (médiation conventionnelle) avec chacun ses spécificités conformément à notre règlement de médiation.

    Depuis le démarrage du Centre (Juin 2014) plus de 2000 demandes de médiation ont atterri auprès nos services dont 830 en 2016. Il est nécessaire de préciser à cet égard que près de 40% de ces demandes n’ont pas pu être traitées pour les raisons suivantes, soit :

    . hors compétence ;

    . absence de demandes de médiation signées par les réclamants ;

    . absence de copies de pièces justificatives complétant le dossier ;

     

    Au fur et à mesure de l’avancement de l’activité du CMMB et de la montée en charge des dossiers soumis, nous apportons régulièrement les assouplissements nécessaires pour faciliter la saisine du Centre et le traitement rapide des demandes de médiation.

     

    Pour le premier semestre de 2017 l’activité s’inscrit en progression par rapport à l’exercice précédent avec un taux de réussite des demandes médiations soumises de 71 % (en conformité avec la norme internationale). Cette année Le CMMB a amélioré qualitativement son intervention compte tenu du fait que le nombre des dossiers incomplets connaît une tendance baissière grâce à une démarche pédagogique du CMMB auprès de la clientèle désireuse d’avoir en amont toutes les informations nécessaires (par téléphone ou par mail) avant de nous adresser les demandes.

     

    Infomediaire : Pouvez-vous mettre la lumière sur les avantages de la médiation bancaire ?

     

    Mohammed El GHORFI : Avant de dérouler ces avantages je souhaiterai rappeler un élément fondamental de la médiation en général : le processus de médiation ne se déroule jamais en parallèle avec une procédure judiciaire ou arbitrale, c’est soit l’un ou l’autre de ces trois modes de résolution des conflits mais jamais en même temps.

     

    Objectivement la médiation bancaire ne comporte que des avantages :

    . Le retrait des parties est possible mais avant la signature du protocole transactionnel par les parties et le Médiateur

    . Le protocole transactionnel a l’autorité de la force jugée.

    . La continuité des relations d’affaires intervient dans un climat devenu assaini.

    . Les solutions sont adoptées dans un esprit d’équité et de transparence.

    . Les solutions sont exécutoires immédiatement (du fait que les parties ont participé aux différentes étapes du processus et à l’émergence de la solution appropriée).

    . La médiation instruite par le CMMB est effectuée à titre gracieux pour les parties.

    . Les délais sont courts (30 jours pour la médiation institutionnelle et 90 jours pour la médiation

    conventionnelle) donc gain en temps et en charges financières.

     

    Le processus de médiation demeure sans préjudice du droit des parties de recourir aux juridictions de droit commun ou à l’arbitrage, en cas d’échec de la médiation.

     

    Infomediaire : On constate un manque d’engouement pour cette médiation malgré tous les avantages qu’elle peut avoir, à quoi est dû, selon vous, cet état de fait ?

     

    Mohammed El GHORFI : Pour comprendre cet état de fait, je parlerai de la médiation en général et de la médiation bancaire en particulier.

     

    Si vous permettez ce n’est pas du tout un manque d’engouement, c’est plutôt une méconnaissance pure et simple de ce nouveau mode alternatif de résolution des conflits et de ses implications juridiques auprès de notre population bancarisée malgré une communication soutenue à travers différents supports médiatiques.

    En Europe et dans le monde anglo-saxon, la médiation est actuellement le mode de résolution a le plus prisé, le plus souple, le plus rapide et le moins onéreux pour régler les litiges, améliorer le climat des affaires et désengorger les tribunaux et cela ne veut pas dire que les autres modes ont disparu. Cette comparaison est donnée à titre indicatif pour zoomer sur le potentiel que recèle ce mode de résolution sous d’autres cieux.

    Pour notre part nous demeurons persuadés que les lignes ne peuvent correctement bouger qu’avec la satisfaction de solutions fiables apportées aux parties dans les délais impartis et une vulgarisation régulière et suivie par les différents acteurs pratiquant la médiation. Ces deux éléments devront certainement contribuer à terme à un changement de mentalités et de culture. C’est un travail déjà lancé mais il est de longue haleine et doit s’inscrire dans la durée. C’est une phase inévitable à l’instar des pays qui ont acquis une expérience réussie dans ce domaine, avant nous. Dans notre pays la médiation en général n’a pas encore de recul significatif (loi 2007) pour manier les pratiques professionnelles et consensuelles de la médiation dans les litiges concernant les différents domaines du tissu économique. Cela nécessitera une période de latence nécessaire avec bien entendu l’apport de médiateurs reconnus de par leur formation, leur charisme, leur impartialité et leur parfaite connaissance des secteurs d’activités dans lesquels ils opèrent pour donner à ce nouveau mode alternatif, toute la crédibilité qu’il mérite.

     

    Depuis le démarrage de nos activités au niveau du CMMB les solutions émergées au gré des parties s’améliorent en qualité et en délais et certaines font même parfois office de « jurisprudence interne » pour les litiges présentant un caractère récurrent.

    Parallèlement un plan de communication est arrêté au début de chaque exercice pour faire connaître aussi bien au grand public qu’à la population ciblée l’existence du CMMB, ses missions, les pratiques et les avantages de la médiation bancaire.

    Ce plan s’appuie aussi bien sur des interviews données à la presse écrite que d’émissions en live avec la presse audiovisuelle, en arabe et en français.

    Des conférences de sensibilisation sont également organisées sur le terrain avec différents corps professionnels et antennes régionales de la CGEM et des CCIS.

    La publication de toutes ces communications est reprise dans notre site www.cmmb.ma

    L’action de communication menée par le CMMB est aujourd’hui étendue aux différentes Régions du Royaume pour toucher la base la plus large possible d’agents économiques et également ceux résidant à l’étranger. Cette action commence à porter valablement ses fruits, les résultats satisfaisants sont bien perçus chez la clientèle mais il y a encore matière à explorer.

    Le but recherché pour nous est de contribuer efficacement à l’instauration d’un réflexe « médiation bancaire » aussi bien chez la clientèle que les établissements de crédit avant de recourir aux modes de résolution classiques.