Abdellatif Mâzouz, Ministre du Commerce extérieur

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    Infomédiaire : Pouvez-vous nous dresser un bilan de vos actions depuis votre nomination au sein du Ministère du Commerce Extérieur ?

    Abdellatif Mâzouz : Il est important de rappeler que le Ministère du commerce extérieur avait besoin d’une vision stratégique, de plus de visibilité sur la scène nationale et internationale et de moyens humains et financiers pour réaliser ses missions et atteindre ses objectifs. C’est désormais chose faite. Le MCE a de plus en plus de notoriété et de visibilité. Une présence régulière et remarquable sur les marchés extérieurs et auprès des instances internationales. Des félicitations de l’OMC. Un effectif progressant de 25% en 3 ans alors qu’il stagnait à moins de 200 personnes pendant les cinq années précédentes et un budget d’investissement qui passe de un à 264 millions de dirhams, avec une forte priorité au développement des exportations.

    Depuis 2009, nous avons décliné une stratégie de développement et de promotion des exportations cherchant accroitre nos exportations de biens et services, hors phosphates et tourisme, de 12% en moyenne par année entre 2009 et 2015. Ce qui se traduit par le doublement de ces exportations en 2015 et leur triplement en 2018. En 2010 les exportations de biens ont progressé de 32% et celles des biens et services hors phosphates ont progressé de 19%. Ces chiffres s’établissent respectivement à 18 et 14% à fin septembre 2011. Par ailleurs, les exportations ont tiré notre taux de croissance économique en y contribuant à hauteur de 3,2 points en 2010 et à 2,2 points en 2011, selon le HCP. Et c’est une première au Maroc depuis plus de 25 ans.

    Nous cherchons aussi à inculquer l’export dans les stratégies de croissance de nos entreprises en augmentant le nombre d’entreprises exportatrices. En 2010, l’effectif des entreprises exportatrices a progressé de 7%, alors que cette progression était de moins de 2% en moyenne sur les cinq années précédentes.

    Nous avons également réussi une plus grande diversification de nos échanges extérieurs, tant au niveau des produits et services échangés, qu’à celui des pays partenaires.

    Infomédiaire : Vous parlez souvent des exportations et non pas des importations. Qu’avez-vous fait pour freiner les importations ?

    Abdellatif Mâzouz : Nous avons accordé une grande importance aux mesures visant à réguler notre commerce extérieur et à en améliorer les performances. C'est dans cet esprit que la loi sur les mesures de défense commerciale a été promulguée et que nous avons adopté de nouveaux titres d'importation et d'exportation permettant d'assurer la traçabilité des opérations du commerce extérieur et mettre fin aux importations anarchiques. Cette mesure a été accompagnée par la mise en place d'un comité de lutte contre la sous facturation depuis janvier 2010. Le travail de ce comité s'est traduit par un recul substantiel des importations de certains produits des filières textile et agro-alimentaire, ciblés par le comité.

    Infomédiaire : Qu’en est-il de la réorganisation du Commerce Extérieur marocain ?

    Abdellatif Mâzouz : Notre bilan comprend une série de réformes institutionnelles du Ministère du Commerce Extérieur et des établissements formant la grande famille du Commerce Extérieur. Ces réformes ont abouti à la clarification des missions et à l’optimisation de l’organisation de chacun de ces organismes pour leur permettre de jouer au mieux le rôle qui leur incombe respectivement dans la mise en œuvre de notre vision du commerce extérieur à savoir : la Promotion pour Maroc Export (Centre Marocain pour la Promotion des Exportations), l’Événementiel pour l’OFEC (Office des Foires et des Expositions de Casablanca), l’Agrégation pour Maroc Taswiq (Office de Commercialisation et d’Exportation) et la veille commerciale pour l’Observatoire Marocain du Commerce Extérieur (ex Conseil National du Commerce Extérieur).

    Cette réforme institutionnelle a été accompagnée par un renforcement des ressources humaines et des moyens financiers pour permettre au Maroc de faire face aux mutations et aux nouveaux enjeux du commerce international. Au total, le déploiement de cette stratégie nécessitera un effort financier de l’Etat estimé à 3072 Millions Dhs sur la période 2011-2015. Le secteur privé contribuera également au financement de cette stratégie pour l’ensemble des mesures transversales et sectorielles.

    L’ensemble des établissements sous tutelle sont aujourd’hui gérés dans le respect des règles de gouvernance prévues par les textes. Ils ont tous été assainis sur les plans humain et financier, y compris ceux qui souffraient d’un déficit financier chronique (OCE et OFEC).

    Infomédiaire : Qu’en est-il des actions en cours ?

    Abdellatif Mâzouz : Actuellement, le Ministère du Commerce Extérieur œuvre à la refonte de la loi 13-89 relative au commerce extérieur en vue d’adapter cette législation au nouveau contexte international tout en prenant en considération les Accords bilatéraux et multilatéraux signés par le Maroc.

    Dans le même ordre d’idée, nous travaillons sur des projets de lois portant respectivement sur le contrôle des exportations à double usage, la refonte du système d’encouragement des exportations et l’organisation de salons professionnels à caractère international réalisés au Maroc, pour renforcer la position de notre pays en tant que plate-forme commerciale régionale.

    Le guichet unique des formalités du commerce extérieur est un autre projet qui nous tient à cœur et que nous sommes sur le point de mettre en place. Les efforts fournis par le Maroc en la matière sont très appréciés par la communauté des affaires. Dans son édition 2012, Doing Business a classé le Maroc au 43ème rang sur 183 économies pour la qualité des formalités liées au commerce transfrontalier. Le classement de notre pays s’est ainsi amélioré de 22 points.

    Infomédiaire : Comment s’est déroulée l’année 2011 pour les exportations marocaines ? Et quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés pour les années à venir?

    Abdellatif Mâzouz : L’année 2011 s’est inscrite dans le trend haussier et exceptionnel amorcé par les exportations en 2010.Ainsi, les exportations de biens et services, d’une valeur de près 210 milliards de dirhams, ont enregistré une expansion de 13% au terme des neuf premiers mois de 2011.

    Certes, les exportations des phosphates et dérivés ont contribué significativement aux performances soutenues des exportations ces 5 dernières années, avec une croissance annuelle moyenne de l’ordre de 47% sur la période 2007-2010, et une hausse substantielle de 28% au titre des 9 premiers mois de 2011.

    Toutefois, il est important de souligner que les exportations hors phosphates et dérivés ont également enregistré des progressions importantes avec une hausse dépassant les 18% entre 2009 et 2010 et 14% au cours des 9 premiers mois de 2011.Ce résultat encourageant est imputable dans une large mesure à la diversification progressive de l’offre exportable vers de nouveaux secteurs, tels que l'automobile, l'électronique et l'industrie aéronautique, dont la part ne cesse de se confirmer au niveau des exportations globales, en passant de 12% en 2007 à près de 14% en 2010 et sur les neuf mois de 2011, avec montant exporté de 20 et de 16 milliards respectivement en 2010 et les neuf mois de 2011.

    Par marché, l’analyse de la structure des exportations confirme la diversification en faveur de l’Afrique avec une part de 8% en 2011 au lieu de 6% en 2007, l’Amérique (13% au lieu de 8%) et l’Asie (16% au lieu de 10%).

    Infomédiaire : Comment peut-on assurer un équilibre entre les importations et les exportations ? Cela est-il envisageable ?

    Abdellatif Mâzouz : L’évolution des importations a été énormément impactée d’un côté par des chocs extérieurs relatifs à la flambée des cours de l’énergie et des produits alimentaires et de l’autre, par la dynamique de croissance de l’économie marocaine tirée dans une large mesure par divers facteurs, tels que l’amélioration du pouvoir d’achat des consommateurs marocains (soutien des produits de base et le relèvement des salaires), la multiplication des chantiers structurants et la mise à niveau de l’outil de production (besoins en biens d’équipement), l’amélioration des conditions de financement (crédits de consommation pour l’achat des voitures et de l’équipement électroménager).

    Ainsi, dans l’immédiat, pour assurer l’équilibre entre les importations et les exportations, la marge de manouvre se situe beaucoup plus au niveau des exportations, car l’emprise sur les importations est très limitée compte tenu du caractère difficilement «compressible » de certains postes d’importation comme l’énergie, les produits alimentaires de base, les biens d’équipement et les intrants nécessaires au processus de production de beaucoup d’activités tournées aussi bien vers le marché domestique que vers les marchés étrangers. Nous avons toutes les raisons de croire qu’avec le déploiement et la mise en œuvre accélérée et coordonnée des différentes stratégies sectorielles (émergence, Maroc vert, Plans énergétique et logistique…), notre pays assurera une offre lui permettant d’une part de réduire ses importations et d’autre part d’etre plus compétitif à l’export. Avec la poursuite renforcée de notre agressivité sur les marchés cibles, Nous pensons, qu’à partir de 2014, notre solde commercial commencera à s’améliorer progressivement

    Infomédiaire : Votre ministère a ouvert une enquête suite à une requête antidumping formulée par Cema-Bois de l’Atlas contre les pratiques de dumping chinoises. Quels sont les dommages causés par les importations en provenance de Chine ? Qu’allez-vous faire contre les pratiques de dumping chinoises ?

    Abdellatif Mâzouz : L’enquête a été initiée par le MCE en mai dernier à la demande des producteurs de contre plaqué marocain conformément à la nouvelle loi sur les mesures de défense commerciales et les engagements internationaux du pays en la matière. Elle touche à sa fin. Les résultats seront livrés incessamment sur la question de savoir s’il existe réellement un dumping c'est-à-dire que les importations sont effectuées à des prix anormalement bas, et si ce dumping a causé un dommage à l’industrie nationale.

    Cette enquête est la première du genre à être menée au Maroc. Les enquêtes précédentes se sont toutes rapportées à des mesures de sauvegarde, c'est-à-dire lorsque le privé marocain tire la sonnette d’alarme contre des importations massives d’un produit qui menacent ou risque de menacer la production nationale.

    Infomédiaire : Sur la scène internationale, la crise financière a affecté plusieurs secteurs dont celui de l'export. Quel a été l’impact de cette crise sur le Maroc ?

    Abdellatif Mâzouz : L’année 2009 était une année difficile qui a été marquée par un recul historique de 22% du commerce mondial de marchandises. Le Maroc s’en est relativement bien sorti en accusant un recul de 9% de ses exportations de biens hors phosphates.

    Les exportations marocaines ont très vite repris leur trend haussier dès le 4ème trimestre de 2009. En 2010, celles des biens ont connu une croissance de 32% et de 19% hors phosphates. Ce sont des hausses historiques jamais enregistrées par le Maroc depuis des décennies. Cette évolution a contribué largement à améliorer le taux de couverture des importations par les exportations de 71% en 2009 à 75% en 2010 pour nos échanges de biens et services.

    En 2011, les exportations marocaines totales de marchandises poursuivent leur rythme croissant pour les 9 premiers mois de l’année autour de 18% et de 15% hors phosphates.

    Ces résultats ont été obtenus grâce au déploiement d’une approche promotionnelle novatrice à l’image des quatre éditions de la Caravane de l’export en Afrique, ou celle vers les pays du Golf, des campagnes de communications dans nos marchés cibles ou encore des actions d’executive marketing menées auprès de plusieurs entreprises étrangères de renom telles que Benetton (Italie), Inditex (Espagne), Camaieu (France), Tesco (GB+Pologne), Food Emporium (USA), Harrods (GB) ou encore Renault Egypte, Tunisie, Lybie et Jordanie.

    De même, nous avons poursuivi des actions telles que le soutien à la création des consortiums d’exportation, mais sur des bases plus ambitieuses en vue de faire profiter le maximum d’entreprises de l’appui à l’agrégation de notre offre exportable. Actuellement, 21 consortiums sont créés, contre 11 à fin 2008 et il est prévu de porter ce nombre à plus de 55 à l’horizon 2015.

    Nous avons essayé de mobiliser tant que possible autour de « l’export » et d’accroitre le nombre de sociétés exportatrices dans l’ensemble du territoire national à travers d’autres actions, y compris en organisant plusieurs rencontres avec les exportateurs et les opérateurs qui souhaitent le devenir. Ces rencontres ont eu lieu dans le cadre des efforts fournis par le Gouvernement pour faire face aux effets de la crise en 2009 et dans le cadre de la Caravane nationale de l’exportation qui a visité six Régions différentes du Royaume (Agadir, Laâyoune, Fès, Oujda, Marrakech et Tanger).

    Infomédiaire : Vous avez visité cette année plusieurs pays d’Afrique. Quels sont les avantages que présente une proximité avec les pays d’Afrique ?

    Abdellatif Mâzouz : Partant des hautes orientations de Sa Majesté Le Roi que Dieu L’assiste à propos de l’Afrique, nous avons lancé le débat sur le positionnement économique de notre pays sur le continent africain, particulièrement sur l’Afrique subsaharienne.

    Dans ce cadre, plusieurs actions ont été entreprises afin de promouvoir la coopération économique et commerciale avec les partenaires africains. Les plus connues de ces actions sont les 4 éditions de la Caravane de l’exportation que j’ai conduites entre 2009 et 2011 dans les 14 pays de l'Afrique sub-saharienne identifiés comme étant des marchés importants pour nos exportations.

    En outre, nous avons veillé à améliorer le cadre juridique qui nous lie à nos amis et frères africains. Dans cette optique, le Royaume du Maroc a conclu, ces dernières années, 15 Accords commerciaux de type NPF avec les pays de l’Afrique Subsaharienne. Nous avons conclu et paraphé un Accord commercial préférentiel et d’investissement avec l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) et avons lancé des négociations d’un accord commercial préférentiel avec la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale).

    Sur le plan commercial, nos efforts ont contribué à développer nos échanges avec nos partenaires africains en passant de 6 MMDH en 2007 à 12 MMDH en 2010. Cette augmentation est imputable essentiellement à l’amélioration de nos exportations dans les secteurs des industries métallurgiques et mécaniques, agro-alimentaire, des matériaux de construction et du BTP ainsi que des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

    Le Maroc est le 2ème investisseur africain dans le continent, avec une enveloppe de 582 millions $ US au titre de l’année 2010, soit près de 91% des investissements marocains directs à l’étranger. Le cumul des investissements marocains réalisés en Afrique durant les cinq dernières années, s’élève à plus de 1.7 Mds US$ et ce, malgré une conjoncture économique mondiale hostile marquée par de nombreuses crises d’ordre alimentaire, financière ou encore économique.

    Infomédiaire : Comment le Maroc peut-il promouvoir ses exportations et multiplier les destinations vers l’Asie ?

    Abdellatif Mâzouz : La destination « Asie » figure parmi nos marchés de niche pour une série de produits, hors phosphate. c’est la raison pour laquelle nous avons conduit des missions d’hommes d’affaires dans plusieurs pays asiatiques notamment vers les plus grands partenaires du Maroc que sont l’Inde, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et le Vietnam .

    Le Ministère du Commerce Extérieur a procédé à la signature d’accords commerciaux liant le Maroc à douze de ses partenaires asiatiques. Les négociations avec 6 autres pays du même continent sont en cours.

    Aujourd’hui, les échanges commerciaux avec les pays asiatiques ont considérablement progressé. Leur volume a atteint plus de 98 MM dhs en 2010, l’équivalent de 22% du volume global de nos échanges de marchandises. Le continent asiatique s’est hissé au 2ème rang des partenaires du Maroc après l’Europe.

    Infomédiaire : Pouvez-vous nous donner plus de détails concernant l’initiative «Morocco Atlantic Bridge». Comment cette initiative va-t-elle renforcer les relations d’affaires et de partenariat entre le Maroc et les Etats-Unis d’Amérique?

    Abdellatif Mâzouz : Cette initiative vise à établir un pont Atlantic pour renforcer les liens commerciaux des Etats-Unis d’Amérique avec le Maroc et également avec ses partenaires africains et ouest européens. C’est la seconde expérience du genre qui est initiée par les Etats-Unis d’Amérique après celle de Hong Kong en novembre 2010 pour créer un pont Pacific.

    Ainsi, c’est dans une perspective mutuellement avantageuse que nous mettons en œuvre cette initiative qui est de nature à faciliter l’implantation et le développement des entreprises américaines au Maroc pour profiter du positionnement géo stratégique de notre Pays comme plateforme commerciale logistique, de services, d’organisation d’événements et de salons internationaux pour les entreprises américaines. Ainsi, les firmes américaines pourront accroître leurs ventes sur les marchés d’Afrique Subsaharienne, du Maghreb, du Moyen Orient et de l’Union Européenne, à partir du Maroc et avec une valeur ajoutée marocaine.

    Les domaines de coopération sont nombreux. Ils concernent notamment l’organisation d’événements promotionnels conjoints (missions d’hommes d’affaires, roadshows, webinaires, séminaires, …), la mise en relation des hommes d’affaires et des institutionnels américains et marocains, la certification des foires marocaines selon la norme américaine (CTF) et le renforcement de la communication.

    Les principaux secteurs ciblés par l’Initiative sont les technologies de l’information & des télécommunications, l’automobile, les énergies renouvelables, les composants électriques, les produits pharmaceutiques, le matériel et services logistiques, l’aéronautique, les technologies de l'environnement et les biens de consommation.

    Par ailleurs, cette initiative nous ouvre la possibilité d’utiliser plus de 100 bureaux du Département du Commerce Américain pour communiquer sur les opportunités qu’offre le Maroc auprès de la communauté d’affaires américaine sur l’ensemble du territoire US.