Jan Fischer, Vice Président de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) et ancien Premier Ministre Tchèque

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    Infomédiaire : Pouvez-vous présenter la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) à nos lecteurs ?

    Jan Fischer : La Banque, dont le siège est situé à Londres, a été créée à Paris après la chute du mur de Berlin en 1989; elle a commencé ses activités en 1991. Notre rôle est de développer le secteur privé, démocratiser et faciliter le passage à une économie de marché dans les pays d'Europe centrale et orientale, des pays ex-communistes, comme l’ex Yougoslavie, l'Albanie, la Mongolie et aussi la Turquie. La BERD a le titre de Banque européenne mais travaille avec beaucoup d'autres pays mis à part l'Europe: les Etats-Unis, le Japon et plusieurs autres pays qui ne font pas partie de l’Union Européenne sont actionnaires. Au total, il y a 62 pays membres actionnaires ; le Maroc est membre depuis la création de la Banque. La BERD travaille beaucoup avec l’Union Européenne, nous avons énormément travaillé pendant la crise de 2008 et 2009 pour améliorer la position financière de plusieurs pays.

    Infomédiaire : Que pouvez-vous nous dire sur le souhait du Maroc de pouvoir bénéficier du soutien de la Berd et de ses investissements ?

    Jan Fischer : Effectivement le Maroc souhaite bénéficier des investissements pour la BERD. Nous viserons en particulier à promouvoir le développement du secteur privé, domaine dans lequel nous avons l’habitude d'injecter la majeure partie des investissements de la BERD.

    En effet, la Banque dispose de 2 milliards d'euros par an pour investir dans les démocraties arabes émergentes sans nécessité de solliciter des fonds supplémentaires de ses actionnaires. La BERD est en contact avec les autorités marocaines, nous essayons d’avoir un dialogue avec les organisations non gouvernementales, les entreprises, les universités, et aussi avec les acteurs de la société et c’est très important parce que cela rentre dans notre stratégie qui reste sur le principe du dialogue. La BERD travaille aussi sur l’amélioration des entreprises, la facilité d’accès au crédit pour les PME/ PMI, l’agriculture dans le système bancaire, et dans l’énergie durable.

    Infomédiaire : A votre avis, quels seront les secteurs prioritaires sur lesquels le Maroc pourra bénéficier de votre soutien ?

    Jan Fischer : Le secteur privé au Maroc reste le plus important afin de développer les entreprises marocaines et développer le marché du travail. Nous souhaitons transformer les systèmes économiques et sociaux, diminuer le chômage et améliorer le pouvoir d’achat de toute la société marocaine.

    De manière générale, nous pensons qu’il y a une grande volonté de changement politique et économique visant à améliorer l’économie du Royaume, et ainsi développer et normaliser le marché financier pour avantager et accroître l’importance du prêt local par rapport aux prêts venant de l’étranger reliés à un taux de change instable.

    La BERD souhaite aussi accompagner les banques marocaines pour développer les PME et les PMI et le secteur agricole également qui est une source d'emploi majeure. Notre ambition est de redresser ce secteur et améliorer la qualité des produits agricoles, pas seulement chez les agriculteurs, mais aussi dans la fabrication et dans les lieux de production.

    Nous travaillons aussi avec les municipalités afin d’améliorer la qualité et le réseau de distribution de l’eau potable et aussi mettre en place un système durable de gestion des déchets, et finalement utiliser l’énergie de manière plus efficace. Nous souhaitons transférer notre expérience en Europe au monde arabe. Evidemment, chaque pays a ses spécificités, nous ne pouvons pas arriver et appliquer au Maroc ce que nous avons fait en Europe de l’est, mais par contre nous allons travailler et utiliser notre expérience de 20 ans pour accompagner les pays en transition. Le capital humain de la BERD est très expérimenté, qualifié et assez développé pour pouvoir accompagner et soutenir la transition des pays de la méditerranée.

    Infomédiaire : Pensez-vous que la crise que l’Europe traverse actuellement aura un un impact sur les investissements de la BERD ?

    Jan Fischer : Actuellement l’Europe est dans une situation délicate, il y a des gros risques sur le secteur financier et économique européen surtout avec les problèmes de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal et de l’Italie et même des Etats-Unis qui ont des problèmes à se refinancer. Nous constatons aussi que certains investisseurs hésitent deux fois avant de mettre leur argent sur table parce que nous ne savons pas très bien comment cette crise va évoluer. Cependant, les enjeux sont énormes, les actionnaires de La BERD, dont les Etats-Unis, nous encouragent parce qu’ils savent qu’il y a beaucoup de choses à faire.

    Le président Barack Obama nous a fait la promesse d'utiliser tous les outils dont il dispose pour l’avenir de ces pays en en voie de démocratisation. La BERD maintient son plan d’investissement qui est de 2 milliards de dollars par an et compte poursuivre son accompagnement aux économies des pays de la région afin de soutenir les transitions démocratiques.