Le Conseil de Bank Al-Maghrib a tenu le mardi 16 juin sa deuxième réunion trimestrielle de l’année 2020.

 

Lors de cette réunion, il a examiné et approuvé le Rapport annuel sur la situation économique, monétaire et financière du pays, ainsi que sur les activités de la Banque au titre de l’exercice 2019.

 

Le Conseil a analysé et évalué l’évolution de la conjoncture économique et sociale aussi bien au niveau national qu’international, ainsi que les réponses apportées par les autorités du pays pour atténuer les effets de la pandémie du Covid-19. Il a noté à cet égard que les projections macroéconomiques de la Banque établies dans ce contexte restent entourées d’un degré exceptionnellement élevé d’incertitude et font clairement ressortir une forte contraction de l’économie nationale cette année suivie d’un certain rebond en 2021.

 

Tenant compte de ces évaluations, le Conseil a décidé, après la baisse de 25 points de base en mars dernier, de procéder à une deuxième réduction du taux directeur de 50 points de base, le ramenant à 1,5%, et de libérer intégralement le compte de réserve au profit des banques. Dans le même sens, Bank Al-Maghrib a mis en place des dispositions spécifiques pour fournir un appui au refinancement des banques participatives et aux associations de microcrédit. Ces nouvelles décisions, conjuguées aux différentes mesures d’assouplissement déjà mises en œuvre, notamment l’élargissement du collatéral éligible à ses opérations de refinancement, le renforcement de ses programmes non conventionnels, ainsi que l’allègement temporaire des règles prudentielles, devraient contribuer, avec celles prises par le Comité de Veille Economique, à atténuer l’impact de la pandémie et à soutenir la relance de l’économie et de l’emploi. Au regard de la conjoncture particulière qui prévaut actuellement, la Banque veillera, plus que par le passé, à la transmission de ses décisions à l’économie réelle et fera le point régulièrement à ce sujet avec le plus haut management du système bancaire, mais déjà, elle a affiné le cadre de ses opérations de refinancement pour favoriser davantage les banques qui déploient le plus d’efforts dans ce sens.

 

Le Conseil a noté qu’après s’être établie à 1,4% en moyenne au premier trimestre 2020, l’inflation, mesurée par la variation du nouvel indice des prix à la consommation base 100 en 2017 mis en place par le HCP en mai dernier, est revenue à 0,9% en avril en lien essentiellement avec le repli des prix des carburants et lubrifiants. A moyen terme, et dans un contexte de faibles pressions inflationnistes émanant de la demande et des cours bas des matières premières, elle se maintiendrait, selon les prévisions de BAM, à un niveau modéré autour de 1% aussi bien en 2020 qu’en 2021. Sa composante sous-jacente, mesurant la tendance fondamentale des prix, devrait passer de 0,5% à 0,8% en 2020 et revenir à 0,7% en 2021.

 

Au plan international, s’il est clair que l’économie mondiale connaîtrait une forte récession en 2020, son ampleur et le rythme de la reprise demeurent sujets à de fortes incertitudes qui ont amené certaines banques centrales à reporter la publication de leurs prévisions et d’autres à considérer plusieurs scénarios d’évolution. Les projections basées sur les données disponibles au 18 mai indiquent une contraction de 6,4% de l’économie américaine en 2020, marquant ainsi la fin du plus long cycle d’expansion de son histoire. En 2021, elle renouerait avec la croissance avec un taux prévu à 4%. Dans la zone euro, le PIB accuserait un recul de 8,2%, suivi d’un relatif redressement de 3,9%. Sur les marchés du travail, après avoir évolué autour de 4%, le taux de chômage a bondi aux Etats-Unis à 14,7% en avril avec une perte de 20,7 millions d’emplois avant de revenir à 13,3% en mai suite à une création de 2,5 millions de postes. Dans la zone euro, la hausse a été limitée, le taux ressortant à 7,3% en avril après 7,1% en mars, en raison notamment du recours aux dispositifs du chômage partiel. Ce taux resterait élevé aux Etats-Unis, s’établissant à 9,6% en moyenne cette année et à 9% en 2021. Dans la zone euro, il continuerait d’augmenter pour se situer à 8,6% en

2020 et à 9,2% en 2021. Dans les principaux pays émergents, l’économie chinoise accuserait une contraction de 5,1% cette année suivie d’une forte progression prévue à 9,6%, tandis qu’en Inde, le PIB enregistrerait une diminution limitée à 1% avant de rebondir de 8,8% en 2021.

 

Sur les marchés des matières premières, l’accord conclu par les membres de l’OPEP+ pour réduire la production de pétrole à compter du 1er mai ne devrait que partiellement compenser l’effet de la forte baisse de la demande mondiale sur les prix. Le cours du Brent en particulier devrait se replier de 64 dollars le baril en moyenne en 2019 à 40 dollars en 2020 et remonter à 52,5 dollars en 2021. Pour les produits alimentaires, leurs prix régresseraient de 2,7% en 2020 dans un contexte d’offre excédentaire et d’affaiblissement de la demande mondiale avant de se redresser en 2021.

 

Pour les phosphates et dérivés, le cours du DAP reculerait de 306,4 dollars la tonne en 2019 à 285 dollars en 2020 puis s’accroîtrait à 295 dollars en 2021 et celui de la roche passerait respectivement de 88 dollars la tonne à 78 dollars puis à 81 dollars.

 

Dans ces conditions, l’économie mondiale subirait de fortes pressions désinflationnistes en 2020, avec notamment un reflux de l’inflation à 0,9% aux Etats-Unis et à 0,5% dans la zone euro. En 2021, l’inflation connaitrait une hausse, s’établissant à 2,4% aux Etats-Unis, mais restant bien en deçà de l’objectif de la BCE, à 1,3%.

 

Face à cette situation, les banques centrales ont recouru à leurs instruments conventionnels et non conventionnels pour soutenir l’activité et favoriser la relance. Ainsi, la BCE a adopté le 12 mars une série de mesures, dont notamment des opérations de refinancement de long terme et une enveloppe temporaire d’achats nets supplémentaires d’actifs d’un montant de 120 milliards d’euros. Elle a annoncé le 18 mars un nouveau programme temporaire d’achats nets d’actifs d’une enveloppe globale de 750 milliards d’euros qu’elle a portée lors de sa réunion du 4 juin à 1 350 milliards d’euros. Le 30 avril, elle a décidé de mener une nouvelle série d’opérations de refinancement à plus long terme non-ciblées d’urgence. Pour sa part, après une baisse de 50 points de base le 3 mars, la FED a réduit le 15 mars de 100 points de base la fourchette cible du taux des fonds fédéraux, la ramenant à [0%-0,25%] et a décidé de relancer ses achats de titres pour au moins 700 milliards de dollars. Elle a annoncé le 9 avril des mesures additionnelles pour fournir jusqu’à 2 300 milliards de dollars de prêts au profit des ménages, des employeurs et des autorités locales et a établi des facilités de liquidité en dollars avec quelques banques centrales pour atténuer la pression sur la liquidité. A l’issue de sa réunion des 9-10 juin dernier, elle a réitéré son engagement à utiliser tous ses instruments pour soutenir l’économie américaine et a procédé à la première publication de ses projections macroéconomiques qui font ressortir notamment une contraction du PIB des Etats-Unis de 6,5% en 2020, suivi d’un rebond de 5% en 2021.

 

Parallèlement, des mesures de soutien budgétaire ont été mises en place à grande échelle par les gouvernements. Ainsi, au niveau de l’UE, outre les réponses individuelles des pays membres, l’Eurogroupe a conclu un accord pour des mesures de soutien de 540 milliards d’euros et la Commission européenne a proposé un instrument de relance d’une enveloppe de 750 milliards d’euros. Aux Etats-Unis, un plan budgétaire d’une enveloppe de 2200 milliards de dollars a été mis en œuvre et, la Chambre des représentants a proposé le 15 mai un ensemble de nouvelles mesures de relance pour un montant de 3000 milliards de dollars.

 

Au niveau national, pâtissant de l’effet conjugué de la sécheresse et des restrictions pour limiter la propagation du Covid-19, l’économie accuserait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, une contraction de 5,2% en 2020, la plus forte depuis 1996. La valeur ajoutée agricole connaîtrait un recul de 4,6%, avec une récolte céréalière estimée par le Département de l’Agriculture à 30 millions de quintaux, et celle des activités non agricoles diminuerait de 5,3%. En 2021, la croissance marquerait un rebond à 4,2%, avec une augmentation de la valeur ajoutée agricole de 12,4%, sous l’hypothèse d’une production céréalière de 75 millions de quintaux, et une amélioration du rythme des activités non agricoles à 3,1%. Au regard de l’évolution rapide et incertaine de la situation, ces prévisions restent entourées de fortes incertitudes, avec une balance des risques orientée à la baisse. En effet, selon les scénarios d’une reprise plus lente de l’activité ou de la persistance de la faiblesse de la demande étrangère et des perturbations des chaînes d’approvisionnement, la récession serait beaucoup plus profonde.

 

Sur le marché du travail, les dernières données de l’enquête nationale sur l’emploi ont été collectées par le HCP entre le 1er janvier et le 20 mars et, par conséquent, n’intègrent pas l’effet de la pandémie du Covid-19. Elles font ressortir une création de 77 mille emplois après une perte de 2 mille au cours de la même période une année auparavant, une amélioration du taux d’activité de 45,7% à 46% et une hausse du taux de chômage de 9,1% à 10,5%. Cependant, une enquête ponctuelle réalisée par le HCP du 1er au 3 avril pour appréhender les retombées de la pandémie sur l’emploi indique une destruction de près de 726 mille postes, soit 20% de la main d’œuvre des entreprises organisées.

 

Sur le plan des comptes extérieurs, les données provisoires du mois d’avril montrent les premiers signes de l’impact de la crise sanitaire, avec des diminutions de 19,7% des exportations, de 12,6% des importations, de 12,8% des recettes de voyage et de 10,1% des transferts des MRE. Une relative amélioration serait attendue au second semestre avec la levée progressive des restrictions au niveau national et chez les partenaires commerciaux et les mesures d’appui à la relance, mais celle-ci ne permettrait qu’un rattrapage partiel. Ainsi, pour l’ensemble de l’année 2020, les exportations accuseraient une baisse de 15,8% globalement, qui concernerait la quasi-totalité des secteurs. En particulier, les expéditions de l’industrie automobile et les ventes du secteur textile et cuir seraient affectées par la perturbation des chaînes d’approvisionnement et l’affaiblissement de la demande étrangère. En parallèle, les importations chuteraient de 10,7%, en lien essentiellement avec l’allégement de la facture énergétique et le repli des acquisitions de biens d’équipement. Les recettes de voyage enregistreraient un fort recul qui atteindrait 60% et les transferts des MRE régresseraient de 25%. En 2021, les exportations connaîtraient une certaine reprise, soutenue par l’amélioration de la demande mondiale et la progression des capacités de la construction automobile, bien qu’à un rythme moindre que retenu précédemment. Les recettes de voyage et les transferts des MRE devraient marquer des rebonds respectifs de 60% et de 5,2%, traduisant la dissipation graduelle de l’impact du choc de la pandémie. Pour ce qui est des entrées d’IDE, elles devraient revenir à l’équivalent de 1,5% du PIB cette année avant de retrouver leur niveau tendanciel de 3,2% du PIB en 2021. Tenant compte de la hausse importante prévue des tirages à l’international du Trésor, les avoirs officiels de réserve se situeraient à 218,6 milliards de dirhams en 2020 et à 221,7 milliards en 2021, assurant une couverture autour de 5 mois d’importations de biens et services aussi bien en 2020 qu’en 2021.

 

S’agissant des conditions monétaires, les taux débiteurs ont, selon l’enquête trimestrielle de Bank Al-Maghrib, diminué de 4 points de base à 4,87% au premier trimestre 2020, tirés par le repli des taux assortissant les prêts aux entreprises privées. Cette baisse devrait se poursuivre au regard en particulier de la mise en place de dispositifs de garantie pour le financement de la relance au taux directeur majoré d’un maximum de 200 points de base. Concernant le crédit au secteur non financier, il a continué son amélioration avec une augmentation de 6,7% à fin avril, reflétant notamment l’accélération du rythme des prêts accordés aux entreprises non financières privées à 11,4%. Malgré la contraction de l’activité prévue cette année, son évolution resterait positive, avec une croissance de 1,9% en 2020 et de 2,6% en 2021, grâce aux différentes actions d’appui à la relance économique et aux mesures d’assouplissement de la Banque. Pour sa part, le taux de change effectif réel s’est apprécié au premier trimestre de 0,86%, mais devrait ressortir en dépréciation de 1,6% sur l’ensemble de l’année et de 1% en 2021, résultat d’une dépréciation en termes nominaux et d’un niveau d’inflation domestique inférieur à celui des pays partenaires et concurrents.

 

Pour ce qui est des finances publiques, l’exécution du budget au terme des cinq premiers mois fait ressortir un déficit de 25,5 milliards de dirhams, contre 19,5 milliards un an auparavant et ce, compte tenu du solde positif de 18,1 milliards du nouveau compte d’affectation spéciale pour la gestion de la pandémie du Coronavirus. Les recettes ordinaires ont diminué de 10%, impactées particulièrement par le recul des rentrées fiscales. En parallèle, les dépenses globales se sont alourdies de 4%, traduisant essentiellement des hausses de 10,8% de la masse salariale et de 18,3% des charges au titre des autres biens et services, alors que les dépenses d’investissement se sont repliées de 11,3%. Compte tenu de la reconstitution du stock des opérations en instance de 433 millions, le déficit de caisse s’est établi à 25,1 milliards de dirhams, contre 25,7 milliards une année auparavant. Ce besoin a été couvert par des ressources intérieures d’un montant net de 20,5 milliards et par des concours extérieurs nets de 4,6 milliards. A moyen terme, sur la base des estimations disponibles, le déficit budgétaire, hors privatisation, devrait s’aggraver de 4,1% du PIB en 2019 à 7,6% en 2020 avant de s’atténuer à 5% en 2021. Dans ces conditions, l’endettement du Trésor devrait augmenter, passant de 65,0% du PIB en 2019 à 75,3% en 2020 et à 75,4% en 2021.

 

Au regard des fortes incertitudes qui entourent l’évolution de la conjoncture économique à la fois au plan national et international, Bank Al-Maghrib assurera un suivi étroit de la situation et procédera à l’actualisation régulière de ses projections et à l’identification des scénarios d’évolution probables. Elle appellera si les circonstances l’exigent à une réunion exceptionnelle de son Conseil avant celle prévue le 22 septembre prochain.