Infomédiaire Maroc – Si le numérique prévaut dans tous les aspects de notre vie quotidienne, certains en font un usage plus judicieux que d’autres. C’est le cas d’une petite équipe de quatre jeunes lycéens qui s’est penchée sur la concrétisation d’une idée inédite : concevoir une application mobile pour faciliter la communication avec les sourds-muets. Baptisée HandyVoice, cette application pour smartphones surprend par son originalité et sa portée humaniste.

 

Les applications mobiles sont légion sur les plateformes de téléchargement, avec des vocations aussi diverses que les loisirs, l’éducation, la santé, la musique et les voyages, ou encore le sport. Si leur but ultime reste de générer des gains en incitant le public à réaliser le maximum de téléchargements, HandyVoice a été mû, au contraire, par le noble dessein de mettre les nouvelles technologies au service d’une catégorie sociale vulnérable et qui souffre en silence, en l’occurrence les sourds-muets.

 

« On vit au XXIème siècle, mais nous constatons qu’il y a toujours une frange de la société qui reste marginalisée dans l’absence d’une solution technologique leur facilitant la vie et leur permettant de remédier aux problèmes qu’ils rencontrent chaque jour, principalement en ce qui concerne leur capacité à communiquer avec leurs interlocuteurs », confie Atika Loualidi, une des initiateurs du projet, chargée du volet marketing et communication.

 

Ce constat regrettable est confirmé par Nadia Lazreq, vice-présidente de la Fédération nationale des sourds-muets du Maroc (FNSM). Dans un entretien à la MAP assisté par une interprète en langue des signes, elle dit trouver une grande difficulté à communiquer avec les autres, notamment à cause de la stigmatisation dont les sourds-muets font l’objet, déplorant que « la société ne fournisse pas le moindre effort pour faciliter le contact, ne serait-ce que par le sourire ».

 

Et de souligner que cette application « est une bonne idée qui viendra faciliter la communication entre les sourds-muets et les personnes entendantes et éviter de passer par un intermédiaire ou un interprète pour expliquer des choses personnelles à des personnes tierces ou aux fonctionnaires des administrations ».

 

Avec le même enthousiasme, la vice-présidente de l’association Al Moustaqbal des femmes sourdes, Boujrad Zineb, met l’accent sur l’importance de cette d’application qui « constituera une valeur ajoutée pour les sourds-muets et leur entourage », jugeant que pour favoriser leur développement et leur épanouissement personnel, il faut penser à l’enrichir davantage pour couvrir tous les domaines de la vie, que ce soit la santé, la politique, la famille, l’école ou encore la justice.

 

Comme première phase, il a été décidé d’intégrer les expressions de la vie quotidienne les plus fréquemment utilisées, explique la chargée du volet exécutif et technologie, Hibatallah Barrouss, ajoutant que l’architecture du projet s’articule autour de deux axes: une partie réservée aux interlocuteurs et une autre aux sourds-muets. Ainsi, des animations gifs, des vidéos et des audios ont été créés grâce à la collaboration de l’association Annasr pour les sourds-muets.

 

En visualisant cette application à forte portée sociale, on s’aperçoit également que les jeunes concepteurs ont veillé à rendre son utilisation simple, intuitive et accessible à tous. Téléchargeable gratuitement sur Play Store, elle offre une interface ergonomique et une base de données trilingue (arabe, français et anglais).

 

« La difficulté rencontrée à ce sujet réside dans le choix de la langue des signes à adopter pour l’application, car plusieurs versions existent à travers le monde, voire même à l’échelle nationale », soutient-elle, relevant que la langue des signes américaine reste la plus répandue.

 

Cette initiative a commencé par un simple brainstorming entre une poignée d’élèves du Lycée Abi-Dar Al Ghifari de Rabat, accompagnés par leur conseillère bénévole relevant de l’association Injaz Al-Maghrib, Khadija Baghdad. L’idée a vite gagné en maturité grâce à l’engagement de cette équipe jeune qui a pu séduire et prouver la pertinence de son projet, glanant au passage plusieurs prix aux niveaux national et international.

 

Revenant sur le parcours franchi en compagnie de ces jeunes au talent prometteur, Mme Baghdad, également cadre au sein du Haut-commissariat au plan (HCP), assure que « c’était une expérience agréable sur tous les plans, avec beaucoup d’apprentissage et d’enseignements », faisant valoir que le projet a été couronné par les prix des compétitions régionale et nationale de Injaz Al-Maghrib, ainsi que le prix de la meilleure junior entreprise à impact social dans la région MENA, et ce dans le cadre de la compétition de Injaz-Al Arab organisée en Egypte.

 

« La participation à la compétition en Egypte a été une occasion pour découvrir le monde enrichissant de l’entrepreneuriat en tissant des liens et en échangeant avec d’autres candidats, experts et investisseurs de différents pays », dit Atika Loualidi, qui poursuit actuellement ses étude dans l’institut supérieur des métiers de l’audiovisuel et du cinéma (ISMAC).

 

Dans la même veine, la chargée du design et de la créativité au sein de cette junior entreprise, Meryeme Chahti, avoue que HandyVoice lui a permis de se connaitre davantage et d’améliorer ses capacités sur différents plans. En travaillant ensemble dans un esprit d’équipe et avec détermination, l’équipe a réussi à surmonter les obstacles rencontrés et à relever le défi qui consiste à concilier ce projet qui leur tient à cœur avec les études et les examens.

 

La jeunesse marocaine a beaucoup de talent et jouit de précieux atouts tels que la maitrise des langues, l’accès aux nouvelles technologies et le sens de la créativité et de la prise d’initiative, s’est félicité Mme Baghdad, invitant les jeunes à opter pour l’entrepreneuriat, notamment les projets à caractère social, pour combiner ainsi entre la réussite personnelle et la contribution au développement économique et social de notre pays.

 

Actuellement l’équipe HandyVoice veut perfectionner l’application en enrichissant sa base de données, en ajoutant des options supplémentaires, en donnant un intérêt particulier au volet didactique et en fournissant un contenu diversifié qui s’adresse aux différentes tranches d’âge.

 

Ainsi, et après avoir brillé dans le cadre du Company programme de Injaz Al-Maghrib (première phase), le projet passe à une autre aventure en intégrant le programme Smart-start qui vise à accompagner les jeunes porteurs de projets dans la création de leur entreprise à travers le concept de l’apprentissage par l’action et en bénéficiant de l’expérience et de l’accompagnement de mentors aguerris.

 

L’accès à l’information demeure la plus grande contrainte qui empêche cette catégorie sociale vulnérable de faire valoir leurs potentialités et de jouer pleinement leur rôle d’acteurs du développement économique et social de leur pays. La langue des signes est, en effet, présente de manière sporadique aussi bien dans les médias audiovisuels, le système éducatif ainsi que dans les différentes administrations. Dans ce sens, ce projet porteur de valeurs et de vision, constitue une réponse à un besoin réel dans la société, grâce à des jeunes sensibles aux souffrances de leurs concitoyens et soucieux de contribuer à y remédier.

 

 

Rédaction Infomédiaire