Marie Claude Azzouzi, Directeur Exécutif EGE – RABAT

    invite_du_mois-egeban.jpg

     

    Infomediaire :  L’EGE – Rabat est le premier projet d’enseignement des sciences politiques au Maroc, pourquoi cette spécialisation, en quoi ces nouveaux profils sont ils nécessaires pour le pays ?
     
    Marie Claude Azzouzi : Les sciences politiques doivent être comprises comme les sciences de la connaissance de la société et de son système politique. Une de leur caractéristique est leur transversalité puisque nos étudiants étudient l’histoire, le droit, la sociologie, l’économie et les relations internationales, des matières en réalité complémentaires. Cette multidisciplinarité donne une profondeur d’analyse unique sur le fonctionnement du pays, d’un point de vue institutionnel, légal  mais aussi sociétal. L’autre point fondamental qui constitue à mes yeux un grand atout de ce cursus est l’ouverture internationale qu’il propose, que ce soit dans les enseignements théoriques en relations internationales ou via une année obligatoire d’études à l’étranger que nos étudiants effectuent en troisième année. Les sciences politiques sont aussi les sciences du changement, elles représentent la somme des connaissances qui permettent à un étudiant de connaitre le système ou les systèmes politiques, économiques et sociaux existant et leurs évolutions. Ils apprennent comment la loi, la préparation d’un budget, l’économie ou mêmes les rapports de force internationaux peuvent transformer les rapports sociaux ou les rapports institutionnels dans un pays. Ces connaissances permettent l’accès à un décryptage, une mise en perspective autonome de chacun sur la société dans laquelle il évolue. En deuxième lieu vous posez la question de la nécessité ou l’utilité de tel profil sur le marché du travail ou dans la société.  En fait ces profils existent déjà, ils ont très souvent à des postes à responsabilité. En effet depuis déjà de nombreuses années des étudiants marocains brillants ont eu la chance de poursuivre des cursus multidisciplinaire en sciences politiques dans les différents instituts d’études politiques en France, à Sciences Po Paris, ou dans « les Publics affairs School » américaines. Cependant pour appréhender mieux leur pays, le Maroc, ils n’avaient d’autre choix que de se servir des outils méthodologiques appris ailleurs pour les appliquer dans le contexte marocain avec le danger de plaquer trop facilement des schémas étrangers ou des normes définies par d’autres à leur contexte national.  L’EGE offre une opportunité unique d’un enseignement de haute qualité en sciences politiques mais dont le projet pédagogique est centré, lui, sur le Maroc, le Maghreb et l’Afrique. En troisième année, les étudiants ont alors l’occasion de connaitre d’autres contextes politiques, culturels et sociaux à l’étranger.
     
    Infomediaire :  Votre cahier des charges précise que votre école se doit d’atteindre les standards internationaux. Pourriez vous expliciter mieux le sens que vous donnez à cette expression et la façon dont votre école a répondu à cette exigence ?
     
    Marie Claude Azzouzi : En premier lieu, le cahier des charges que l’Ecole de Gouvernance et d’Economie de Rabat a rempli avec succès est celui du Ministère de l’Enseignement supérieur marocain puisque nous avons obtenu dès 2011 l’accréditation du Ministère attestant que nous atteignons les critères de qualité fixés. L’expression « standards internationaux » a, elle, une signification plus large puisqu’il faut considérer que le marché de l’enseignement supérieur est désormais un marché mondial. C’est une réalité que nous connaissons bien au Maroc puisque de nombreux profils suivent des cursus entièrement à l’étranger.  Au-delà de la satisfaction des critères édictés par le Ministère marocain, il est donc vital d’atteindre un niveau d’exigence et de cohérence attendus par des étudiants et des institutions étrangères non seulement pour accueillir des enseignants et des étudiants étrangers mais aussi pour pérenniser une offre crédible aux yeux des meilleurs étudiants marocains.  L’effort de structuration des services administratifs et de la qualité de l’offre pédagogique a donc été primordial dans un premier temps afin de répondre à cette exigence. Nous nous sommes entourés des conseils d’institutions renommées notamment de Sciences Po Paris afin de mener à bien ce travail. Dans un second temps  nous avons décliné des programmes pédagogiques en les centrant sur la région tel que je l’expliquais précédemment. Aujourd’hui après quatre années de fonctionnement, ce qui nous permet de savoir que nous avons atteint les meilleurs standards, ce sont les très nombreux –environ quarante – partenariats internationaux que nous avons noué dans le monde entier avec des institutions du « Nord » (University of Sussex, American University, Freie Universität Berlin…) mais aussi au « Sud » avec l’Université Saint Joseph de Beyrouth, l’Universidad Autonoma de Buenos Aires ou encore l’International Studies University de Shangaï, parmi bien d’autres. Des élèves de ces universités viennent désormais suivre des semestres ou des années entières à l’EGE ; en 2012-13 par exemple ils sont plus d’une vingtaine. Ces universités reconnaissent le diplôme de l’EGE et permettent à nos étudiants qui le souhaitent de poursuivre leurs études chez eux. Enfin dernier élément qui positionne notre projet à l’international : les résultats de l’année à l’étranger de nos étudiants. En 2012, pour le premier retour d’expérience, une de nos étudiantes a été classée parmi la « dean’s list » de Sciences Po Paris soit parmi les meilleurs étudiants de cette école, une autre a été sélectionnée dans un master de la London School of Economics. Cette reconnaissance internationale de nos diplômes et de la qualité de nos étudiants signifie pour nous que nous avons atteint un certain niveau, ce que couramment on présente comme le standard international, je compléterais même en disant que dans ce cas il s’agit du meilleur niveau.
     
    Infomediaire :  Mais vous-même, à l’EGE, avez annoncé le lancement d’un master ou diplôme de second cycle en cette rentrée 2012…
     
    Marie Claude Azzouzi : En effet nous ambitionnons de réaliser pour les formations de second cycle que nous lançons ce que nous avons réussi avec le premier cycle. Ce n’est pas contradictoire avec le fait que nous pouvons être un tremplin pour les meilleures universités internationales, nous savons que nos étudiants ont envie de s’investir pour leur pays et préféreraient dans bien des cas suivre des formations de qualité au Maroc. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons proposer à nos élèves des diplômes d’excellent niveau, professionnalisant précisément dans les champs de gouvernance au Maroc dont nous avons étudié les besoins.
    La logique de déploiement des enseignements de second cycle se doit toutefois d’être différente. Il ne s’agit plus seulement de former un esprit critique et d’inculquer des valeurs et des compétences mais aussi de préparer à une spécialisation professionnelle. Nous avons donc constitué des comités de pilotage stratégiques pour chacune des formations. Le diplôme que nous avons lancé cette année est intitulé « Financement International de Projets dans les Pays Emergents ». Plusieurs centaine de millions d’euros sont investis au Maroc par les bailleurs de fonds internationaux, les sociétés privés, les banques et les sociétés de capital–investissement, souvent avec des logiques et des attentes différentes vis-à-vis des porteurs de projet, il y a par conséquent une vraie technicité pour le montage de ces projets et un besoin de profils nouveaux, une niche sur laquelle ce diplôme est positionné. L’année prochaine nous lancerons de nouvelles offres de second cycle, sur la gouvernance urbaine et territoriale, sur le droit des contrats public-privé mais aussi sur la gestion ressources humaines, savoir comment optimiser un capital humain est un facteur de réussite essentiel.
     
    Infomediaire :  Vos droits d’entrée s’élèvent à 65 000 dirhams, la troisième année se déroule  à l’étranger, tout cela a un coût pour les parents, comment prétendre renouveler les élites avec de telles barrières ?
     
    Marie Claude Azzouzi : C’est une excellente question que vous soulevez et à laquelle nous avons répondu par la création de bourses d’études à vocation sociale. Le recrutement à l’EGE impose des critères d’excellence pédagogique et une vraie capacité de travail aux élèves mais nous ne voulons pas nous éloigner du cahier des charges qui nous a été fixé par la fondation à but non lucratif qui nous détient. Notre mission est aussi de permettre aux excellents élèves des régions éloignées de Rabat ou à ceux dont les parents n’ont pas les moyens d’assumer ces frais de pouvoir bénéficier de notre cursus. De facto les droits d’entrée sont progressifs en fonction des moyens des parents afin de permettre une véritable logique méritocratique. En 2012-13 environ un étudiant sur deux bénéficie d’un accès à un tarif moindre voire nul. L’origine géographique des étudiants comporte encore une part prédominante de jeunes des régions de Casablanca et de Rabat mais nous travaillons sans relâche notamment avec l’Agence de Développement Social et les Académies Régionales d’Enseignement et Formation pour qu’un nombre plus important de jeunes marocains connaissent les possibilités qu’offrent les formations en sciences politiques. Pour cela nos équipes organisent même des concours délocalisés dans les lycées de région éloignées afin de sélectionner les profils qui nous intéressent. L’an dernier ce sont plus de 3000 kilomètres qui ont été parcouru par ces équipes, de Hoceima jusqu’à Dakhla.