Infomédiaire Afrique –  Dans les grandes artères de Sandton, quartier financier de Johannesburg, capitale économique et financière de l’Afrique du Sud, l’anarchie s’installe.

Le trafic est dense avec des bouchons interminables surtout durant les heures de pointe en raison des feux de circulation qui ne marchent plus, faute de courant.

Ces scènes devront marquer le quotidien des Sud-Africains durant les mois qui viennent, avec le retour des redoutables opérations de délestage électrique, communément appelées Load-Shedding dans le pays de Nelson Mandela.

Depuis vendredi dernier, la compagnie nationale d’électricité, Eskom, a entamé un nouveau cycle de coupures du courant, résultat d’une pénurie d’électricité. Les opérations de délestage se sont intensifiées lundi, augmentant les pressions sur une activité économique déjà en berne dans un pays qui se bat pour sortir d’une récession dans laquelle il s’est retrouvé depuis le début de l’année.

La situation est de plus en plus intenable d’autant plus que le président Cyril Ramaphosa n’a pas cessé de multiplier les initiatives, depuis son arrivée au pouvoir en février dernier, dans l’espoir de redynamiser l’économie moribonde.

Une reprise est cruciale pour ce pays qui fait face à de graves problèmes sociaux dont un chômage affectant, selon les chiffres officiels, plus de 27 pc de la population active et une pauvreté plombant plus de 50 pc d’une population globale d’environ 56 millions d’âmes. Le distributeur national d’électricité a fait savoir que les nouvelles mesures de rationalisation de la consommation d’électricité devront durer pendant plusieurs mois, mettant en garde que la pénurie d’électricité pourrait s’aggraver avant une légère amélioration dans au moins six mois.

La compagnie fait face à une grave crise de gouvernance, aggravée par une situation financière des plus difficiles. L’endettement ne cesse d’augmenter pour atteindre plus de 30 milliards de dollars. Une situation qui complique la tâche de la compagnie, appelée à renouveler les centrales électriques vieillissantes du pays.

Les institutions financières internationales, dont le Fonds Monétaire International (FMI), estiment que la crise du secteur de l’électricité en Afrique du sud représente la plus grande menace à la croissance économique du pays.

Le retour du load-shedding a mis les opérateurs économiques devant une réalité amère. Les coupures du courant devront inévitablement mettre les entreprises sous d’énormes pressions et pourraient freiner les investissements, indique la chambre de commerce de Nelson Mandela Bay.

Des analystes de la place financière de Johannesburg estiment que les problèmes d’Eskom présentent de sérieux dangers pour la stratégie du président Ramaphosa de drainer des investissements.

«L’incapacité d’Eskom d’assurer la stabilité de l’approvisionnement en électricité représente un obstacle majeur pour drainer des investissements. Cette situation met en danger la stabilité financière et économique de l’Afrique du Sud», indique Isaah Mhlanga, économiste au cabinet Alexander Forbes Investments.

Le retour des coupures du courant «est une mauvaise nouvelle pour l’économie» estime, pour sa part, Raymond Parsons, professeur à la Business School de l’université de North-West.

«Au moment où le pays tentait d’améliorer la confiance des investisseurs, un nouveau élément d’incertitude apparaît», regrette-t-il, soulignant qu’un load-shedding prolongé sera un coup fatal pour les investissements mais surtout pour les vulnérables petites et moyennes entreprises.

«On doit s’attendre à d’énormes pertes d’emplois dans un environnement marqué par une grave hausse du chômage en raison de la faible croissance économique», a averti l’analyste.

Ramaphosa avait lancé une stratégie visant à drainer des investissements étrangers d’une valeur de 100 milliards de dollars sur les cinq années à venir. Des analystes estiment qu’il s’agit d’un objectif trop ambitieux eu égard à la situation économique et politique incertaine que traverse le pays.

La persistance des opérations de délestage électrique devra sans doute freiner la croissance économique déjà faible, estime Jeff Schultz, analyste à BNP Parisbas/Afrique du Sud.

D’après l’analyste, la croissance du Produit Intérieur Brut sud-africain devra pâtir de l’actuelle situation du secteur de l’électricité. On doit s’attendre à un affaiblissement durant le premier trimestre de 2019, poursuit-il.

La confirmation d’un tel ralentissement au début de l’année risque d’être couteux pour Ramaphosa, qui espère renforcer son autorité à la tête de l’African National Congress (ANC) à l’occasion des élections générales, prévues en mai 2019.

La situation n’est pas du tout reluisante, si l’on croit les conclusions d’un rapport publié par le journal dominical Sunday Times (proche des milieux d’affaires), selon lequel des experts du secteur énergétique estiment que la crise de l’électricité devra se poursuivre dans le pays jusqu’en 2025.

Ces experts évoquent «une spirale de la mort» pour décrire l’ampleur de la crise d’électricité dans le pays. C’est le résultat, selon eux, de la mauvaise gestion qui a conduit Eskom à une crise financière sans précédent.

 

Rédaction Infomédiaire