Le Maroc ne saurait être un plan « B » à la Chine ni à l’Inde après la crise du nouveau coronavirus (Covid-19), mais un hub industriel pharmaceutique à part entière, a affirmé Dr. Kaouthar Lbiati, médecin, spécialiste des politiques de santé internationales et experte auprès de l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS).

 

La crise de la Covid-19 a révélé une interdépendance des chaines logistiques mondiales vis-à-vis de la Chine et de l’Inde, notamment dans le secteur pharmaceutique, a fait savoir Lbiati dans un entretien à l’agence MAP axé sur l’Industrie pharmaceutique au Maroc post-Covid, mettant l’accent sur la nécessité de repenser un système international capable de produire suffisamment pour approvisionner le monde en cas de crises ou de pandémies.

 

A cet égard, « la stratégie: Chine+1 et Inde+1 » va permettre, pour des raisons de sécurité nationale, aux Etats d’être moins dépendants de la Chine et de l’Inde dans leur production surtout pour les produits essentiels comme l’alimentation et le médicament, a-t-elle noté.

 

« C’est dans cette niche là où le Maroc pourrait s’insérer pour apporter sa plus grande valeur ajoutée en particulier à l’Europe et à l’Afrique du fait de sa proximité géographique stratégique », indique la spécialiste en politiques de santé internationales.

 

Le Maroc est « un bon candidat » pour devenir un hub industriel pour l’industrie du médicament d’autant plus qu’il est signataire de plusieurs traités commerciaux avec l’Europe et les États-Unis », a affirmé Kaouthar Lbiati, faisant savoir qu’il est exposé, par contre, à la concurrence des pays asiatiques émergents (Vietnam, Thaïlande, Philippines, Indonésie…), ainsi que celle des pays d’Afrique du Nord (Egypte, Tunisie).

 

Mais grâce à l’agilité stratégique affichée par le secteur industriel marocain en réponse à la crise Covid-19, le Maroc sera favori vis-à-vis de l’Europe en comparaison avec ses concurrents d’Afrique du Nord, a-t-elle fait observer.

 

Dans un autre registre, Dr Lbiati indique que la crise Covid-19 peut offrir au Maroc des opportunités énormes, notamment pour les tests diagnostiques, où le Royaume devrait réfléchir à une stratégie industrielle afin d’augmenter ses capacités de fabrication locale, dans le cadre d’une stratégie nationale et régionale, voire continentale, de préparation à de futures pandémies.

 

L’experte de l’IMIS a, en outre, présenté d’autres opportunités à court, moyen et à long termes pour la fabrication de nombreuses thérapies contre Covid-19, dont la thérapie à partir d’anticorps monoclonaux issus de plasma convalescent ou encore l’Hydroxychloroquine (HCQ).

 

« A présent, l’Inde fabriquerait (70%) de la demande mondiale en HCQ. Si la stratégie « Inde+1″ est poursuivie, le Maroc aurait toute sa place pour fabriquer la HCQ pour l’Europe et l’Afrique », a-t-elle dit.

 

Ensuite, les produits qui assurent la prise en charge des épisodes sévères d’infections par Covid-19, ceux utilisés en réanimation et pour la mise en marche des ventilateurs ainsi que ceux qui rentrent dans le traitement de plusieurs comorbidités associées, a-t-elle noté, ajoutant que pour le long terme, les vaccins et la recherche antimicrobienne pourraient être un axe de développement pour le Maroc.

 

« Développer une industrie locale de vaccins devrait assurer la sécurité sanitaire nationale, mais c’est aussi une industrie à fort potentiel d’export vers les pays d’Afrique, d’Amérique latine, la Russie, la région MENA ainsi que vers l’Europe à condition de réussir à obtenir le label de la pré-qualification par l’OMS », a-t-elle souligné.

 

Parallèlement, l’experte en politiques de santé a souligné que l’industrie pharmaceutique au Maroc doit jouer un rôle plus important au-delà de la distribution de médicaments.

 

« Elle doit d’abord comprendre les nouvelles orientations stratégiques de la santé publique fixées par le gouvernement et l’écosystème de santé dans lequel elle s’inscrit et opère. Elle devra également prendre des initiatives et proposer sa contribution positive à ce changement dans la période post-Covid ».

 

Dans ce même ordre d’idées, l’experte, spécialisée dans les thérapies cellulaires appliquées aux cancers, a qualifié l’industrie du cannabis médical d' »immense opportunité » pour le Maroc.

 

Concernant la Technologie de la Santé, le Maroc devrait rapidement rattraper son retard et se positionner de manière compétitive comme la Start-up nation de l’Afrique et du Moyen Orient avec une affinité et avidité pour l’export à l’international, a-t-elle ajouté, soulignant que le Royaume peut devenir comme future Start-up nation avec un focus sur la Technologie (Maroc-TECH), en investissant dans le domaine de la machine Learning (ML) et de l’intelligence artificielle (IA).

 

« La Technologie basée sur le ML et l’IA promet d’optimiser la manière avec laquelle les soins médicaux sont dispensés au Maroc et de réduire les inégalités d’accès aux prestataires de soins (médecins et infirmiers) mais aussi l’accès à des soins de qualité entre le monde urbain et rural et ce grâce à une bonne pénétration des télécommunications sur le territoire national », a-t-elle relevé.

 

Les produits issus de Maroc-TECH auraient des retombées majeures en termes de santé publique (e.g. dépistage précoce de cancers), création de valeur ajoutée et contribution au PIB national, souligne Dr Lbiati, membre du Conseil stratégique de la société pharmaceutique américaine « Cytovia1Therapeutics » de biotechnologie, basée aux Etats-unis.

 

S’attardant sur les perspectives de l’industrie pharmaceutique marocaine, la spécialiste des politiques de santé internationales (London School of Economics Alumni) a souligné l’importance d’afficher et communiquer sur la volonté politique de développer des secteurs de santé identifiés comme stratégiques, appelant à faire du Maroc la Start up nation pour la TECH tournée vers l’international.

 

Il faut aussi travailler à donner de la visibilité au Maroc à l’étranger, communiquer sur la politique industrielle, faire de la prospection auprès des manufacturiers étrangers à propos de nouvelles technologies dont la fabrication est compatible avec les ressources marocaines et qui seraient destinées vers l’export, attirer les capitaux et les industriels du monde et enfin conclure des partenariats avec les pays d’intérêt à l’échelle mondiale, suggère l’experte marocaine.

 

Elle appelle, à cet égard, à mettre en place un groupe de travail national « Task-Force » comprenant des industriels, stratèges du ministère de l’Industrie et du Commerce et dirigeants de l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE) afin d’identifier les opportunités immédiates à mettre en place, vers une industrie pharmaceutique marocaine tournée vers la technologie et l’export.