L’Invité de L’infomédiaire : Karim Idrissi Kaitouni, Directeur Exécutif en charge du Marché des Entreprises à Attijariwafa bank

    Infomédiaire :  De quelle manière Attijariwafa bank a-t-elle adapté son offre pour les entreprises dès la survenance de l’épidémie liée au Covid-19 ?

    Karim Idrissi Kaitouni : Dès le démarrage de la crise engendrée par la pandémie du COVID-19, nous avons eu une démarche proactive vis-à-vis de notre clientèle d’entreprises basée sur la proximité et l’écoute de ses besoins et difficultés, appuyée par une initiative de collecte de doléances dans un esprit de solidarité, afin de l’accompagner dans la continuité de ses opérations et l’aider à faire face à la baisse ou à l’arrêt de l’activité. 3 axes ont été accélérés pour un soutien efficace des entreprises : le financement, la digitalisation et le conseil.

    En effet, pour soulager la trésorerie des entreprises qui doivent faire face à des engagements incompressibles envers plusieurs créanciers, nous avons mis en place le report des échéances des crédits amortissables et  le crédit Oxygène qui ont nécessité l’adaptation des systèmes d’information de la banque, l’information et la formation des collaborateurs front office et back office et le déploiement de plusieurs canaux de demandes, le tout en un temps record pour une prise en charge rapide et bienveillante des demandes des entreprises en détresse. Et comme appui supplémentaire au financement, nous proposons des lignes additionnelles de crédit pour les besoins non couverts par le découvert Oxygène et des solutions personnalisées adaptées à la situation particulière de chaque entreprise.

    Par ailleurs, compte tenu des mesures sanitaires imposées dans le cadre de la gestion de la pandémie du Covid-19, une des priorités d’Attijariwafa bank est de permettre à ses clients de continuer à gérer leurs opérations bancaires tout en limitant leurs déplacements en agence et ce, afin de garantir leur santé. A ce titre et par mesure de sécurité, nous avons mis à disposition de nos clients les relevés de comptes et les avis d’opérations sur des canaux digitaux. Nous avons ensuite mis en place gratuitement un service en ligne permettant aux entreprises de procéder à distance à leurs paiements de masse de salaires et de fournisseurs. Nous avons également assisté et accompagné plusieurs entreprises dans l’intégration du digital pour gagner en souplesse et en agilité sur toutes leurs opérations : virements, paiement de factures, règlement des impôts et taxes, dépôt d’espèces et remise de chèques vis nos espaces de Libre Service Bancaire…

    L’accompagnement non financier n’était pas en reste. Tout au long de la période de confinement instaurée par l’état d’urgence depuis le 20 mars 2020 et à date d’aujourd’hui, nous avons intensifié notre cycle de webinaires et mobilisé plusieurs experts, nationaux et internationaux, pour traiter les sujets de préoccupations des entreprises lors de la crise sanitaire afin de les aider à mieux décrypter les impacts économiques de cette situation inédite et ses répercussions sur différentes dimensions de l’entreprise.

    Infomédiaire :  Parlez-nous des produits que vous avez développés pour les entreprises tout au long de cette période de crise sanitaire : je pense notamment au crédit Damane Oxygène et le crédit lié à la relance.

    Karim Idrissi Kaitouni : Il y a eu d’abord le crédit Oxygène pour la phase que l’on peut qualifier de survie. Pour rappel, c’est un découvert exceptionnel garanti à hauteur de 95% par la CCG pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 millions DH pour leur permettre de couvrir les charges courantes qui ne peuvent être ni reportées, ni différées notamment, les salaires et les charges du personnel, les charges de sécurité, les loyers, les factures d’eau et d’électricité, les impôts, ainsi que les factures des fournisseurs stratégiques. Ce crédit a été assoupli pour favoriser le traitement rapide et l’accès d’un plus grand nombre d’opérateurs économiques à ce financement, notamment à travers le relèvement du montant sans justificatifs à 75.000 DH au lieu de 20.000 DH, le relèvement de la délégation de la CCG à 5 millions DH au lieu de 2 millions DH et l’extension de ce crédit à la promotion immobilière avec des critères spécifiques. Une dizaine de milliers de dossiers Oxygène a été traité par Attijariwafa bank avec un très faible taux de rejet.

    Aujourd’hui et à l’heure de la reprise d’activités vu l’urgence d’un redécollage économique, le dispositif Oxygène cède la place à un nouveau mécanisme de Relance, sauf pour les secteurs du tourisme et de la promotion immobilière où il restera en vigueur jusqu’à nouvel ordre car démarré tardivement et qui seront adressés par des dispositifs spécifiques et dédiés.  Il s’agit du crédit Relance conçu pour permettre aux entreprises d’accéder au financement de leurs besoins en fonds de roulement et prioritairement au règlement de leurs fournisseurs. Et contrairement au crédit Oxygène, le crédit Relance s’adresse également aux grandes entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 millions DH.

    Ce crédit a pour finalité la réduction des délais de paiement d’une part puisqu’il doit être utilisé à hauteur de 50% au moins pour le règlement des fournisseurs, ce qui va arroser les chaînes d’approvisionnement et faire circuler les liquidités entre entreprises et rétablir le climat de confiance, et à la conservation d’un maximum d’emplois d’autre part en permettant à l’entreprise de financer ses charges, reconstituer ses stocks… pour reprendre progressivement ses activités et son carnet de commandes.

    Dans un contexte où l’on enregistre un recul du PIB de -1,2 points au 1ertrimestre 2020 et des prévisions de décélération de cet indice au 2èmetrimestre de -8,9 points, une baisse des activités industrielles de 30% en avril et celle des transactions commerciales de 25%, une chute des exportations de 19,7% sur les 4 premiers mois de 2020 et un rallongement des délais de paiement de plus de 45j (jusqu’à 60 et 90j pour certains secteurs) sur la moyenne précédemment enregistrée de 184 jours, le dispositif de relance répond à un besoin urgent d’atténuer les effets de la crise sanitaire sur notre économie grâce au principe du ruissellement sur lequel il est construit. En effet, la circulation de liquidités entre donneurs d’ordres et fournisseurs, TPE ou PME, aidera les entreprises à rebondir efficacement.

    S’agissant des montants de financement, pour les entreprises, commerces et artisans dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 millions DH, le crédit est à hauteur de 10% du chiffre d’affaires avec un maximum de 1 million DH. Il est garanti à hauteur de 95% par la garantie CCG « Relance TPE ». Et pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 10 millions DH, le montant du crédit peut aller à 1,5 mois de chiffre d’affaires pour les entreprises opérant dans l’industrie et à 1 mois de chiffre d’affaires pour les entreprises relevant des autres secteurs d’activité, avec un plafond de 100 millions DH. Le financement est couvert par l’avant CCG « Damane Relance » variant entre 80% et 90% en fonction de la taille de l’entreprise.

    Les entreprises peuvent bénéficier une seule fois du crédit Relance et jusqu’au 31 décembre 2020 à un taux extrêmement avantageux et avec une durée allant jusqu’à 7 ans dont 2 ans de différé. Le déblocage des fonds pour intervenir jusqu’à fin juin 2021.

    Et puisque la relance est aussi synonyme d’innovation, nous avons en plus du crédit Relance, de nombreuses solutions de financement pour les entreprises qui souhaitent réinventer leur business plan ou se diversifier en saisissant les nouvelles opportunités qui émergent, notamment des crédits d’investissement et des crédits de fonctionnement spécifiques.

    A peine au lancement de cette offre de relance et déjà plusieurs centaines de dossiers sont traités par Attijariwafa bank.

    Infomédiaire :  Quels sont secteurs qui sont les plus impactés par cette crise et dont les entreprises vous ont le plus sollicité ?

    Karim Idrissi Kaitouni : Les secteurs frappés directement par les conséquences sociales et économiques de cette pandémie sont le textile, le tourisme, le transport, la logistique, l’événementiel, l’artisanat, le BTP, l’automobile, l’aéronautique… Pour vous donner quelques chiffres, son impact a été très important sur l’emploi avec 132.000 entreprises à l’arrêt et 950.000 salariés environ en arrêt temporaire de travail globalement au Maroc. Des secteurs porteurs comme l’automobile et l’aéronautique ont été fortement impactés par la baisse de la demande mondiale avec des chutes d’exportations respectives de 39% et 34%. L’agriculture et l’agroalimentaire ont vu les exportations reculer de 7%. Le textile a également reculé de 28%, avec une perte de 3,6 milliards de DH.

    Infomédiaire :  Nous avançons aujourd’hui vers une fin du confinement et un redémarrage de la machine économique… Quel bilan faites-vous de toutes ces actions que vous avez menées ? Avez-vous réussi à contribuer à soutenir l’offre et la demande ? Dans quelle mesure ?

    Karim Idrissi Kaitouni : Nos différentes actions de financement ont contribué à la survie de plusieurs entreprises, notamment PME et TPE et à la préservation de leurs emplois. La contribution d’Attijariwafa bank dans la distribution des crédits Oxygène se situe aux alentours de 34% à mi-juin.

    Les effets de la reprise se verront concrètement après les distributions effectives des crédits Relance qui vont irriguer les chaines d’approvisionnement et redonner aux entreprises de la trésorerie pour se remettre sur pied et pourvoir assumer de nouvelles commandes, mais nous assistons déjà à un léger mieux et la comparaison des chiffres de fin juin sur la reprise des activités industrielles, transactions commerciales et des exportations avec les réalisations des 3 mois de crise peuvent le confirmer. A noter que le potentiel estimé par la CCG pour le dispositif Relance dépasse les 60 milliards DH, à injecter dans l’économie en faveur des entreprises de toutes tailles. Et pour soutenir davantage la machine économique, il y a tout un effort à faire pour la promotion du produit local et la stimulation de la demande interne, et l’Etat comme les entreprises doivent mettre sur le marché des mesures d’incitation dans ce sens.

    De son côté, pour accompagner le challenge de la relance, Attijariwafa bank alloue en 2020 une enveloppe très importante de 30 milliards de DH pour le soutien et la relance de 100.000 TPME, un engagement financier sans précédent pour aider les entreprises à tourner la page de la crise et renouer avec la croissance.