Malika Slaoui, Fondatrice des Editions Malika / Fondation Slaoui

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    Infomediaire : Le musée de la fondation Abderrahman Slaoui, est aujourd’hui le seul de la capital économique,   pouvez-vous revenir sur les débuts de cet édifice culturel ? 
     
    Malika Slaoui : En mai 2012, le musée de la Fondation Slaoui a ouvert ses portes dans une demeure historique des années 40. C’est avant tout une initiative familiale et privée , née de la volonté et de la passion d’un grand collectionneur, Feu Abderrahman Slaoui, qui souhaitait partager au plus grand nombre sa collection éclectique, d’une grande qualité artistique et ethnographique. C’est ainsi que le projet est né,celui d’un musée de collectionneur, d’une maison musée, un lieu vivant dans lequel l’émergence de nouvelles formes d’expression pleinement engagées dans la problématique actuelle, trouve son sens à travers les liens tissés entre le passé et notre époque contemporaine.
    Notre ambition est avant tout d’en faire d’une part un outil pédagogique en collaborant étroitement avec les différentes institutions culturelles, collèges et lycées et d’autre part  un lieu d’incitation à la pratique culturelle à travers la diversification des thèmes, expositions et ateliers pédagogiques conçus pour les jeunes. A ce jour , nous avons reçu la visite de plus de 10 000 élèves du secteur public et privé et espérons à terme, toucher le maximum de jeunes. .C’est un travail de très longue haleine, nécessitant une synergie entre les pouvoirs publics, les enseignants et les acteurs culturels de notre pays, sans compter l’appui des entreprises du secteur privé pour  accompagner ces projets culturels à vocation pédagogique..
     
    Infomediaire : Comment expliquez-vous le manque d’intérêt  apparent  pour les disciplines artistiques au Maroc ?
     
    Malika Slaoui : Ce manque d’intérêt est d’abord fortement lié à  la faiblesse de l’offre culturelle quasi inexistante au Maroc,que ce soit au niveau des musées,des maisons de la culture, des centres culturels,du théâtre… ,servant  de passerelles d’accès  majeures à l’art et à la culture. Ce manque d’intérêt est également lié à l’ absence totale de  politique culturelle qui doit être mis en œuvre à travers une concertation entre les différents acteurs culturels, ministère de la culture, ministère de l’éducation nationale , ce afin de construire une offre éducative cohérente à destination des jeunes. L’accessibilité est essentielle mais il est tout aussi primordial que ces jeunes recourent à une éducation artistique de base, qu’elle soit obligatoire dès l’école primaire et de qualité. Ces programmes d’éducation artistique peuvent aider les jeunes à découvrir la diversité des expressions culturelles tout en développant leur sens critique. Ces actions éducatives doivent s’appuyer sur des partenariats avec les institutions privées, les artistes et par une formation professionnelle des enseignants et du personnel éducatif.
     
    Infomediaire : Le musée de la Fondation Abderrahman Slaoui a décidé d'entreprendre une démarche éducative qui consiste à sensibiliser et initier les jeunes à la culture de l’art, pouvez-vous nous en parler plus en détails ?
     
    Malika Slaoui : Avant tout artistique et culturelle, la vocation du musée s’est étendue : Elle est devenue pédagogique puisque l’initiation et la sensibilisation des jeunes marocains à l’art et à la création artistique sous toutes ses formes au même titre que la valorisation du patrimoine culturel et artistique sont au cœur de notre projet.
    La méthode recherchée est de réaliser des " actions témoins " susceptibles d’être répliquées et perennisées avec le concours d’entreprises privées et publiques , de toucher ainsi plus de jeunes et de tisser au fur et à mesure des liens avec les acteurs culturels, les enseignants. Le nombre important de visites scolaires, en l’occurrence plus de 10 000 depuis l’ouverture du musée ainsi que le très vif intérêt suscité par la mise en place d’ ateliers pédagogiques animés par les artistes ont amené le Musée à faire le constat suivant : Le manque d’offre culturelle au Maroc  prive les jeunes de l’accès à la culture.
     
    Face à ce bilan et parce qu’aujourd’hui,on constate une demande croissante d’employés faisant part de créativité,de flexibilité et d’adaptabilité rendue possible en partie grâce à cette éducation artistique, le musée s’est lançé un défi : rendre possible l’accès à la culture et toucher le plus de jeunes.
    Nous avons eu la chance d’accueillir des artistes comme Titouan Lamazou ,Hicham Benohoud qui ont guidé eux même les enfants, jeunes et moins jeunes dans le processus créatif.
    Le partenariat avec les artistes représente un grand intérêt. En invitant des artistes forts de leur expérience et de leur expertise dans des domaines tels que le son,l’image, les élèves peuvent développer considérablement leur créativité et leur sens critique.
     
    L’intérêt est considérable, l’enjeu est énorme.
     
    Infomediaire : Comment voyez-vous la contribution de l’éducation nationale dans la prise de conscience des jeunes marocains de la discipline artistique ?
     
    Malika Slaoui : Le Ministère de l’éducation nationale joue un rôle clé, mais il n’est pas suffisant :
    Il est vrai que l’éducation artistique doit devenir une composante obligatoire des programmes éducatifs pour tous les élèves, sur plusieurs années et ce au nom de l’objectif d’égalité d’accès pour tous. .Les arts doivent être enseignés comme une matière à part entière, à travers l’enseignement des différentes disciplines artistiques ; Cette éducation artistique requiert des professionnels de l’enseignement des arts qui passe par une formation pertinente et efficace à l’intention des enseignants , renforcée par des partenariats fructueux entre les enseignants et les artistes. Cette mise en œuvre des programmes d’éducation artistique n’est ni couteuse ni complexe si elle se fait dans un esprit de collaboration.
     
    C’est pourquoi je pense que dans ce contexte, une implication conjointe est requise au sein des ministères responsables de la Culture et de l’Education et entre les différents organismes chargés de la mise en œuvre et de l’évaluation des programmes d’éducation artistique. Ce n’est qu’à travers une synergie entre les arts et l’éducation pour la promotion d’un apprentissage créatif à travers des partenariats que ce soit au niveau ministériel , au niveau des écoles , au niveau des enseignants, des artistes locaux que l’art et la culture retrouveront une place centrale dans l’éducation.
     
    L’enseignement de ce processus artistique aux élèves, tout en intégrant des éléments de leur propre culture dans l’éducation, permet de développer chez chaque enfant le sens de la créativité et de l’initiative, une intelligence émotionnelle, des valeurs morales ainsi qu’un esprit critique
     
    Elle peut également générer tout un éventail de compétences et d’aptitudes multidisciplinaires , encourager la motivation des étudiants et peut constituer un outil fondamental  pour l’intégration sociale tout en aidant à résoudre les problèmes liés à l’analphabétisme, la violence ,le chômage….
     
    Infomediaire : Quelles sont vos aspirations pour les années à venir ?
     
    Malika Slaoui : Si nous sommes accompagnés, nous aspirons à pouvoir multiplier à terme les actions pédagogiques et promouvoir l’accessibilité des arts à tous les enfants et leur participation active comme élément central de l’éducation.
    Nous ne sommes bien entendu qu’un maillon de la chaine