Après trois mois d’une campagne qui avait bien mal débuté, la France a rattrapé son retard de vaccination par rapport à ses voisins continentaux. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elle reste nettement en deçà des performances du Maroc en termes de population vaccinée par rapport au nombre d’habitants.

Face au surgissement de la pandémie, le royaume chérifien s’était déjà distingué l’an dernier par des mesures de soutien économiques et sociales sans précédent pour l’ensemble du continent africain. Cette fois, le pays se signale par un début de campagne de vaccination mené tambour battant.

Avec près de 4,3 millions de personnes (11,5% de la population) s’étant vues administrer au moins une dose de vaccin, le Maroc se classe ainsi dans le top 10 mondial de la population vaccinée par rapport au nombre d’habitants. Par rapport aux pays de l’Union européenne, il n’est devancé que par la Hongrie et la Finlande et distance nettement les grands pays de l’UE, dont le taux de vaccination excède à peine les 9%.

66 millions de doses… en attendant la suite

Cette performance –qui tranche avec celle de ses voisins du Maghreb, où la campagne commence à peine– s’explique d’abord par une bonne anticipation des besoins. Dès le mois de juillet 2020, le Maroc passait avec la Chine un accord pour la construction d’une usine de vaccins, au nord du pays. Un mois plus tard, le 20 août, Rabat signait avec Sinopharm un accord pour la livraison de 40,5 millions de doses du vaccin chinois. Et, le 18 septembre, un deuxième accord avec le britannique AstraZeneca prévoyait la délivrance de 25,5 millions de doses supplémentaires. Un total de 66 millions de doses plus que suffisant pour administrer les deux doses requises à la population-cible des plus de 18 ans.

En outre, pour se prémunir d’éventuelles ruptures d’approvisionnement, le gouvernement est actuellement en négociation avec les Russes afin de recevoir 1 million de doses du vaccin Spoutnik V qui a obtenu, le 9 mars dernier, l’agrément du ministère de la Santé. Sur la table, là encore, la localisation au Maroc d’une usine de fabrication qui devrait, à terme, faire fonction de plateforme d’approvisionnement du continent africain. Et la diversification ne s’arrête pas là, puisque le royaume négocie actuellement avec deux autres fournisseurs de vaccins: le Coréen SK Bioscience, et l’Américain Johnson & Johnson.

Une stratégie de distribution efficace

Au-delà de la question des approvisionnements, le succès de la campagne marocaine repose sur une stratégie de distribution adaptée mobilisant 24.000 professionnels de santé. Première mesure, essentielle dans un pays à faible revenu par habitant: la gratuité totale de la vaccination. Ensuite, pour pallier la très inégale densité de population du pays, plus de 3.000 centres de vaccination (contre 1.300 en France) ont été mis en place, dont 50% en milieu rural –sans compter 10.000 unités mobiles. Enfin, la procédure de prise de contact avec les populations-cibles a été qualifiée par l’expert américain Williams Lawrence de «l’un des systèmes les plus efficaces du monde»: le rendez-vous se prend par l’envoi d’un SMS gratuit, mentionnant le numéro de carte d’identité. La date et le lieu de la vaccination sont renvoyés quasiment dans l’immédiat, par SMS.

Après deux mois de campagne, il semble que les populations prioritaires visées (les professionnels de santé de plus de 40 ans, les fonctionnaires, les enseignants de plus de 45 ans, les personnes atteintes de maladies chroniques, ainsi que toutes les personnes âgées de plus de 75 ans) ont été très majoritairement vaccinées. Il est vrai que, depuis quelques jours, les stocks de vaccins (8,5 millions de doses livrées) commencent à s’épuiser, et la campagne se ralentit.

Reste qu’au Maroc, pour des raisons démographiques, les populations à risque sont bien moins importantes qu’en Europe. Ainsi, seulement 4 millions de Marocains sont âgés de plus de 60 ans, soit un nombre quatre fois inférieur à celui des mêmes populations en France. Cela signifie que d’éventuels retards de livraison de doses auront au Maroc des conséquences beaucoup moins négatives qu’en Europe.