Les deux derniers discours du Roi sont porteurs d’une nouvelle dynamique de changement. Le Souverain a particulièrement appelé les forces vives de la nation à se mobiliser pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un nouveau modèle de développement
Maroco-marocain.


Dans ce cadre, l’alliance des économistes Istiqlaliens (AEI), appelle le Gouvernement à
inscrire, d’ores et déjà, dans la loi des finances 2020, les premiers changements de ses
politiques économique et monétaire, ainsi que ses instruments budgétaires, en faveur d’une
relance économique, perceptible par les ménages et les entreprises, et permettant de
renforcer la confiance nécessaire au déploiement réussi de notre modèle de
développement.


Les réalisations économiques et sociales s’écartent de la trajectoire d’objectifs
déclarés par le Gouvernement:


Force est de constater que les dernières années ont malheureusement été caractérisées par
une croissance atone, peu productive d’emplois et se traduisant par des effets très
contraignants pour les finances publiques de notre Pays. Les chiffres réalisés sont ainsi loin
des objectifs présentés par le gouvernement lors de son investiture.


Ainsi, la croissance économique s’écarte nettement des 5,5% fixé à l’horizon 2021 avec
4,10% en 2017 ; 3% en 2018 ; de 2,7% estimé pour 2019 et 3,4% prévu pour 2020 selon le
HCP. Parallèlement, et en dépit d’un taux d’investissement des plus élevés au monde, la
croissance non agricole stagne autour de 3%, et le Taux de Croissance Annuel Moyen
(TCAM) des 4 années ne serait que de de 3,3%.


Malgré la baisse anormale du taux d’activité, notamment chez les femmes, le taux de
chômage a dépassé les 14% en milieu urbain et près de 15% chez les jeunes de 25 à 34
ans. Le taux annuel de chômage global évalué autour de 10% s’écarte largement des 8,5%
promis par le gouvernement.


Du coté des finances publiques, le déficit budgétaire dépasse le taux annoncé de 3% pour
atteindre 3,5% du PIB en 2017 et 3,7% en 2018. Après privatisation, il est estimé à 3,6% du
PIB en 2019 et prévu à 3,5% en 2020.


Le taux d’endettement global continuerait à graviter autour des 81% du PIB et celui du
Trésor dépasserait les 66%.


Dans son discours du 20 Août, Sa Majesté le Roi a bien précisé que « nous ne devons
avoir honte ni de reconnaitre nos faiblesses, ni d’avouer nos erreurs ». Le Souverain a
même exhorté le Gouvernement à «corriger les dysfonctionnements» et «relever les
défis de la nouvelle étape»

Dans ce cadre, l’AEI appelle le Gouvernement à sortir des sentiers battus et à inscrire,
d’ores et déjà, la loi des finances 2020 dans l’esprit des ruptures permettant d’impulser une
relance économique, perceptible par les ménages et les entreprises. C’est ainsi que le
Gouvernement pourrait regagner la confiance des investisseurs et redonner plus d’espoir
aux citoyens, notamment les jeunes et la classe moyenne. Le budget 2020 doit porter les
premiers jalons du nouveau contrat social, qui sont tout aussi urgents que
complémentaires :


1- Redonner espoir aux ménages en consolidant la classe moyenne, en améliorant les
conditions de vie des populations les plus vulnérables, notamment par l’amélioration
du pouvoir d’achat des ménages et leur accès à de meilleures services publics
d’éducation, de santé et de transport.


2- Rétablir la confiance des opérateurs économiques en leur donnant plus de visibilité,
en leur assurant plus de transparence et en améliorant les conditions de leur
compétitivité. Le but est d’encourager et de stimuler la création et le développement
d’un tissu productif créateur de richesse et générateur d’emplois durables.


3- Réduire les inégalités spatiales au profit du monde rural, des zones péri-urbaines et
du corridor frontalier, à travers une mise en œuvre intelligente de la régionalisation
avancée, le déploiement accéléré de la charte de déconcentration administrative et
un meilleur ciblage territorial et sectoriel des investissements publics.


Pour un budget 2020 qui élargit et consolide la classe moyenne et redonne de l’espoir aux citoyens :
Il s’agit essentiellement de prévoir des dispositions permettant d’améliorer le pouvoir d’achat
des ménages et d’élargir la classe moyenne dans les différentes régions du Royaume.


Outre les augmentations de salaires, l’amélioration du pouvoir d’achat nécessite aussi
l’allégement des dépenses incontournables des ménages, à travers notamment :


 L’élargissement et le relèvement de la valeur des tranches de l’IR pour aboutir à une
plus grande progressivité et réduire ainsi la pression fiscale sur les classes
moyennes et démunies ;
 La déduction, de la base imposable au titre de l’IR, des dépenses destinées au
financement de l’éducation des enfants à charge ;
 La mise en œuvre de la réforme des marchés de gros pour maitriser les prix des
produits alimentaires et mieux rémunérer les petits agriculteurs.
 Exonération de TVA de tous les actes médicaux et les médicaments, notamment
ceux concernant le traitement des maladies chroniques ; Un budget qui priorise les réformes nécessaires de l’éducation et de la santé en assurant :
 L’accès équitable et généralisé à une éducation de qualité;

 Doter les départements concernés des ressources humaines nécssaires, formées
aux nouvelles évolutions des contenus ; des méthodes et des outils pédagigiques
 La valorisation et la promotion de la formation professionnelle en adéquation avec
les besoins du développement de notre économie;
 La mise à niveau des programmes et de la pédagogie afin d’améliorer les
capacités des élèves, renforcer leurs compétences et faciliter leur insertion dans la
Société du Savoir ;
 La généralisation de la protection sociale, au profit des différentes couches
socioprofessionnelles. Ceci nécessite l’amélioration et l’élargissement de la
couverture médicale ; l’accomplissement de la réforme globale des régimes de
retraite et la formation de médecins et cadres de la santé de grande qualité et en
nombre suffusant.


Ces dispositions constitueront, globalement, un soutien au pouvoir d’achat des ménages qui
augmenteraient ainsi leur propension à consommer et à épargner, contribuant ainsi à
relancer la croissance économique. Il en résulterait aussi de nouvelles ressources fiscales
qui permettraient de compenser la dépense sociale envisagée.


Une Loi de finance 2020 pour rétablir la confiance des opérateurs
économiques et les inciter à créer des emplois durables.


Notre pays connait un certain recul de confiance chez les opérateurs économiques comme
en témoigne le ralentissement des investissements prives. La reprise de cette confiance est
la condition sine-qua-none pour retrouver une croissance soutenue, durable et génératrice
d’emplois.


Dans ce cadre, l’AEI appelle le Gouvernement à :

  • Accélérer et généraliser la digitalisation des services des administrations et
    collectivités adressés aux entreprises ;
  • Faire respecter les délais de paiement et solder les arriérés des créances , fiscales
    et autres, au profit des PME et TPE ;
  • Réduire et régler, par une approche concertée, les tensions qui s’installent entre
    l’administration fiscale et les entreprises ;
  • Octroyer des crédits d’impôts couvrant les dépenses des entreprises liées à
    l’éducation, au transport collectif, à la santé et au logement de leurs employés ;
  • Accorder aux repreneurs d’entreprises en difficulté les mêmes avantages accordés
    aux nouveaux investisseurs, y compris les conventions d’investissement
  • Introduire dans la Loi de Finances 2020 des soutiens financiers au profit des PME et
    start-ups innovantes.
  • Octroyer un crédit d’impôt aux entreprises ayant un plan de recherche &
    développement et une politique de brevetage de leurs produits et services ;
  • Réserver une partie des budgets publics d’investissement au financement de projets
    directement productifs de produits ou services, et créateurs d’emplois, dans le cadre
    de partenariats public-privé. Ces projets viendraient compléter et rentabiliser les
    investissement d’infrastructures déjà réalisés par l’Etat. Ils doivent être ciblés selon
    les secteurs et les régions à développer.

Un budget 2020 favorisant la réduction des disparités territoriales :
Les chantiers de la régionalisation avancée, de déconcentration administrative et de
déploiement de la réforme des CRI doivent être accélérés et dotés des moyens humains et
financiers nécessaires pour répondre aux attentes des populations et aux exigences des
entreprises.


Le désenclavement logistique et routier des régions éloignées de l’axe mondialisé de notre
pays, doit être érigé en priorité. Avec une politique de spécialisation économique de ces
territoires, il permettrait d’améliorer leur attractivité et leur développement.


Par ailleurs, il est temps d’opérationnaliser les deux Fonds de soutien étatiques aux régions
(Fonds de solidarité interrégionale et Fonds de mise à niveau sociale). Il convient aussi
d’inscrire les actions de ces Fonds dans des schémas de co-financement pour le soutien de
projets créateurs d’emplois et à fort impact socio-économique.


Enclencher une nouvelle politique budgétaire


Compte-tenu de ce qui précède, l’Alliance des Economistes Istiqlalaliens invite le
Gouvernement à repenser sa politique budgétaire en opérant certaines ruptures telles que :

  • Passer d’une logique de moyens utilisés à une logique d’objectifs et de résultats
    réalisés, aussi bien dans l’établissement des priorités, dans l’octroi des moyens,
    que dans le suivi et l’évaluation ;
  • Sortir de la logique de saupoudrage et adopter un meilleur ciblage dans l’octroi des
    dépenses fiscales, des aides foncières et des subventions budgétaires.
  • Les arbitrages doivent essentiellement obéir aux critères de création de valeur et
    génération d’emplois durables et valorisants, notamment dans les Régions reculées
    et présentant des atouts naturels et humains de compétitivité.
    Faire adopter des textes préalablement à la Loi des Finances 2020
    En attendant les outputs du nouveau modèle de développement, et faute d’avoir livré la
    charte d’investissement tant attendue, le Gouvernement ferait bien de prendre en
    considération certaines recommandations des assises fiscales et celles du commerce.
    Aussi, nous pensons que pour que la Loi de Finances 2020 puisse amorcer les principaux
    changements nécessaires à la relance tant attendue, il est indispensable que son
    élaboration, et surtout son adoption, soient précédées au moins par :
  • L’adoption de la nouvelle loi cadre issue des dernières assises de la fiscalité ;
  • La nouvelle charte des investissements ;
  • La loi régissant les partenariats public-privé
    Faut-il convoquer une session extraordinaire du parlement à cet effet. En tout cas les
    agendas du parlement et du gouvernement feraient mieux de prendre en considération
    ce préalable.