LEÇON 1 : sans conteste la plus importante : le surplus de légitimité de la représentation populaire. Plus de la moitié des inscrits sur les listes a voté. Ils étaient seulement 43% il y a cinq ans, avec une base comptant 1,5 millions d’électeurs en moins (Et encore faut-il pouvoir mesurer les votes ratés en raison de la pandémie). Une prise de conscience civique et une volonté de faire entendre sa voix, de réclamer aussi un changement. Un cycle se termine, les Marocains veulent autre chose et ils l’expriment.

LEÇON 2 : En politique comme ailleurs, le travail paie. En 2016, quelques semaines avant les législatives, Salaheddine Mezouar était forcé de passer la main au profit de Aziz Akhannouch. Nouvelle vision, structures réformées et énorme travail de terrain ont été au programme. En dépit d’une image injustement écornée par son statut d’homme d’affaires et d’un boycott sévère de son entreprise, le Président du parti a tenu le cap… du parti. Il l’a ré-enraciné auprès de la population et l’a débarrassé de son image de parti de l’administration et de béquille électorale de la majorité. Il faut rendre hommage au RNI et à son leader. Ils méritent amplement leur succès.
De la même manière, il faut rendre hommage à l’Istiqlal qui a réussi l’exploit de faire son marché chez les ex-votants du PJD. Là encore, c’est le travail d’un Nizar Baraka, sérieux, appliqué et assez fin pour arrondir les angles et réunifier un parti qu’il a trouvé profondément divisé, il y a quatre ans, entre un Chabat qui l’a fait dérailler et un Ould Errachid qui pilotait une bonne partie des structures. Parcours différents, logiques similaires, entre RNI et Istiqlal, il fallait un travail de fond et un cap. C’est fait et les électeurs ne s’y sont pas trompés.

LEÇON 3 : Un nouveau parti est né. Il s’agit du PAM. Fabriqué en 2010, poussé en 2011, boosté en 2016. En se classant 2ème, avec près de 21% des sièges, l’ex-mouvement des démocrates a prouvé qu’il avait désormais de vraies racines populaires et qu’il pouvait survivre à ses fondateurs et autres adoubés. En 2016, j’ai voté PAM par dépit, pour ne pas donner une voix au PJD…Peut-être que demain, par conviction pour son programme, ses femmes et ses hommes, je voterai PAM, un parti comme les autres

LEÇON 4 : la lampe du PJD s’est éteinte. Comment en arrive-t-on à perdre 90% de ses sièges en 5 ans seulement ? Le parti islamiste est victime à la fois de son excès de confiance -puisqu’il a limité les circonscriptions couvertes- mais également du manque de son enracinement rural et au sein des organisations professionnelles, sans compter, et c’est le plus important, la lassitude chez les Marocains. En 2011, beaucoup ont voté PJD parce qu’ils voulait du neuf, du différent. Ils ont été progressivement déçus et la sortie fielleuse de Benkirane, la veille du vote, a quelque part montré qu’à part le slogan « nous lavons plus blanc » le PJD n’avait pas vraiment de solution pour le quotidien des Marocains.

LEÇON 5 : technocrate vs politique c’est fini. Nous vivons sans doute un tournant dans ce clivage qui n’aurait jamais dû exister. Pourquoi un politique ne serait pas technocrate et pourquoi un technocrate ne serait pas politique ? On a pendant longtemps opposé une compétence technique et une volonté, une capacité d’avoir une vision politique, alors que dans le même temps on reprochait aux partis de ne pas avoir de compétences. Les Marocains l’ont compris : ils veulent une vision politique et des femmes et hommes compétents pour appliquer le programme promis.

En conclusion ? Le Maroc aborde une autre étape de sa maturité politique et démocratique. Ne nous y trompons pas, si 9 millions de personnes ont voté ce 8 septembre, c’est les institutions, leur rôle, leurs prérogatives, sont plus crédibles, et le processus électoral inspire confiance.

NB : Grand merci au ministère l’Intérieur pour le formidable travail d’organisation électoral et la transparence. Du boulot de pro !