Le Haut Commissariat au Plan réalise périodiquement des enquêtes de structure et de conjoncture auprès des ménages et des entreprises comme il réalise des enquêtes et des études thématiques qui répondent aux préoccupations du monde économique et des politiques publiques.

La présente enquête rentre dans cette dernière catégorie. Elle vise à approcher les activités des entreprises dans leur diversité et appréhender leur perception du cadre économique, social et juridique dans lequel elles opèrent. Elle se réfère aux activités des entreprises au cours des trois dernières années.

Elle couvre tout le territoire national et cible toutes les entreprises organisées à savoir celles qui détiennent une comptabilité formelle. Elle concerne les entreprises opérant dans les secteurs de l’industrie, de la construction, du commerce et des services et exclut de ce champ les secteurs financier, de l’agriculture et de l’informel. Cette enquête s’est déroulée entre les mois de Janvier et Juillet 2019.

Les entreprises ciblées ont été classées selon le double critère du chiffre d’affaires et des effectifs employés par référence aux textes juridiques qui en fixent les limites dans notre pays. Ainsi dans la présente enquête, les très petites et moyennes entreprises (TPME) sont celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 75 millions de DH et des effectifs inférieurs à 200 employés.

Les très petites entreprises (TPE) sont définies comme étant les unités ayant un CA de moins de 3 millions de DH et un effectif inférieur à 10 employés. Les grandes entreprises (GE) sont celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 75 millions de DH ou des effectifs dépassant 200 personnes.

L’échantillon de l’enquête a été conçu selon un sondage aléatoire stratifié basé sur le critère des effectifs et celui de l’activité comme variables de stratification.

De par sa taille, Il assure la représentativité requise par secteur d’activité et par catégorie d’entreprises. Il est tiré à partir du répertoire statistique d’entreprises géré par le HCP.

L’enquête s’est ainsi adressée à de 2101 unités: 769 représentant l’industrie, 371 la construction, 294 le commerce et 667 les services marchands non financiers.

L’enquête a exigé la mobilisation d’un personnel de collecte de 80 enquêteurs encadrés par 10 superviseurs, suivie et exploitée par la division du Recensement Economique et des Enquêtes auprès des Etablissements. Elle a été réalisée par la méthode de collecte CAPI qui est basée sur une application informatique, permettant à la fois la saisie, le contrôle et le transfert électronique des données recueillies.

La synthèse des résultats de cette enquête est exposée sous deux volets. Le premier vise à présenter le paysage général des entreprises dans notre pays. Le deuxième volet passe en revue les principales activités des entreprises ainsi que les perceptions qu’elles ont formulées sur leurs rapports avec leur environnement institutionnel.

  1. Les grands traits du paysage de l’entreprise au Maroc

Cette partie se propose de décrire le paysage général que présente l’entreprise au Maroc au cours de la période couverte par la présente enquête.

Prédominance de la région Casablanca-Settat

1. La structure des entreprises au Maroc est à 93% constituée de TPME (64% des TPE et 29% des PME) contre7% des GE. Près des deux-tiers (63%) d’entre elles sont concentrées dans l’espace régional Casablanca-Tanger : 39% des entreprises sont implantées dans la région de Casablanca-Settat, 15% dans la région de Rabat-Salé-Kenitra et 9% dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima.

2. La répartition par secteur d’activité montre que près de 42% des entreprises opèrent dans le secteur des services, 27% dans le commerce, 21% dans la construction et 10% dans l’industrie.

3. Les TPE (44%) et les PME (42%) sont fortement concentrées dans les services et faiblement présentes dans l’industrie avec respectivement un poids de 8% et 11%. En revanche les grandes entreprises sont quasi-équitablement réparties entre les secteurs de l’industrie (26%), de la construction (23%), du commerce (27%) et des services (24%).

4. Au niveau régional, les services sont concentrés dans les régions de Casablanca-Settat (39% des entreprises) et Marrakech-Safi (11%). Dans le secteur du commerce, plus de la moitié (58%) des entreprises sont implantées dans la région Casablanca- Settat (44%) et la région Rabat-Salé-Kénitra (14%).

Le secteur de l’industrie est fortement concentré dans la région Casablanca-Settat (47%) suivie par la région Tanger-Tétouan-Al-Hoceima (12%).S’agissant du secteur de la construction, il est moins polarisé que le reste des secteurs d’activité, avec 29% des unités implantées dans la région Casablanca-Settat, 16% dans la région Rabat-salé-Kénitra et 11% dans la région Fés-Meknès.

Tertiarisation des entreprises au Maroc et montée des TPME

5. La répartition des entreprises par tranche d’âge fait apparaitre que 75% des entreprises sont de création récente, avec moins de 20 ans d’existence. Près de la moitié d’entre elles ont moins de 10 ans. La part des entreprises de moins de 10 ans dans les secteurs des services (42%), de la construction (35%) et du commerce (33%) est plus importante que celle du secteur industriel (12%).

6. 40% des TPE ont moins de 10 ans. Par ailleurs, la proportion des TPE est de 73% pour les créations récentes contre 64% pour l’ensemble des entreprises. Ces deux éléments traduisent la dynamique de création chez les TPE.

7. Dans l’ensemble, les créations récentes de moins de 10 ans sont fortement enregistrées dans le secteur des services avec 49% des entreprises contre 3,3% dans l’industrie.

Un encadrement bénéficiant d’une faible offre de formation, très largement marocanisé et peu féminisé

8. Les entreprises au Maroc présentent un taux d’encadrement de 25% avec une faible disparité selon les secteurs d’activité. Avec un taux de 18%, les TPME industrielles sont relativement les moins encadrées. En revanche, le taux d’encadrement le plus élevé est enregistré dans les TPME commerciales (33%).

9. Sur le plan de la formation continue, 26% des entreprises ont mené des actions de renforcement des capacités au profit de leur personnel. Cette proportion s’élève à 75% pour les GE contre 34% pour les PME et 18% pour les TPE.

10. Les entreprises ont un faible usage des technologies dans leur fonctionnement. Alors que 31% possèdent des sites web, seules 35% les utilisent dans un cadre professionnel. Il s’agit surtout de GE (43%), les TPME représentent 28%sur cet aspect.

11. Le management des entreprises est faiblement féminisé. Il est de 8% dans les GE contre 13% au niveau des TPME. Par ailleurs, il se situe entre 3% à 17% selon le secteur d’activité.

12. La répartition des entreprises par nationalité des dirigeants montre que 5% des entreprises (4% des TPME et 15% des GE) sont dirigées par des étrangers dont 29% sont des femmes.

  1. Activités et perceptions

L’objet de cette section est donner un aperçu sur les principales activités des entreprises et leur perception de leur environnement institutionnel au cours de la période considérée.

L’investissement et l’emploi sont d’abord le fait des GE

13. Au cours des trois dernières années, 39% des entreprises ont réalisé des investissements. Cette proportion s’élève à 80% pour les GE, 49,5% pour les PME et 29,4% pour les TPE. La taille de l’entreprise apparait comme un facteur déterminant de l’investissement. Toutefois, l’acte d’investir est entravé par le manque de financement pour 74% des entreprises quelle que soit leur taille.

14. La moitié des entreprises ont déclaré avoir recruté, au cours des trois dernières années. Cette proportion atteint 90% pour les GE et 70% pour les PME contre 38% pour les TPE. Les GE recrutent principalement des profils d’un niveau élevé (ingénieurs, cadres supérieurs) alors que les TPE recrutent principalement des techniciens spécialisés et des ouvriers qualifiés. La majorité des recrutements (71%) sont des recrutements de remplacement ou se font suite à l’expansion de l’activité (64%).

Une percée des TPME dans l’exportation

15. La part des entreprises exportatrices est de près de 7%, dont un peu plus de la moitié sont des exportatrices régulières. Cette part est de 2,6%au sein des TPE et de 10% au niveau des PME.  Par ailleurs, 80% des entreprises exportatrices se créent dans le secteur tertiaire lui-même dominé par les TPME. 40% des TPME qui exportent ont moins de 10 ans. Ces éléments en plus de l’importance numérique des TPME traduit leur potentiel de progression à l’export. La part des entreprises exportatrices est, quant à elle, relativement importante au sein des GE (31%) mais 55% ont plus de 20 ans.

Les grands obstacles à l’investissement et à l’emploi selon les entreprises

16. Globalement, une entreprise sur cinq recourt au financement externe dont la majorité (93%) provient du crédit bancaire. Cette proportion s’élève à 46% pour les GE contre18% pour les TPME. Les TPME sont les plus confrontées aux difficultés d’accès au financement qui constituent un obstacle sévère pour 40% d’entre elles.

17. Dans l’ensemble, 58% des chefs d’entreprises sont insatisfaits des services offerts par les institutions financières. Ce mécontentement est plus accentué chez les TPE (63%).

18. 35% des entreprises ont demandé un crédit auprès d’une institution bancaire au cours des trois dernières années. Cette proportion est de 56% pour les GE et de 27% pour les TPE. Le taux d’intérêt élevé (40%) ainsi que les garanties exigées par les banques (34%) sont les principaux freins à la demande de crédit. Près de 33% des entreprises évitent le recours au crédit bancaire pour des raisons religieuses. Selon la perception des chefs d’entreprises, les deux facteurs les plus déterminants pour l’accès au financement bancaire, à savoir les garanties exigées et le taux d’intérêt, se sont davantage resserrés durant la période considérée.

19. Les principaux obstacles à la politique de recrutement sont l’insuffisance de l’activité pour 63% des entreprises et le coût élevé de la main d’œuvre dans 26% des cas. Par ailleurs, 37% des entreprises déclarent que le système actuel d’éducation et de formation professionnelle ne leur permet pas de trouver sur le marché du travail des profils adéquats. L’industrie, avec 52% des entreprises, est le secteur qui souffre le plus de cette inadéquation.

20. 18% des entreprises déclarent avoir connu des conflits sociaux. Ces problèmes sont significativement présents au sein des GE à hauteur de 44%. Au niveau des PME et des TPE, cette proportion est respectivement de 24% et 13%.

Pour gérer ces conflits, 52% des GE recourent principalement au dialogue organisé. Cette procédure n’est utilisée que par 32% de PME et 26% des TPE.

Une appréciation plutôt réservée des rapports avec l’environnement institutionnel 

21. Sur le plan de la fiscalité, les entreprises se plaignent des contrôles fiscaux et de la multiplicité des redressements. A ce titre, 34% des GE ont fait l’objet d’un contrôle fiscal et 73% ont été redressées durant la dernière année.

22. Dans l’ensemble, le système fiscal est jugé contraignant par60% des d’entreprises, un facteur de découragement de l’investissement par 95% d’entre elles, source de méfiance vis-à-vis de l’administration fiscale par 88% et favorisant le recours à des pratiques informelles par 69%. Par ailleurs, le système fiscal est considéré complexe par plus de la moitié des entrepreneurs (51%).  Cette proportion est de 63% pour les GE.

23. La lenteur de traitement des litiges commerciaux par les tribunaux constitue une contrainte pour 51% des entrepreneurs et la difficulté dans l’application des décisions judiciaires pour 15% des cas.

25. 45% des chefs d’entreprises estiment que le monopole de certaines entreprises est l’une des principales raisons qui les empêchent de décrocher une commande publique. Cette proportion est de 60% pour les TPE. Le manque de transparence est évoqué par 56% des PME ayant soumissionné à un marché public. Par ailleurs, près de 89% des chefs d’entreprises considèrent que les délais de paiement après livraison des commandes publiques constituent un réel frein au développement de l’entreprise. Ce facteur menace beaucoup plus les TPME (90%) qui le considèrent comme obstacle majeur à très sévère à la continuité de leur activité.

26. En ce qui concerne les principaux facteurs de production, 61% des chefs d’entreprises déclarent que le coût de l’énergie constitue un obstacle pour la compétitivité. Il en est de même pour l’accès au foncier pour 47% des entreprises.

27. Les chefs d’entreprises ont globalement une opinion peu favorable de leurs rapports avec l’administration publique. Les deux tiers des entreprises estiment que la complexité des procédures de l’administration est un obstacle au développement de leur activité. Pour la moitié des entreprises, la qualité de service, le délai de paiement et l’accès à l’information sont également des contraintes sérieuses.

28. D’autre part, 57% des entreprises déclarent avoir observé des pratiques non éthiques au sein de l’administration publique. Ce phénomène est constaté de manière significative parmi les entreprises de tous les secteurs.   

Usage des statistiques du HCP

29. Sous réserve du biais possible de l’appartenance professionnel de l’enquêteur sur les réponses recueillies, près de 73% des entreprises déclarent connaitre le Haut Commissariat au Plan, parmi lesquelles 91% sont des GE, 72% sont des PME et 71% sont des TPE. Cependant celles qui utilisent les statistiques et études du HCP sont de 20%, 38% sont des GE, 24% sont des PME et 15% sont des TPE. Pour plus des deux tiers des entreprises, la consultation du site web du HCP est le principal moyen utilisé pour accéder à l’information statistique publiée par le HCP. Le suivi de la presse est un choix adopté par la moitié des entreprises. Les conférences de presse du HCP sont suivies par près de 14% des entreprises.