La digitalisation des services bancaires s’impose en tant que nécessité à l’heure actuelle. Les acteurs nationaux se sont bien lancés dans différents processus autour de la transformation digitale, mais des lacunes techniques et humaines demeurent.

Casablanca a accueilli la 2e édition du Digital Banking Forum, organisé par Inter World, en collaboration avec différents acteurs opérant dans le secteur de la finance et des banques, à l’image de Barid Media, l’Association Professionnelle des Sociétés de Financement (APSF), Association Professionnelle des Établissements de Paiement (APEP) et Creditinfo Maroc, afin de discuter de la situation du marché.

L’écosystème bancaire au Maroc connait une réelle révolution depuis quelques années. Les différentes banques, sous la supervision de Bank Al-Maghrib (BAM), ont initiées le lancement de différents projets, leur permettant de répondre aux nouveaux besoins de la clientèle. Actuellement, il est possible de créer un compte bancaire et de le gérer d’un simple clic, sans avoir à passer par une quelconque agence physique. Mais pas que, puisque l’on peut disposer d’un portefeuille virtuel et effectuer différentes transactions, passant du paiement de factures, achats, demandes et simulations de crédits, etc. La dernière dans le secteur étant le transfert d’argent instantané.

Un engagement sur plusieurs niveaux

Cela dit, l’écosystème doit faire face à certains challenges, surtout que, si les solutions sont bien là, leur adoption n’est pas toujours évidente. En effet, l’une des problématiques qui se posent est le fait que les fintechs au Maroc ne sont pas forcément adaptées aux utilisateurs. D’après Olivier Cruanès, directeur programme de business transformation des services financiers chez Afreeway, le digital banking : « doit être adapté aux clients marocains. Il ne suffit pas de chercher à dupliquer des expériences qui marchent ailleurs. Il faut mettre en place des initiatives qui puissent encourager les utilisateurs à faire la transition du cash vers des solutions digitales ».

Il faut donc informer et former les clients à l’utilisation de ces nouveaux moyens financiers, et non pas s’attendre à ce que la transition se fasse de façon spontanée. Cela implique un engagement de la Banque Centrale, des banques, des opérateurs télécoms et le reste des acteurs de l’industrie, afin de limiter le gap qui persiste en ce sens.

Concernant le rôle des opérateurs télécoms dans la démocratisation de ces solutions, le royaume compte bien des initiatives d’e-wallet et d’e-payment, mais celles-ci sont bien loin d’être de réelles banques, à l’image de ce qui se fait auprès de certaines entreprises en Afrique à travers le monde.

Sur ce point, Hazim Sebbata, DG de Cash Plus et président de l’APEP, nous a expliqué que le champ d’action des opérateurs télécoms nationaux s’inscrit dans la gestion des flux. Ceux-ci se limitent à gérer les comptes, les virements, les prélèvements, etc., de la même façon qu’un établissement bancaire traditionnel. « En ce qui concerne la gestion des stocks, et donc, de l’épargne, la captation de l’argent du public et de l’autre côté, le crédit, ce sont là des activités qui restent exclusives aux banques et établissements de crédit agréés ».

Ayant la possibilité d’atteindre une clientèle dans des zones recluses, qui n’a pas nécessairement accès aux services bancaires et reste de ce fait marginalisée, les opérateurs télécoms pourraient bien évidemment demander un agrément à la Banque Centrale en ce sens. « Il suffit de répondre à un certain nombre de critères, notamment de capital, de conformité, etc. Il serait intéressant pour les opérateurs nationaux de capitaliser sur ce qui se fait à l’étranger, que ce soit en Europe ou en Afrique Subsaharienne », indique le président de l’APEP.

Modernisation des process : il faut passer à la vitesse supérieure !

Au-delà de la mise en place de solutions innovantes, la modernisation des services bancaires passe par celle de certains process. L’on peut citer en ce sens le cas de la signature électronique. 3 projets ont été déployés à ce jour au Maroc (depuis 2021). Ceux-ci concernent l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (OMPIC), Al Barid Bank et le Groupe Barid Al-Maghrib. D’après El Mehdi Amazghar, directeur exécutif chargé des opérations et du développement chez Barid Média, la signature électronique a facilité la réalisation de nombreuses transactions.

Il n’y a plus besoin de se déplacer physiquement à une quelconque agence, ce qui représente une réduction des coûts et un gain de temps important pour les administrations et les différents utilisateurs.

Le Dr Saad Belkasmi, docteur en droit des affaires et avocat, explique que l’écrit sur support électronique a la même force que celui sur support papier. « L’écrit, sous forme électronique, est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité », indique-t-il. Et de rajouter que : « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose et exprime son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Lorsque la signature est apposée par devant un officier public habilité à certifier, elle confère l’authenticité à l’acte. Lorsqu’elle est électronique, il convient d’utiliser un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache ».

Le Maroc a donc besoin d’établir une loi pour la gestion des données échangées en ce sens, puis d’un décret qui peut être adopté et appliqué, afin de régir au mieux l’industrie. Il est donc impératif de se mobiliser pour mettre en place un écosystème qui puisse allier entre sécurité, utilité et fiabilité au profit des différentes parties prenantes.