Pays d’Afrique centrale recouvert à 85 % par la forêt tropicale, le Gabon voit sa richesse forestière menacée de toutes parts. Changement climatique, trafic de bois, exploitation illégale, déforestation, développement industriel, braconnage, entre autres.

C’est dans le sillage de ces menaces qu’a été révélée, récemment, un scandale retentissant avec la découverte, le 30 avril dernier, de la disparition de quelque 353 containers de bois précieux placés sous mains de justice au port d’Owendo, au sud de Libreville.

Les containers chargés de bois, dont une importante quantité de Kevazingo, un bois précieux interdit d’exploitation au Gabon, ont été découverts en mars dernier par la direction de Surveillance des douanes avant d’être saisis par la justice pour enquête.

Stupéfié par la disparition d’un si important lot, le procureur de la République Olivier N’Zahou n’est pas allé par quatre chemins, en pointant directement du doigt les agents de l’Administration du ministère des Forêts et de l’Environnement.

« Les agents du ministère des Eaux et forêts requis par le ministère public pour mener à bien les investigations avaient été curieusement rappelés par leur hiérarchie, entravant ainsi le bon déroulement de l’enquête », avait-il déclaré.

Pour lui, les mêmes agents qui avaient parfaitement connaissance des enjeux du dossier et du trouble à l’ordre public économique occasionné par les faits objets de la procédure, ont sciemment ordonné le déplacement desdits containers aux fins d’exportation.

Face à l’ampleur de ce scandale qui prendra désormais le nom de « Kevazingogate », la présidence gabonaise et le gouvernement ont vite réagi, en exigeant la plus grande sévérité dans le traitement de cette affaire.

Dans un communiqué, la présidence avait déclaré que c’est une affaire d’extrême gravité, exigeant, en retour, la plus grande sévérité et que « la lumière, toute la lumière, soit faite à ce sujet ».

« Il ne doit y avoir ni faiblesse, ni impunité, ni passe-droit, quel que soit le rang des personnes concernées, des individus impliqués », avait-elle mis en garde, souhaitant que des peines exemplaires, une fois les responsables identifiés et confondus, soient prononcées.

Quelques jours après, le gouvernement a porté à la connaissance de l’opinion publique que les investigations policières et judiciaires ont relevé de « graves et inadmissibles dysfonctionnements » ainsi que des complicités actives et passives intolérables tant dans les administrations des Forêts et des Douanes qu’au niveau des Opérateurs Économiques de la filière bois.

Ainsi, plusieurs hauts responsables tels les secrétaires généraux du Ministère des Forêts et celui de l’Économie, des directeurs de Cabinet du Ministre des Forêts et de l’Environnement et celui de l’Économie, des Directeurs généraux de la Forêt, de Douanes et Droits Indirects et du directeur Régional des Douanes Estuaire ont été suspendus à titre conservatoire.

Mieux encore, la présidence a décidé de mettre fin aux fonctions de Guy Bertrand Mapangou, ministre de la forêt et de Pierre Claver Maganga Moussavou, vice-président de la république. Les noms des deux personnalités ont été cités dans « Kévazingogate ».

En dépit des poids lourds qui ont laissé des plumes dans ce scandale, l’affaire est toujours en cours et n’a pas encore livré tous ses secrets. Pour redorer le blason de ce secteur, un technicien est désormais aux commandes du ministère des forêts. Dirigeant depuis presque 10 ans l’Agence nationale des parcs nationaux, Lee White, un Britannique naturalisé gabonais, a d’emblée annoncé la couleur: « On a tous suivi l’affaire de Kévazingo donc je pense qu’il faut quelqu’un de technique qui connaît bien la forêt, la mer. Et, ma tâche, c’est de restructurer un petit peu le ministère, de mettre le ministère sur la bonne voie », a-t-il déclaré.

Le Gabon mise sur le secteur forestier. De 200 000 m3 de bois transformé, le pays est passé à plus de 1,3 million de mètres cubes en 2018. Il projette une participation du secteur forestier au PIB à hauteur de 20 % d’ici à 2020.