Fathallah Sijilmassi, Secrétaire Général de l’Union pour la Méditerranée (UpM)

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    Infomédiaire: Vous  avez succédé à Mr Youssef Amrani au Secrétariat général de l’UpM. Quel intérêt porte le Maroc pour la région de la méditerranée et pour cette organisation?
     
    Fathallah Sijilmassi : L’appui des 43 Etats membres de l’Union Pour la Méditerranée aux candidatures marocaines de Youssef Amrani en 2011 puis de la mienne en 2012 pour conduire cet organisme régional est, avant tout, une reconnaissance de la vision et de l’engagement de Sa Majesté le Roi Mohammed VI en faveur du développement d’un espace euro-méditerranéen de paix et de prospérité et un réel succès pour la diplomatie marocaine.
    En effet, Le Maroc a toujours joué un rôle de premier plan dans le partenariat euro-méditerranéen. Il se trouve actuellement engagé avec l’Union Européenne dans deux voies complémentaires. Une voie bilatérale : Il est le premier pays de la rive sud de la Méditerranée à disposer d’un statut avancé, c’est-à-dire d’un cadre bilatéral de traitement différencié qui prend en considération les avancées considérables réalisées par le Maroc depuis une dizaine d’année, et une voie régionale : le Maroc est activement engagé au sein de l’Union pour la Méditerranée, garde une priorité absolue pour la construction du Maghreb, est membre actif de processus sous régional du 5+5 sans oublier bien entendu sa très dynamique politique arabe et africaine. 
     
    Je suis très honoré de la confiance de Sa Majesté pour assumer cette responsabilité que j’aborde avec détermination, ambition et humilité.
     
    Infomédiaire : Quels sont  les objectifs de l'Union pour la Méditerranée depuis sa création ?
     
    Fathallah Sijilmassi : L’Union pour la Méditerranée est née en juillet 2008 avec pour objectif principal de promouvoir le partenariat entre l’UE et les pays de la rive Sud et Est de la Méditerranée. Il est évident qu’aujourd’hui, au moment où nous célébrons son quatrième anniversaire, nous travaillons pour une nouvelle impulsion à cette Union compte tenu des nombreux changements qu’a connus la région. L’UpM de 2012 ne peut pas ressembler à celle de 2008 et c’est naturellement dans cet esprit que nous agissons pour faire en sorte que notre action soit en phase avec les exigences et les attentes des pays du Sud notamment. Nous assistons aujourd’hui à une UpM « 2.0 ».
     
    L’UpM « 2.0 » c’est une nouvelle gouvernance (nouveaux co-présidents, nouveau Secrétaire Général), de nouvelles priorités et actions dans les domaines notamment de la jeunesse et de l’emploi, et une approche résolument tournée vers des projets concrets de coopération régionale.
     
    Infomédiaire : Pouvez-vous nous dévoiler la nouvelle stratégie et gouvernance de l’UpM depuis votre succession à Mr Youssef Amrani ?
     
    Fathallah Sijilmassi : Je voudrais avant toute chose rendre hommage au travail accompli par mon ami et collègue Youssef Amrani qui, en peu de temps, a amorcé les contours de la nouvelle impulsion donnée à l’UPM à partir de la deuxième moitié de 2011.
     
    Aujourd’hui, nous avons complété le dispositif nous permettant d’avancer concrètement dans le cadre de cette nouvelle impulsion.
     
    Nous avons deux nouvelles co-présidences. Comme vous le savez, la principale caractéristique de l’UpM est qu’il s’agit d’une organisation où les pays du Nord et du Sud partagent la responsabilité. Nous ne sommes donc pas face à un dialogue des pays du Sud face à l’Union Européenne mais une organisation régionale où les deux rives sont représentées à parité. Le sentiment d’appropriation du processus par les pays du Sud est important et il est notamment illustré par le fait que le Secrétaire Général est toujours issu d’un pays arabe méditerranéen. Cette appropriation par le Sud est un atout malheureusement parfois oublié sur lequel j’insiste beaucoup auprès des pays du Sud.
     
    Dans ce cadre, après la France et l’Egypte, la Co-présidence est aujourd’hui assumée par l’UE et la Jordanie. Le fait que la co-présidence Nord soit assurée par l’UE est une excellente chose car elle nous permet de travailler dans un cadre plus coordonné et complémentaire des relations bilatérales existantes.
     
    La Jordanie, pour sa part, a toutes les qualités pour réussir une co-présidence sud.
     
    Infomédiaire: Quels sont  les projets de l’Union pour la Méditerranée en cours de réalisation ou de développement ? 
     
    Fathallah Sijilmassi : Nous sommes obligés d’être à la fois ambitieux dans notre vision politique et pragmatique dans notre action sur le terrain. C’est la raison pour laquelle, l’UpM se concentre aujourd’hui sur le renforcement de la coopération régionale à travers la mise en oeuvre de projets concrets à caractère socio-économiques. Notre région est malheureusement celle où l’intégration régionale est la plus faible au monde. Ce n’est pas normal. L’UpM n’a pas vocation à se substituer ou à dupliquer ce qui se fait déjà sur le plan bilatéral mais à agir pour renforcer la coopération régionale. Notre action se situe à trois niveaux :
     
    Assistance technique aux pays pour identifier et préparer des projets élligibles pour l’UPM.
    Promotion et recherche de financement pour ces projets
    Accompagnement des promoteurs dans la mise en œuvre de ces projets
     
    Nous avons d’ores déjà 11 projets labellisés, c’est á dire approuvés officiellement par les représentants des 43 pays membres. Cette labellisation est une étape importante car elle permet aux projets de pouvoir accéder à des financements et des expertises. Ces projets concernent aujourd’hui les secteurs de l’environnement, des transports, de l’éducation parmi lesquels je citerai que les plus emblématiques: 
    la construction d’une usine de désalinisation de l’eau de mer à Gaza 
    la finalisation des tronçons manquants de l’autoroute trans-maghrébine. 
    Par ailleurs, je souhaite vous annoncer qu’un projet d’Université Euro- méditerranéenne à Fez vient d’être labellisé. Ce projet est né par la volonté de Sa Majesté de faire de Fez un centre d’excellence pour l’enseignement supérieur avec un rayonnement euro-méditerranéen et international conforme à la tradition historique de cette ville et du Maroc en général. 
     
    Infomédiaire : Quel rôle peut jouer UpM en faveur de la région maghrébine et de la cause palestinienne ? 
     
    Fathallah Sijilmassi : En tant que marocain et maghrébin, j’accorde bien entendu une importance particulière à l’intégration maghrébine. Après des visites de travail en Tunisie et au Maroc, je me rendrai au cours du mois de septembre en Algérie. Je compte également me rendre en Libye et en Mauritanie où une délégation de l’UpM s’est rendue récemment. L’UpM entretient donc les meilleures relations avec les pays maghrébins qui participent d’une manière active à sa consolidation et à son développement. L’UpM en favorisant la mise en place de projets concrets à portée régionale renforce ainsi l’intégration entre ces pays. Elle mène également une collaboration étroite avec l’Union du Maghreb Arabe et avec le processus des 5+5. Nous travaillons également très bien avec la Ligue Arabe qui assiste régulièrement à l’ensemble de nos réunions de l’UpM. 
     
    Concernant la Palestine, je voudrais rappeler ici que la Palestine est un membre à part entière de notre organisation. Elle est même l’un des membres fondateurs. Je ne connais pas d’autres organisations (hors monde arabe et islamique) où la Palestine est membre fondateur à part entière. C’est donc dans ce cadre que nous agissons avec nos frères palestiniens pour la promotion de projets et je dois dire que la Palestine est un membre très actif au sein de l’UpM. Un des secrétaires généraux adjoints est palestinien.
     
    Infomédiaire : Comment l´UpM peut-elle soutenir les pays du sud de la Méditerranée en cours de  transition politique et économique après le printemps arabe ?
     
    Fathallah Sijilmassi : Soutenir les pays du sud de la Méditerranée en cours de  transition politique et économique est évidemment une des principales missions de l’UpM. Ce soutien, aujourd’hui, est d’autant plus important que la région traverse une phase cruciale marquée par des attentes économiques et sociales de plus en plus pressantes des populations des pays de la rive sud. Je pense que la meilleure contribution concrète et utile de l’UPM pour accompagner cette transition est de soutenir les pays concernés dans l’identification, la mise en œuvre et le financement de projets concrets qui sont prioritaires pour les peuples. C’est la raison pour laquelle nous avons adapté les priorités de l’UpM vers les thématiques de la jeunesse, de l’emploi, du développement local, du soutien à la société civile, et du renforcement du rôle des femmes dans la société. Cela se fait naturellement en complément à notre action dans le domaine de l’enseignement supérieur, des infrastructures, de l’eau, de l’environnement, des énergies renouvelables et du transport.