Nabil Benabdellah, Ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Politique de la ville

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    Infomédiaire : Que pouvez-vous nous dire par rapport à vos premières actions au ministère de l’habitat  après votre nomination au sein du gouvernement Benkirane ? 
     
    Nabil Benabdellah : Les premiers chantiers touchés concernent :
     
    L’initiation de larges concertations avec l’ensemble des entités et responsables du Ministère aux échelles centrale et locale : l’objectif était de prendre connaissance de l’ensemble des dossiers, d’enregistre les acquis à capitaliser et d’identifier les difficultés et lacunes rencontrées avec les pistes de solution.
     
    La préparation du programme gouvernemental notamment pour ce qui devra relever de l’axe relatif aux métiers de ce département. En effet, le programme gouvernemental a mis l’accent essentiellement sur la nécessité de :
    Améliorer et développer le référentiel et les outils de la planification urbaine et rurale afin d’assurer l’actualisation et la production de documents d’urbanisme anticipatifs, souples, réalisables dans un cadre contractuel 
    Mette en place une politique publique volontariste, inclusive et participative visant à réduire les facteurs d’exclusion sociale particulièrement, dans les territoires sensibles à forte pression sociale enregistrant un déficit en matière d’équipements et de services dans le cadre d’une vision intégrée prônant le principe de la contractualisation et la mise en convergence des actions sectorielles en vue de promouvoir les villes en tant que lieux privilégiés de création de richesse et de développement. 
    Poursuivre la mobilisation du foncier public à hauteur de 20.000 hectares sur les cinq années à venir dans le cadre d’une approche transparente,
    Procéder au repositionnement des Agences Urbaines  en tant qu’outils spécialisés chargés de la planification spatiale et de l’urbanisme opérationnel et comme instrument incontournable à l’accompagnement de la régionalisation et de la politique de la ville  en renforçant davantage la démarche de proximité et en mettant en place une nouvelle génération de projets tels : le renouvellement urbain, les projets urbains et les villages ruraux communautaires.
     
    La préparation du programme du ministère pour la période 2012 – 2016 à travers l’organisation de pas moins de sept ateliers thématiques, qui touchent aux réformes juridiques, aux réformes institutionnelles et de gouvernance, à l’habitat et à la valorisation du patrimoine, à la lutte contre l’habitat insalubre, à l’Aménagement du Territoire, à l’Urbanisme et au foncier, ainsi qu’à la politique de la ville et la formation.
     
     
     
    Le lancement d’un large débat national sur la politique de la ville : processus entamé  depuis le mois de février 2012, tant au sein du Ministère et ses composantes (Inspections Régionales, Agences Urbaines, HAO et ses filiales) qu’avec des partenaires extérieurs (Départements ministériels, Instances élues, Opérateurs économiques, Instances constitutionnelles, Organismes internationaux, ONG, Chercheurs et Institutions Universitaires, …etc. Ce processus dont les moments phares sont incarnés par les seize ateliers régionaux, sera couronné par la tenue des premières assises de la politique de la ville prévues le 27 juin 2012.
     
     
    Infomédiaire : Quels seront les grands défis du Ministère de l'Habitat en matière de politique de la ville pour les années à venir ?
     
     
    Nabil Benabdellah : Plusieurs défis sont à relever par rapport à la question de la politique de la ville mais j’en citerai 4 estimés les plus urgents :
     
    Le défi de la cohésion sociale
    L’urbanisation rapide laisse percevoir chez les populations une vulnérabilité persistante et un niveau d’inégalités élevé qui constituent une menace pour la cohésion sociale et risquent de compromettre les objectifs de développement durable des villes marocaines. Cette réalité exige de développer de nouvelles stratégies pour anticiper sur les changements sociétaux et les accompagner en évitant les tensions excessives et les ruptures. L’accès au logement, aux services urbains et aux infrastructures de base constitue un moyen prépondérant de cohésion sociale. 
     
    Le défi de la maitrise de l’étalement urbain
    Le Maroc est entré dans une phase d’urbanisation accélérée se caractérisant par l’extension des périmètres urbains avec la création de grands quartiers à la périphérie des villes existantes. Pour faire face à cette situation la mise place d’une politique de renouvellement urbain, comme alternative à l’étalement urbain est une forme d'évolution ambitieuse de la ville et une opportunité de repenser la ville existante en intégrant les enjeux urbanistiques, économiques, sociaux et environnementaux  permettant de rétablir l’équilibre de la ville.
    Le défi de la durabilité
    Bien qu’elles soient des territoires de production de richesses, les villes marocaines sont les lieux de concentration humaine et les centres de consommation importants aussi bien en eau qu’en énergie. Les villes marocaines peuvent par des mesures touchant à l’aménagement et à l’urbanisme, modérer les consommations ou au contraire les encourager (transports). Elles devraient donc intégrer, dans une mesure croissante, cette préoccupation dans leurs stratégies à moyen et long terme. 
     
    Le défi de la mondialisation et de la compétitivité
    En raison de leur attractivité et de leur poids économique, les villes marocaines seront appelées, durant les 15 prochaines années, à créer annuellement plus de 250.000 emplois contre seulement 150.000 aujourd’hui. L’ouverture croissante de l’économie est à la fois une menace et une opportunité pour le pays. Les territoires qui seront à même d’offrir des conditions de vie et des facteurs favorables à l’activité ont des perspectives de croissance. Les autres risquent d’être marginalisés. Il est donc important d’intégrer la notion de compétitivité territoriale au sein des stratégies urbaines.
     
     
    Infomédiaire : Selon vous, comment votre département ministériel  va-t-il  promouvoir le  secteur de l’Habitat au Maroc ?
     
    Nabil Benabdellah : La stratégie du Ministère visant la promotion de l’habitat au Maroc s’appuie sur 3 grands principes : l’intensification, la diversification et la bonne gouvernance.
    Il est à rappeler que le secteur immobilier connait un essor sans précédent depuis plusieurs années, ce qui a permis de faire reculer le déficit en logement en milieu urbain de 1.200.000 unités en 2002 à 840.000 unités aujourd’hui ; toutefois, et en concordance avec le programme gouvernemental,  ce déficit est appelé à être réduit de 50% à l’horizon 2016.
    A cet effet, et dans l’optique d’intensifier l’offre, le programme de logements sociaux à 250.000 DH, véritable moteur économique (emplois, services, industries des matériaux de construction, …) sera davantage stimulé, par la simplification des procédures administratives et l’accompagnement étroit des promoteurs immobiliers pendant tout le processus de réalisation des projets par le département.
    L’Etat a également adopté dans la LF 2012, des mesures d’encouragement pour la promotion des logements à faible valeur immobilière en étendant la tranche bénéficiaire aux ménages à revenus équivalents à 2 SMIG au lieu de 1.5 SMIG. Le nombre de logements minimal à réaliser sur les 5 ans a également baissé allant de 500 à 200 logements en milieu urbain et à 50 en milieu rural au lieu de 100 unités.
    Toutes ces mesures visent l’accroissement de l’offre en logements sociaux en vue d’absorber le déficit cumulé ; néanmoins, cet accroissement ne sera pas opéré au détriment de la qualité. C’est dans ce sens qu’un cahier des charges optionnel et optimal est en cours de conception par ce Ministère en vue de garantir une production plus qualitative. Toujours, dans le volet qualité, ce département travaille sur un nouveau concept de contrôle-qualité pour l’auto-construction ainsi que de nouvelles mesures relatives à l’esthétique de production pour ce segment.
    Concernant la diversification de l’offre, et comme déclaré dans le programme gouvernemental, ce Ministère travaille sur une nouvelle offre pour la classe moyenne dont le prix de vente ne doit pas dépasser les 800.000 DH. Nous sommes actuellement en cours de concertation avec les partenaires concernés pour valider les mesures convenues.
    Aussi, vous n’êtes pas sans savoir que la LF 2012, a adopté des mesures spécifiques pour la promotion du segment locatif social, il s’agit d’une première au Maroc. Des mesures d’encouragement pour les bailleurs (locateurs) ont été introduites en vue d’investir dans la location de logements sociaux pour une mensualité ne dépassant pas les1200.00 DH. Ce dispositif permettra d’encourager la mobilité des ménages et de réguler les prix du loyer surtout dans les grandes villes.
     
     
    Toutes ces politiques publiques en matière de promotion immobilière se feront dans un cadre de cohérence et de convergence avec les grands chantiers ouverts et en adéquation avec la politique de la ville qui sera dévoilée et adoptée le 27 juin 2012. 
     
    Infomédiaire : Que pouvez-vous nous dire par rapport aux problèmes que posent les habitations menaçant ruine dans les  différentes villes du royaume ?
     
    Nabil Benabdellah : Le premier niveau de complexité de la problématique des constructions menaçant ruine réside dans la difficulté de quantifier ce phénomène en dehors d’une expertise technique conduite par des spécialistes. 
    En fait, ce type de constructions se situe généralement dans quatre types de tissus urbains à savoir :
    a. Les Quartiers d’Habitat Non Réglementaire: la problématique est différente dans ce contexte compte tenu de leur illégalité;
    b. Le vieux parc logement: il s'agit des logements sociaux et réglementaires anciens avec un manque d'entretien accentué par la pauvreté de la population qui y réside;
    c. Les médinas : où l'intervention revêt une spécificité du fait de la dimension patrimoniale;
    d. Les ksour et les kasbahs: en tant que patrimoine architectural spécifique en péril. 
     
    Autres niveaux de la problématique concernent 1) la diversité des facteurs engendrant les dégradations et pathologies et qui sont soit endogènes : liés à des défaillances dans la structure suite au vieillissement ou à une intervention humaine préjudiciable à la stabilité, etc. soit exogènes : liés  à la rupture des équilibres dans le voisinage immédiat (sol, infiltration d’eau, VRD défectueux, effondrement de murs mitoyens, etc.) ; 2) La spécificité et la nature des tissus urbains concernés (densité, localisation et accessibilité de ces dernières, mode d’occupation) ; 
    A ceci s’ajoute des facteurs impondérables tels que le temps, la difficulté d’estimer la durée de vie restante des constructions, le facteur humain (mode d’occupation, adhésion ou rejet de toute intervention, actes d’auto dégradation, etc.), les imprévus (séismes, inondations, catastrophes naturelles, etc.)
    Les réponses au phénomène nécessitent donc le passage par un système de diagnostic approfondi dans l’objectif de dégager une vision intégrée du phénomène, un système qui devra s’articuler sur les aspects juridiques, techniques, sociaux, fonciers et financiers et impliquant tous les départements concernés. 
     
    Infomédiaire : Quel est l’objectif de  la prochaine  concertation Nationale sur la Politique de la Ville ?
     
    Nabil Benabdellah : Ce sont les Premières Assises de la Politique de la Ville au Maroc, un fait marquant qui va couronner l'aboutissement d'un large processus de débat et de concertation qui s'est déroulé du mois de février au 21 juin 2012 et qui a concerné tous les acteurs et intervenants afin de les impliquer dans la conception du contenu de cette politique. 
     
     
    Nous espérons, donc, à travers ces assises d'abords de partager les mêmes conclusions et état des lieux sur la problématique des villes marocaines, sur l'importance des enjeux actuels et futurs, souligner les risques encourus et montrer les opportunités et les potentialités à saisir, ensuite et c'est le plus important, mobiliser l'ensemble autour de l'urgence d'agir dans un cadre concerté, intégré et contractuel.
    La tenue de ces assises est également le signe de l’engagement du Ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Politique de la Ville aux côtés des différents départements ministériels, décideurs et acteurs de la ville pour œuvrer à la mise en place des outils et des mécanismes opérationnels d’une politique de la ville permettant de répondre aux enjeux et défis d’un Maroc résolument engagé sur la voie d’une grande ambition nationale, partagée par tous, et articulée autour du développement humain.