Lors d’un webinaire organisé par TIJARA, l’expert fiscal Mohamed El Jerari a mis en lumière les implications de la loi sur les délais de paiement pour le secteur du commerce et de la distribution. Ses recommandations visent à éviter les pénalités en conservant des justificatifs de paiement et en assurant un suivi rigoureux des dates de livraison et des factures fournisseurs.

La mise en œuvre de la loi sur les délais de paiement implique de nouvelles responsabilités pour les acteurs du secteur du commerce et de la distribution, souligne l’expert fiscal Mohamed El Jerari, lors du webinaire organisé jeudi 26 octobre 2023, par la Fédération nationale des métiers de la distribution des produits de grande consommation (TIJARA).

En effet, il est communément admis que la facilitation des échanges, la simplification, la modernisation, l’harmonisation des process du commerce ainsi que les conditions de paiement sont un prérequis à l’essor du commerce et de la distribution. Lors de cet évènement, ce dernier a émis des recommandations visant à éviter les lacunes dans les déclarations et à prévenir les situations pouvant entraîner des pénalités.

Précautions à prendre pour les paiements par chèque et effet

Selon El Jerari, qui est également membre de la Commission finance et fiscalité de la fédération, il est essentiel de comprendre ce qu’est une date de paiement, qui correspond à la remise de l’instrument de paiement au fournisseur. Selon les conditions convenues avec le fournisseur, cela peut être un chèque, un effet ou un ordre de virement. Lorsqu’un paiement est effectué par chèque, il est recommandé de conserver l’accusé de réception daté et cacheté par le fournisseur, et de veiller à ce qu’il soit encaissé en temps voulu.

Pour lui, «cette précaution est nécessaire car, selon certaines informations, l’administration fiscale considère que ce n’est pas l’émission du chèque qui compte, mais plutôt son paiement».

Cependant, El Jerari affirme ne pas partager cette position, soulignant que le chèque est un instrument de paiement à vue et que la provision doit être préalable. Il recommande donc de s’assurer que le fournisseur a bien reçu l’accusé de réception et de veiller à ce qu’il le présente en temps voulu pour éviter tout retard de paiement. Un autre instrument de paiement mentionné est l’effet, qui est un instrument de paiement à terme.

El Jerari conseille de vérifier que l’échéance de l’effet ne dépasse pas 60 jours en l’absence d’un délai convenu entre les parties, ou 120 jours s’il y a un accord préalable. Il est également recommandé de conserver l’accusé de réception daté et cacheté par le fournisseur. Il est crucial de s’assurer que le compte est approvisionné le jour de l’échéance pour éviter les impayés, car cela serait de la responsabilité du débiteur. En cas d’impayé, il est possible que le fournisseur escompte l’effet, et si celui-ci est retourné impayé, le débiteur sera en infraction et soumis à des pénalités. Par conséquent, il est conseillé d’obtenir de la banque un avis d’opération justifiant que le paiement a été présenté et effectué en temps voulu.

Recommandations pour les paiements par virement

En ce qui concerne les paiements par virement, il est recommandé de conserver l’avis de débit et l’accusé de réception cacheté par le fournisseur, bien que cela soit facultatif. Lorsque le compte est approvisionné, le paiement est effectué par avis de débit, et la preuve du paiement peut être consultée sur le relevé bancaire. Mohamed El Jerari souligne également l’importance de suivre les dates de livraison et d’exiger la remise en temps voulu des factures fournisseurs.

En cas de retard dans l’émission d’une facture, la loi stipule que le bon de livraison fait foi pour le calcul des pénalités. Il est donc essentiel de s’assurer que le fournisseur émette sa facture à temps et n’engage pas le débiteur dans une situation délicate. Dans ces circonstances, l’expert souligne qu’il est nécessaire de déterminer les responsabilités de chaque partie et de les assumer afin d’éviter de transférer l’infraction sur la relation commerciale.

L’expert fiscal souligne en outre que les amendes sont appliquées même en l’absence de facture. Il est donc primordial de suivre de près la livraison effective des marchandises, l’exécution des travaux ou des prestations de services, et d’exiger la facture pendant le mois de la livraison afin de figer la date de calcul du délai de paiement.

Des zones d’ombre subsistent à la circulaire n°734 de la DGI

Lors du webinaire, Mohamed El Jerari a exprimé son accueil positif à l’égard de la circulaire de la Direction générale des impôts n°734 sur les délais de paiement au Maroc. Selon lui, cette circulaire apporte des clarifications importantes concernant la déclaration des factures et les obligations des entreprises en matière de paiement. Toutefois, certaines zones d’ombre subsistent et nécessitent une attention particulière. La circulaire vise à réguler les délais de paiement entre les entreprises et à réduire le crédit inter-entreprise, qui a atteint un niveau préoccupant. Selon la circulaire, les entreprises doivent respecter les délais de paiement de leurs fournisseurs, fixés à 60 jours à compter de la fin du mois de livraison, sauf accord spécifique entre les parties. Dans certains secteurs, ce délai peut être prolongé à 120 jours, voire 180 jours par voie réglementaire.

Pour El Jerari, une des clarifications importantes apportées par la circulaire concerne le seuil de déclaration des factures. La DGI a précisé que seules les factures d’un montant supérieur à 10.000 dirhams TTC doivent être déclarées, allégeant ainsi le processus de déclaration pour les factures de faible montant. Toutefois, des questions subsistent quant à la façon dont les paiements sont considérés comme effectués selon la loi.

«La circulaire ne précise pas clairement les critères pour qu’une créance soit considérée comme éteinte. La loi mentionne les instruments de paiement tels que les chèques, mais ne tient pas compte des retards éventuels dans le dépôt ou l’encaissement de ces instruments. Il est donc essentiel que les entreprises établissent des mécanismes clairs pour s’assurer que les fournisseurs reçoivent effectivement les paiements dans les délais impartis», souligne El Jerari.

Les pénalités liées aux retards de paiement

En ce qui concerne les changements fiscaux, la circulaire stipule que les pénalités liées aux retards de paiement ne sont pas fiscalement déductibles. Les entreprises devront donc réintégrer ces pénalités dans leur déclaration fiscale, ce qui aura un impact sur leur résultat net. Il est donc crucial pour les entreprises de gérer efficacement leur trésorerie et de maintenir des relations ouvertes et transparentes avec leurs fournisseurs.

Malgré ces nouveaux délais de paiement contraignants, les entreprises peuvent prendre des mesures pour maintenir de bonnes relations avec leurs fournisseurs. Il est essentiel d’établir une communication claire et régulière avec les fournisseurs, de s’assurer que les factures sont présentées en temps voulu et de respecter les engagements de paiement. Une gestion proactive de la trésorerie, en anticipant les flux de trésorerie et en planifiant les paiements, peut contribuer à maintenir des relations solides avec les fournisseurs.

Modeste Kouamé