La Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP) espère que cette mesure du PLF 2024, qui impactera directement le coût de production des établissements pharmaceutiques industriels, sera accompagnée d’un droit à déduction, à l’instar des pays retenus par la règlementation marocaine comme pays de référence pour la fixation des prix fabricants hors taxes.

Le projet de loi de Finances 2024 a proposé d’élargir l’exonération de TVA à l’intérieur et à l’importation à tous les médicaments et matières premières entrant dans leur composition, ainsi qu’aux emballages non récupérables. Une mesure qui vise à opérer une baisse des prix des médicaments soumis initialement à une TVA de 7% en les exonérant de cette taxe, au Maroc et à l’importation, afin de réduire les dépenses médicales et améliorer l’accès des citoyens aux traitements essentiels.

Si cette mesure a été acceptée dès le départ par le secteur industriel pharmaceutique, dans la continuité de la politique d’accessibilité des citoyens aux médicaments à des prix plus abordables, elle se traduit, du côté des industriels pharmaceutiques, par une perte du droit de déduction de la TVA de 20%, ce qui portera atteinte, selon la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP), à plusieurs paramètres de la chaîne de valeur.

Il s’agit, non seulement des investissements, mais aussi des charges et des intrants chimiques et emballages, notamment le transport, l’énergie, la promotion ainsi que les prestations de services et de recherche et développement. C’est la raison pour laquelle les établissements pharmaceutiques industriels (EPI) nourrissent l’espoir que cette mesure sera  accompagnée d’une exonération de TVA, avec droit à déduction supportée en amont. L’objectif étant de garantir le principe de neutralité fiscale de la TVA et aussi d’équité fiscale entre les différents acteurs économiques.

Un impact direct sur le coût de production
Selon la FMIIP, ladite mesure impactera directement le coût de production de 20% des EPI d’autant plus qu’elle ne pourra pas être répercutée sur les prix publics de vente, qui sont fixés par décret. De surcroît, cette mesure constituera, aux yeux des industriels, une menace à la compétitivité des produits pharmaceutiques fabriqués localement (78% de la consommation au Maroc en volume) et favorisera leur importation dans la mesure où elle constituera un frein à l’investissement.

En conséquence, cette mesure impactera la souveraineté sanitaire marocaine alors que 800 MDH sont investis annuellement par les EPI depuis 2013, selon la position de la FMIIP rendu publique, il y a quelques jours. Pour rappel, d’après un benchmark international cité par la FMIIP, tous les pays retenus par la règlementation marocaine comme pays de référence pour la fixation des prix fabricants hors taxes (PFHT) permettent le droit de déduction de la TVA.

Il est à noter que les précédents gouvernements avaient déjà amorcé la baisse de prix de certains médicaments en supprimant la TVA sur plusieurs produits mais en maintenant le droit à déduction pour les intervenants de la chaîne de valeur du secteur. Il s’agit, notamment, des médicaments anticancéreux et antiviraux pour les hépatites B et C, de traitement du diabète, de l’asthme…  À cela s’ajoutent les médicaments pour les maladies cardio-vasculaires, le syndrome immunodéficitaire acquis (SIDA), la méningite ainsi que les vaccins et traitement de la fertilité et de la sclérose en plaques et les médicaments dont le PFHT dépasse 588 dirhams.

Un dispositif fiscal adapté à l’industrie locale
Avec une contribution de 1,5% au PIB national, 53 Établissements pharmaceutiques industriels (EPI) et un chiffre d’affaire annuel frôlant 17 MMDH, l’industrie pharmaceutique marocaine constitue la deuxième activité chimique du Maroc, après celle des phosphates. Parmi ces établissements, 47 disposent de sites de production qui permettent de satisfaire près de 52% de la consommation du pays en valeur et 78% en volume.

Selon la FMIIP, le contexte pandémique a démontré combien il est important de disposer d’un tissu industriel national, qui pourrait à tout moment mettre sur le marché des produits de première nécessité, de qualité et à des prix abordables, tout en garantissant la souveraineté nationale en matière de santé. Pour y parvenir à l’horizon 2035, la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) a préconisé le développement d’une industrie pharmaceutique et médicale locale capable d’assurer un approvisionnement continu en produits médicaux essentiels.

En vertu de ces orientations, la FMIIP a prévu, à l’horizon 2035, la réalisation par le secteur d’un chiffre d’affaires global de 80 MMDH et un accroissement du nombre des EPI pour atteindre 110 unités industrielles. Ceci représente 150.000 emplois directs et indirects avec un renforcement du budget d’investissement de recherche et développement (R&D) pour atteindre 5% du chiffre d’affaires annoncé.

De l’avis de la FMIIP, l’atteinte de ces objectifs passe par la mise en place d’un dispositif fiscal adapté visant à alléger la charge d’imposition pour encourager les activités à impact social ainsi que la recherche et développement. Elle permettra aussi de promouvoir le dynamisme de l’initiative privée et de renforcer la compétitivité des entreprises, comme préconisé dans le rapport général du NMD.

Yassine Saber