Brahim Benjelloun Touimi, Directeur Général BMCE BANK

    invite_du_moisBMCEBANKBg.jpg

     

    Infomédiaire : Quel est le but de votre participation aux Medays 2012,  et quelles sont selon vous les leviers d’accélération pour  la promotion des investissements et du commerce Sud-Sud ? Et quels sont  les secteurs les plus porteurs sur le continent africain ? 
     
     
    Brahim Benjelloun Touimi : C’est un véritable privilège de prendre part à ce forum Medays, réunissant autant de prestigieuses personnalités : des Hommes d’Etat, diplomates internationaux, Conseillers de personnalités politiques de premier plan et Ministres.
     
    Au nom du Président BENJELLOUN, nous remercions, très chaleureusement, les organisateurs de MeDays et son Président  M. Brahim FASSI FIHRI de nous avoir invités en tant que représentant d’un Groupe Financier privé marocain d’ambition régionale et, ultimement, panafricaine : le Groupe BMCE Bank.
    Le thème de l’Afrique est un  thème exceptionnel et en même temps prospectif, j’ai trouvé une très belle citation d’Antoine De Saint-Exupéry : "Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible". On trouve un aspect de volontarisme à faire  dans cette citation, et c’est ma première conviction.
     
    La seconde conviction est, en ne cédant ni à la mode des afro- pessimistes, ni à celle des ‘’afridôlatres’’ parce que l’Afrique ne pourrait être le continent du 21ème siècle seule, mais elle sera  sans doute, l’un des deux continents du 21ème siècle avec l’Asie, compte tenu du poids croissant et durable pour les décennies à venir.
     
    C’est ‘objet de la 3ème conviction, c'est-à-dire qu’on est dans un continent qu’on parle de l’Afrique, comme s’il s’agissait d’un seul pays. Il faut Parler « d’Afrique », et non pas de la situation de chacun de ses 54 pays constitutifs.  Les statistiques du PIB nous révèlent que l’Afrique toute entière, ces 54 pays, ne représentent qu’un petit peu plus de 4% du PIB mondial. Les quelques 2000 Milliards de dollars de PIB cumulé africain : c’est un petit plus que le PIB de l’Inde et un peu moins que celui du Brésil ! 
     
    Ce sont des dizaines de pays, par bien des aspects, dissemblables : insulaires, enclavés ,  ou côtiers, dotés ou non de ressources naturelles, des économies de rentes pétrolières ou minières, des pays d'Etats fragiles, de violences, ou de transition démocratique ou des démocraties apaisées.
     
     
    Dans ce contexte complexe, pour démêler l’écheveau, il faut dépasser les frontières nationales étriquées, au nom d’une volonté politique forte, associant autorités publiques garantes des intérêts nationaux et, en leur sein, les instances de gouvernance locale ? Les organismes multilatéraux ? Les institutions financières bilatérales de développement, le secteur privé, national, régional et transnational.
     
    L’heure est, paradoxalement, à l’utopie créatrice et fondatrice seule à même de susciter un volontarisme entreprenarial, économique, politique et sociétal afin de cristalliser puis réaliser une vision commune d’un développement soutenable.
     
     Un développement qui permette de relever les défis majeurs auxquels est confronté le continent Africain : une croissance qui soit inclusive pour réduire les inégalités et éradiquer la pauvreté, créer des emplois en faveur d’une population jeune impatiente et exigeante, accompagner les besoins de classes moyennes émergentes et enraciner les mœurs d’une véritable démocratie représentative, loin des extrémismes et du populisme.
     
    Les Pères  Fondateurs Africains ont eu cette vision première à Casablanca en 1961, lorsqu’ils ont conçu l'idée de  la première organisation panafricaine. L’utopie fondatrice fut ultérieurement dessinée à Abuja et à Arusha, quand il s’est agit de ‘’programmer’’ l’agrégation de Communautés Economiques Régionales parmi les huit qui se trouvent aux quatre points cardinaux de notre continent.
     
    Il s’agit, en effet, de passer de Zones de Libre Echange vers des Unions Douanières, d’Unions Douanières Régionales vers une Union Douanière continentale puis vers le Marché Commun Africain, voir vers l’Union Monétaire Africaine.
     
    Il faut  accélérer les processus d’intégration régionale.  Garder en ligne de mire pour les deux prochaines décennies,  cette utopie fondatrice, c’est encourager, au niveau des différentes régions d’Afrique, la mise en ‘’branle’’ de nouvelles forces, de nouvelles actions et initiatives d’intégration régionale.
     
    Pour réaliser tout cela, il ya trois chantiers de mon point de vue qui sont fondamentaux et c’est ma 4ème conviction : 
     
    Chantier n°1 : La priorité est aux initiatives et à la conjugaison des forces par delà des frontières africaines,  pour éliminer les déficits d’infrastructures qui se reflètent dans les Transports, les Communications, quels que soient les chiffres affriolants publiés sur la croissance des équipements en Mobile, l’énergie  et  l’eau.
     
    100 Milliards de Dollars par an sont requis à cet effet jusqu’en 2020. Cela représente, à peu de chose près, ce que l’Inde considère investir chaque année. En Chine, ce pourcentage est de 14%.
     
    – Deuxième chantier : Comment faire face à ces immenses besoins d’infrastructures si les économies ne sont pas attractives pour l’investissement intra-africain et étranger ? Ce second chantier majeur est relatif à l’amélioration de l’environnement des affaires, à la promotion de l’esprit d’entreprenariat, seul créateurs d’emplois durables.
     
    Des classifications existent à cet égard, le Doing Business Index de la Banque Mondiale qui illustre le degré de complexité et le coût des processus des régulations, que ce soit en termes de création d’entreprise, d’enregistrement de la propriété, d’octroi de permis de construire, de connexion à l’électricité, de procédures des échanges ou de fiscalité. Le Doing Business Index fait également référence à la solidité des institutions légales et judiciaires pour mettre en force les termes des contrats, la règlementation de l’insolvabilité, la qualité de l’information sur les créanciers et les débiteurs, ou le dispositif de protection des investisseurs minoritaires.
     
    L’amélioration de l’indice Doing Business devrait représenter le socle des politiques publiques nationales.
     
    – Le troisième chantier, consubstantiel aux deux précédents, est lié à l’investissement dans le Capital Humain. L’âge médian des Africains serait de 20 ans ! C’est l’âge de la digitalisation, la digitalisation de notre jeunesse, la digitalisation de l’Afrique. Quelle exceptionnelle opportunité pour les pays africains de sauter des étapes de développement, le Leap Frogging.
     
     
    Des initiatives régionales méritent d’être prises pour investir dans les Massive Open Online Courses, aux Cours Massifs en Lignes Libres. Un ‘’réseau d’alliances par le savoir’’, composé d’Universités, de Grandes Ecoles,  de Centres de Recherche, d’entreprises issus des pays du Nord – comme en Suisse, promotrice d'un pareil projet pour le monde francophone- des pays du Sud,   d’Afrique et d'ailleurs,  conjugueraient leurs moyens humains et financiers pour structurer des curricula à  contenu augmenté.
     
    Les contenus seraient augmentés grâce  à la vidéo, par les Quizz, par des exercices collectifs menés par des communautés en ligne apprenantes, correctrices, assimilant à des rythmes différentiés au sein de plusieurs aires géographiques.
     
     
    De nouvelles communautés apparaitraient de "télé-étudiants", de "télé-apprentis", de "télé-artisans"… En somme, ce serait un réseau d’intelligences avec autant de chantiers de co-construction de cours et de parcours, concernant des thématiques les plus diverses.
     
    En Afrique, il y a un pays. Se fondant sur les liens spirituels et culturels qu’il a tissés de par l’Histoire, c’est un pays qui se positionne – secteur public et secteur privé rassemblés – pour représenter un moteur – clé de cette dynamique régionale : il s’agit du Maroc.
     
    Ce pays a considéré que l’Afrique est sa nouvelle profondeur stratégique, sa ‘’nouvelle frontière de développement’’. Il se positionne à juste titre car il dispose d’une offre crédible pour d’autres pays africains, comme dans les domaines de l’électricité, de l’électronique, de l’énergie renouvelable, des nouvelles technologies d’information et de la Communication, dans le Médicament ou l’Habitat. Last But not the least : dans le secteur financier.
     
    Ce pays dispose de compétences, et peut donc représenter une plateforme de rayonnement du capital humain. Plusieurs de ses entreprises sont déjà actives en Afrique du Nord et en Afrique  Subsaharienne, dans les secteurs de la Banque et de l’Assurance, des Mines, des Télécoms, de la Construction et de l’électricité.
     
    Ma cinquième conviction est que l’intégration financière représente un accélérateur de l’intégration économique régionale. C’est tout le sens du projet : Casa Finance City, un programme qui tient à cœur à la communauté financière auquel elle contribue d’une manière décisive.
     
    Sa  mise en place, au Maroc, peut permettre d’accélérer le processus d’harmonisation des réglementations, des procédures liées à l’investissement, aux cotations d’entreprises, aux systèmes de paiement dans les pays d’Afrique Subsaharienne au service duquel il a été conçu. Il devrait permettre d’accélérer également l’inclusion financière, c'est-à-dire, l’élargissement de la bancarisation et l’inclusion de l’informel au Maroc et ailleurs en Afrique.
     
    Enfin, ma sixième et ultime conviction, est que des Groupes financiers comme celui que je représente, le Groupe BMCE Bank, est l’archétype du moteur d’intégration- entreprenariale, car il est engagé dans une démarche d’entreprenariat continental, dans le domaine de la Banque et, bientôt, de l’Assurance. D’ambition panafricaine, il est présent dans 17 pays en Afrique francophone et anglophone et, bientôt, lusophone et hispanophone.
     
     
    Ce crédo africain ne sacrifie pas à un quelconque effet de mode. Il trouve sa profondeur dans l’histoire de notre entreprise, lorsqu’il y a près d’un quart de siècle, la Banque Publique BMCE fut sollicitée par les Autorités Multilatérales de conduire le redressement d’une Banque au Mali qui, depuis, est devenue majeure dans le paysage bancaire Ouest-Africain, ou lorsqu’il y a près d’une décennie, l’actionnaire public d’une banque Congolaise a, pareillement, sollicité BMCE Bank pour la redresser et en assurer la gestion.
     
    Notre « africanité financière », c’est la foi dans les vertus d’un partenariat Maroco-africain associant, au besoin, des partenaires procédant d’Europe, d’Asie ou d’Amérique.
     
    Le Partenariat Public-Privé, xéno-afro-africain représente la clé du succès d’une accélération significative de la croissance de nos économies au nom d’un développement durable, socialement équitable et régionalement équilibré, au profit de l’ensemble des composantes de notre Continent.
     
    Infomédiaire : Comment se portent  les filiales africaines de BMCE Bank ? Quelle votre stratégie de développement  et d’implantation sur le continent africain ? 
     
     
    Brahim Benjelloun Touimi : Les filiales se portent bien et le président Othmane Benjelloun nous a  dit : ‘ Je veux être présent dans les 54 pays , même si cela peut prendre 10, 15 ou 20 ans ,  mais c’est ce que je souhaite pour mon groupe ‘’ ; il en est actionnaire et il nous a donné cette feuille de route , nous allons en fonction de nos moyens dans ce sens.  Nous planterons nos drapeaux et nous achèterons des banques dans sur toute l’Afrique, Anglophone, lusophone, francophone, hispanophone.
    Concernant nos filiales africaines, elles  représentent 35% du RNPG, nous pensons que nous devrions rester à ce niveau là, ce qui veut dire que le secteur bancaire au Maroc se porte bien aussi,  même s’il ya encore un effort à faire pour améliorer  la  bancarisation au Maroc