Mr Mohand Laenser, Ministre de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire National

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    Infomediaire :  Lors de la commémoration du centenaire de l’urbanisme au Maroc, vous avez annoncé qu’une nouvelle législation en matière d’urbanisme  devra voir le jour, en quoi va-t-elle consister ?
     
    Mohand Laenser  : Permettez-moi d’abord de rappeler que le Dahir du 16 avril 1914 relatif aux alignements, aux plans d'aménagement, à l'extension des villes et aux servitudes et taxes de voirie, avait en son temps ouvert une nouvelle ère en ce qui concerne la planification urbaine au Maroc. Ce Dahir et les textes juridiques qui se sont succédés durant un siècle, notamment la loi 12-90 relative à l’urbanisme, ont permis de façonner la structure et les formes de nos villes, et ont impacté considérablement notre mode de vie aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. Ce dispositif de planification urbaine a permis au Maroc de disposer d’une armature urbaine importante et équilibrée et d’un réseau urbain multifonctionnel basé sur des logiques de complémentarité territoriale.
     
    La révision du Dahir de 1992 sur l’urbanisme a commencé à la fin de la décennie quatre-vingt dix. Et en octobre 2005, Sa Majesté avait appelé, dans une lettre adressée aux participants au Séminaire d’ouverture des travaux du projet de Code de l’urbanisme, à une révision en profondeur de tout le système de planification hérité de la période coloniale pour accompagner les grands chantiers de développement que connaît notre pays. Suite à ces Orientations Royales un nouveau projet de code de l’urbanisme a été élaboré en 2009 comprenant plus de 400 articles. Néanmoins,  la densité du projet et la complexité du domaine n’a pas contribué  à faciliter sa compréhension et son adoption. C’est pourquoi il a été décidé d’un commun accord avec nos partenaires ministériels, de le présenter en plusieurs étapes. 
     
    Aujourd’hui, suite aux multiples mutations urbaines et à l’urbanisation importante de nos territoires, notre pays est confronté à plusieurs défis et enjeux qui requièrent de la part de tous les acteurs, des efforts considérables s’inscrivant dans une vision globalisante et innovatrice. Pour cela, il est impératif de se doter de nouveaux leviers juridico-réglementaires, institutionnels, financiers et techniques, plus adaptés aux évolutions du contexte politique, économique et social du pays.  A ce niveau, plusieurs réformes sont aujourd’hui engagées par notre département. 
     
    Un projet de loi portant sur les documents d’urbanisme a été signé et adressé au SGG, et se trouve actuellement en examen et discussion avec les partenaires concernés. Ce qui est recherché à travers ce texte c’est d’inscrire la planification urbaine dans le cadre des principes de l’urbanisme durable, de simplifier les outils de la planification urbaine et leur processus d’élaboration et d’approbation, de concevoir la fabrique des documents d’urbanisme dans un cadre de concertation élargie avec l’ensemble des acteurs et la société civile,  de mettre en place des documents d’urbanisme souples à même d’anticiper et d’accompagner les dynamiques urbaines, de prévoir des mesures de mise en œuvre des dispositions des documents d’urbanisme notamment en matière d’équipements, de permettre une évaluation continue et une révision au fur et à mesure des mutations urbaines. 
     
    Le principal  objectif de cette réforme est en effet d’opérer le passage d’un urbanisme de zonage centralisé, restrictif et contraignant à un urbanisme de projet souple, imaginatif, déconcentré et décentralisé  et qui laisse une large place aux initiatives des collectivités territoriales.
     
    D’autres réformes sont prévues pour renforcer les outils de l’urbanisme opérationnel, notamment en matière d’aménagement urbain et foncier. Il s’agit de projets de lois sur l’aménagement concerté et le remembrement urbain. 
    Toutes ces mesures législatives ont pour ambition d’asseoir un urbanisme durable susceptible de répondre aux défis et enjeux du 21ème siècle.  
     
     
    Infomediaire :  Pensez-vous que les avancées urbanistiques au Maroc sont aujourd’hui suffisantes compte tenu de la mixité et de la mobilité de la population Marocaine ? à rappeler que  le taux d’urbanisation au Maroc  est aujourd’hui de 62% et devrait atteindre 75% d’ici 2035.
     
    Mohand Laenser  : La question urbaine est aujourd'hui plus que jamais au cœur des principaux enjeux du développement au Maroc, compte tenu du fait que les défis à relever sont nombreux. Il s’agit en effet de répondre aux besoins inhérents à cette urbanisation galopante, de garantir la cohésion sociale, de renforcer l'attractivité des villes et d’assurer l’intégration de la durabilité dans l’aménagement et la planification urbaine… ; à travers notamment des démarches concertées, fondées sur la connaissance des interrelations complexes et dynamiques entre les systèmes sociaux, économiques et écologiques.
     
    Compte tenu de cette urbanisation, de la mixité et de la mobilité des populations, le Maroc a engagé durant les dernières années de nombreuses initiatives à dynamiques positives pour mieux bénéficier du rôle positif des villes comme espaces générateurs de solutions.  
     
    A ce titre, la question urbaine a été abordée dans de nombreux programmes  et stratégies de développement initiés, sous la conduite de S.M. le Roi Mohammed VI, ayant un impact urbain et social certain : Initiative Nationale de Développement Humain INDH, Stratégie Nationale de Déplacement Urbain SNDU,  Programme des Villes Nouvelles et des nouveaux pôles urbains, etc…
     
    Tous ces projets ont été menés grâce aux avancées urbanistiques en matière de planification urbaine opérationnelle, aux démarches de partenariat et de contractualisation développées et à la mise en convergence  des actions sectorielles visant le développement de villes inclusives, productives, solidaires et durables.
     
    On peut dire aujourd’hui que le réseau de villes marocaines a de nombreux atouts, mais il présente aussi des faiblesses indéniables. En effet, la taille de nos villes est encore maitrisable et notre pays a pu éviter la forte concentration des populations dans des méga cités ingouvernables comme c’est le cas dans certains pays. C’est ainsi qu’à l’exception de Casablanca qui se maintient autour de 3.5 million d’habitants, la plupart des villes marocaines ont une taille inférieure ou égale à 100 000 habitants. Et seules 12 villes ont une population qui se situe entre 100.000 et 1.000.000 habitants. En outre, nous avons un réseau urbain bien réparti sur l’ensemble du territoire national, de l’est à l’ouest et du sud au nord ; avec des villes de l’intérieur très dynamiques comme Fès, Meknès et Marrakech. 
     
    Chaque région a ses pôles urbains : l’Oriental est structuré autour du triangle  Oujda-Nador Al-Hoceima. Le Rif occidental est structuré autour du triangle Tanger-Tétouan-Larache. L’axe Kenitra-Rabat-Casablanca-El-Jadida-Safi maintient sa prééminence sur le plan économique et industriel. Mais Agadir est en train de devenir le deuxième grand pôle économique investissant à la fois dans l’agriculture, la pêche, le tourisme et l’industrie. Plus au Sud, de Tan Tan à Dakhla, un grand pôle économique est en train de se développer autour de la pêche, des phosphates et du tourisme. Le réseau des villes  oasiennes qui structurent les cinq provinces présahariennes (Er-Rachidia, Figuig, Ouarzazate, Tata et Zagora), est en train de se consolider et de se développer autour du Plan Solaire, du Tourisme, du Cinéma, de l’arganier et des dattes.
     
    Mais les défis à relever demeurent importants. Il y a d’abord à résorber l’immense déficit en équipements d’infrastructures dont souffrent certaines de nos agglomérations, car près de 20% de la population vit encore dans des quartiers d’habitat insalubre. Il faut donc intensifier nos efforts pour mettre à niveau nos villes  et les rendre plus homogènes et plus solidaires. Il faut également  résoudre le difficile problème du chômage urbain et créer chaque année plus de 250.000 emplois pour intégrer les jeunes dans l’économie urbaine. Il faut aussi apporter des réponses aux nouvelles problématiques liées à la préservation de l’environnement et au changement climatique. Il faut enfin mettre à profit les nouvelles technologies de l’information pour améliorer la gouvernance urbaine et promouvoir des villes intelligentes.
     
     
    Infomediaire :  Sa majesté le Roi Mohamed 6 a lancé  un plan d’aménagement très ambitieux pour la région du Grand Casablanca, et ce pour une enveloppe budgétaire de 33,6 milliards de dirhams, pouvez vous nous donner une idée sur les chantiers majeurs prévus à cet effet pour la période 2015-2020?
     
    Mohand Laenser :   Permettez-moi d’abord de vous faire remarquer que ce qui a été signé, n’est pas un plan d’aménagement c’est plutôt un plan de développement stratégique pour la région du Grand Casablanca, qui vise avant tout à résoudre la problématique lancinante du transport urbain au niveau de la capitale économique. D’ailleurs, plus de 80% des investissements prévus seront consacrés à l’extension des lignes du Tramway et à la rénovation de la voirie urbaine ;  ce qui bien sûr aura des incidences positives sur l’organisation et le fonctionnement urbain de cette métropole et contribuera à améliorer la vie quotidienne des casablancais.