Youssef Iben Mansour , Président de Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers (FNPI)

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    Infomediaire : Que pensez-vous du projet de Loi de Finance 2013 (PLF 2013) ?
     
    Youssef Iben Mansour : Tout d’abord, Il y a lieu de rappeler que l’actuel projet de Loi de finances 2013 a été élaboré dans un contexte national et international particuliers. Au niveau national, il s’agit de la première Loi de finances préparée dans le cadre de la nouvelle constitution, par une nouvelle équipe gouvernementale fraichement élue et dans un climat où les attentes socio-économiques sont très importantes. 
     
    Quant au niveau international, il s’agit du contexte européen difficile, où les économies des principaux partenaires économiques du Maroc sont en récession, entrainant un recul de la demande envers le Royaume, en plus le renchérissement des principales matières premières à l’échelle internationale, notamment le pétrole, les produits agricoles (céréales…) pénalisent lourdement les réserves de change ayant comme conséquence une baisse du stock des devises. Comme vous le savez, le Maroc est dans une situation, depuis un moment,  où nous importons en valeur deux fois plus que ce que nous exportons.  
     
    Ce contexte particulièrement difficile est à l’origine de la rupture de l’ensemble des agrégats économiques après une période de croissance. Nous constatons en effet que les principaux clignotants ont viré au rouge. Malgré ces contraintes, le Gouvernement a programmé un volume d’investissement public important (180 MMDH), afin de dégager un niveau de croissance de l’économie de 4,5 tel que prévu dans le projet de Loi de Finances. 
     
    Cette nouvelle Loi de finances a donc pour ambition de retrouver l’équilibre de ces agrégats économiques. Ceci passe par la réduction de la cadence des dépenses publiques, l’amélioration des recettes fiscales de l’Etat et également la réduction du déficit de la balance des paiements. Ces paramètres rendent l’équation particulièrement difficile…
     
    Par rapport au secteur de l’immobilier au Maroc, nous pouvons dire que le projet de loi de finances 2013 dans sa première mouture, a apporté son lot de dispositions fiscales, parmi celles-ci, des changements au niveau de trois taxes ont attiré notre attention, et peuvent avoir des conséquences négatives sur l’investissement immobilier et plus particulièrement sa composante qui est celle de la disponibilité ou non du foncier.
     
    Il s’agit notamment du relèvement du taux d’impôt sur les profits immobiliers et fonciers (après 5 années de possession) et qui passe de 20% à 30% (soit une augmentation de 50%). En plus, le taux d’imposition de distribution de dividendes et produits assimilés (TPA) qui passe quant à lui de 10% à 15% (soit une augmentation de 50%).  Enfin, le troisième exemple et non des moindres concerne l’harmonisation du mode de détermination du prix d’acquisition à considérer en cas de cession d’immeubles acquis par héritage par rapport à celui acquis par donation. Dans l’ancienne disposition, où l’acte de mise à jour intervenait à l’occasion d’un événement malheureux (décès), la valeur vénale ne subissait pas de taxation. Ce qui  n‘est pas le cas aujourd’hui, l’article 65 du projet de loi remet en cause cette ancienne disponibilité qui existait et apporte un véritable changement par rapport à une question fondamentale de succession. Ces trois importantes dispositions risquent de perturber sérieusement sinon d’arrêter les transactions foncières dans un contexte difficile. Il aurait été préférable, par ailleurs,  de débattre de tous ces points lors des assises de la fiscalité prévues dans quelques semaines, afin de pouvoir mieux les élaborer et en mesurer les conséquences. 
     
     
     
    Infomediaire : Quelles sont vos perspectives pour le secteur de l’immobilier au Maroc et quel bilan faites vous de l’année 2012?
     
    Youssef Iben Mansour : 2011 s’est achevée sur un total de production du secteur privé de 120 000 unités dont 40 000 unités de logements sociaux. 2012 finira sur le même rythme et 2013 sera une continuité de l’année en cours.
     
    Nous avons toutefois observé une baisse d’activité dans plusieurs villes du Maroc, caractérisée par une baisse de transactions, de mises en chantiers et de production, et plus particulièrement dans le segment du haut standing. 
     
    Sur l’axe El Jadida-Kénitra, nous constatons un maintien du niveau d’activité, par ailleurs sur les autres villes, un recul s’est fait ressentir.
     
    Comme vous le savez, le secteur du BTP à travers sa dimension « logement » est un acteur clé de l’économie domestique nationale. C’est pour cela que nous espérons re-booster la demande interne par la mise en place du nouveau produit de logement dédié spécialement à classe moyenne et qui va sans doute répondre à une demande importante non satisfaite à ce jour.
     
    Enfin, nos perspectives pour l’année 2013 sont plutôt positives. Nous espérons que cette année sera marquée par l’achèvement des documents d’urbanisme, comme annoncé précédemment, la mobilisation du foncier urbanisable, l’amélioration du climat des affaires et la poursuite de la réforme du cadre juridique lié au secteur, autant de doléances que nous ne cessons d’exprimer depuis longtemps. 
     
    Infomediaire : Comment voyez-vous l’avenir du logement social et le logement pour la classe moyenne au Maroc ?

     
    Youssef Iben Mansour : Au niveau du logement social, plus de 500 conventions ont été signées par plus de 400 promoteurs immobiliers engagés dans la réalisation de plus de 950 000 unités de logements sociaux. 
     
    Le nombre d’opérateurs engagés dans ce programme, répartis entre petits, moyens et grands, garantit une activité soutenue pour les années à venir et nous rassure quant à l’atteinte des objectifs du gouvernement fixés à 300 000 unités à produire à l’horizon 2016.
     
    L’étude que nous avons commandée sur la dépense fiscale et le logement social, a démontré les effets positifs du modèle adopté par le Gouvernement marocain où tout intervenant, à savoir l’Etat, les acquéreurs et les investisseurs, en ressort gagnant.  
     
    Concernant le produit dédié à la classe moyenne, il est indéniable que cette catégorie de la population est le socle de l'édifice social et la base de sa stabilité. Le développement et la consolidation de la  classe moyenne  est l’une des priorités majeures des pouvoirs publics. Le discours de Sa Majesté le Roi à l'occasion de la Fête du Trône du 30 juillet 2008 a mis l’accent sur la nécessité d’élargir et d’améliorer les conditions de vie de la classe moyenne par des politiques publiques ciblées. Ceci passe nécessairement par la mise en place d’une politique de logement dédiée.
     
    La classe moyenne représente aujourd’hui plus de 50% de la population totale avec un revenu variant entre  2800dh  et 8500 DH, sachant que cette catégorie sociale n’est pas suffisamment définie. Cette proportion  est appelée à s’élargir grâce à l’amélioration des conditions de vie des ménages à faible revenu. 
     
    Cette tranche de la population ne trouve pas actuellement de logement adapté à ses besoins socio-économiques. Elle se sent ainsi exclue du marché de l’immobilier et se rabat dans la plupart des cas sur le logement social, réservé quant à lui, à une autre cible bien définie. 
     
    Sachant que le besoin annuel en logement pour la classe moyenne est estimé à 20 000 unités par an, il est urgent de mettre en place les mesures à même de combler ce déficit et répondre à la nouvelle demande du marché.
     
    D’un autre côté, les pouvoirs publics doivent réfléchir aux mécanismes capables d’attirer les investisseurs vers ce nouveau produit, à l’instar des efforts déployés pour dynamiser le logement social et qui ont abouti aux résultats que nous connaissons aujourd’hui. Parmi les solutions proposées, il y a lieu de mobiliser le foncier public, améliorer les normes d’urbanisme (le coefficient d’occupation du sol…), adopter de nouvelles mesures urbanistiques et réfléchir à une fiscalité encourageante…  
     
    Infomediaire : Quels seront les grands défis de la Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers et quel  rôle peut jouer  la FNPI  afin d’accompagner les prometteurs immobiliers dans leur développement ? 
     
    Youssef Iben Mansour : Depuis sa création la FNPI milite pour la défense des intérêts du secteur et de ses membres en particulier. Notre principal objectif est de poursuivre la professionnalisation du secteur de l’immobilier au Maroc et l’accompagnement des pouvoirs publics dans la politique de l’habitat. 
     
    Nous nous fixons comme défi majeur, l’amélioration continue de l’image de marque du promoteur immobilier au Maroc et nous militons pour un certain nombre de valeurs dont l’éthique et transparence.
     
    Infomediaire : Que pouvez-vous nous dire sur le nouveau produit destiné à la classe moyenne prévu dans le projet de la loi de finances 2013 ?
     
    Youssef Iben Mansour : A la lecture des dispositions contenues dans le projet de loi de finances 2013, celles-ci ne correspondent pas aux attentes de la profession et nous craignons que ce produit, en l’absence de mesures concrètes qui ne tiennent pas compte des propositions de la FNPI et des réalités du terrain, ne puisse susciter l’intérêt des investisseurs et des promoteurs immobiliers.
     
    Nous espérons voir divers amendements retenus au niveau des deux Chambres pour pouvoir susciter l’engouement pour ce produit à l’instar du logement social.
     
    Infomediaire : Quel est la nature de votre relation  avec le ministère de l’habitat et le gouvernement ?
     
    Youssef Iben Mansour : La FNPI constitue le principal partenaire du Ministère de l’Habitat dans le développement de la politique du logement au niveau national. Nous sommes attentifs aux préoccupations du Gouvernement et restons à l’écoute en vue de contribuer de manière responsable et constructive à l’atteinte des objectifs tracés dans la déclaration gouvernementale.