Un rapport sur les « Statistiques de la migration de main d’œuvre dans les pays de l’Union du Maghreb Arabe » a été présenté, mercredi à Rabat, dans le cadre d’une étude visant à combler le manque de données exhaustives en la matière bien nécessaires à la conception et à la mise en œuvre de stratégies et politiques migratoires.

Élaboré par le Secrétariat général de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), en collaboration avec la Commission de l’Union africaine, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et Statistics Sweden, ce rapport est le résultat de la première phase de cette étude qui se veut une référence objective et fiable sur les sources d’information disponibles au sein des pays de la région, avant d’entamer une deuxième phase d’ordre analytique. Il représente en effet un point de départ pour comprendre les avantages et les limites des sources existantes et explorer les pistes possibles de collaboration entre les différents pays de la région pour une production continue et harmonisée de données de qualité sur la migration de main d’œuvre.

En effet, et à l’image de son importance universelle, le phénomène de la migration internationale suscite un intérêt particulier dans les programmes et priorités du Secrétariat général de l’UMA, notamment en raison de la situation géographique, politique, économique, sociale et climatique de la région, a affirmé Basma Soudani, directrice de Cabinet, des Affaires politiques et de l’Information de l’UMA, lors de la cérémonie de lancement de ce premier rapport en présence des représentants des pays membres et d’organisations internationales concernées par la question de la migration.

Cet intérêt est motivé entre autres par la croissance du nombre de migrants maghrébins dans le monde, qui est passé de 5 millions en 2010 à plus de 6 millions en 2020, constituant 2,3 % du total des migrants au niveau mondial et 6,4 % de la population migrante sur le continent européen, a-t-elle expliqué, précisant que la part des migrants maghrébins parmi la population migrante en Europe (6,4 %) en 2020 est concentrée surtout au niveau de la France (37,1 %), l’Espagne (12,6 %), l’Italie (9,7 %) et la Belgique (13,6 %).

Un rapport premier de son genre

Soulignant l’importance des politiques migratoires dans la promotion et l’orientation des stratégies maghrébines destinées à maîtriser ce phénomène et profiter des vastes opportunités de développement qu’il représente, Soudani a fait part de l’intérêt d’élargir les champs d’intervention pour couvrir des volets migratoires tels que les déplacements forcés, la migration des réfugiés, la migration et genre et les transferts de fonds.

La directrice du Bureau de l’OIT pour les pays du Maghreb Arabe, Rania Bikhazi, s’est félicitée de ce premier rapport du genre dans la région de l’Afrique du Nord ayant démarré dans un contexte marqué par la pandémie du Covid-19, relevant que l’amélioration des statistiques autour de la migration sur la base de données fiables est une condition sine qua non pour une meilleure élaboration et évaluation des politiques publiques.

Elle a, à ce titre, avancé que l’OIT, en coordination étroite avec le système des Nations Unies, se doit d’appuyer les approches scientifiques et rationnelles dans le traitement de la question migratoire, dans un contexte mondial où ce phénomène fait souvent l’objet, de manière intentionnelle ou non, d’un ensemble de préjugés et de malentendus en raison d’une méconnaissance des véritables données ou d’idéologies racistes et discours de haine.

D’après Jean-Pierre Ntezimana, conseiller en chef à Statistics Sweden, l’institut national statistique suédois, les statistiques ne sont pas seulement un aspect périphérique du développement, elles sont au cœur même de la mise en œuvre des programmes de développement nationaux, régionaux et continentaux. « À l’ère de l’Agenda 2030 pour les ODD, on ne saurait surestimer la nécessité de disposer de statistiques précises, actualisées et comparables, particulièrement dans le contexte de l’intégration continentale et régionale », a-t-il dit.

Il a expliqué que ce rapport répond non seulement au besoin de statistiques fiables et comparables dans la région du Maghreb, mais constitue aussi un précédent exemplaire pour d’autres régions d’Afrique.

L’investissement reste primordial

Pour la directrice de l’Observatoire africain des migrations, Namira Negm, le traitement du phénomène de la migration requiert d’investir dans le développement des pays africains, de favoriser l’échange d’expériences pour offrir une vie décente au citoyen africain et de réaliser des rapports tels que le présent rapport sur la migration de main d’œuvre dans la région de l’UMA, située à la croisée des flux nord-sud.

La meilleure solution n’est pas d’ordre sécuritaire, mais il s’agit de lancer des projets pour se doter de statistiques précises sur la migration transfrontalière, d’organiser la migration de main d’œuvre et d’investir dans les pays émetteurs en particulier ceux d’Afrique du Nord, y compris la région du Maghreb arabe, pour à la fois prévenir l’instabilité et garantir la protection des migrants, a-t-elle préconisé.

Afin de recenser les sources de données pertinentes, collecter, évaluer et exploiter les données auprès des points focaux sur la migration internationale et la migration de la main d’œuvre, en particulier dans les pays du Maghreb, le questionnaire ILMS (International Labour Migration Statistics) a été adressé aux cinq pays de la région. Par la suite, étant donné l’expansion de la pandémie, des entretiens à distance ont eu lieu avec les points focaux afin de discuter la disponibilité des données ainsi que leurs limites et explorer d’autres sources de données sur la migration internationale, en particulier, la migration de la main d’œuvre dans chacun de ces pays.

Les réponses ainsi collectées sont issues, essentiellement, des derniers recensements, des enquêtes nationales sur l’emploi des enquêtes spécifiques sur la migration internationale, des statistiques portant sur les Tunisiens résidant à l’étranger et les Marocains résidant à l’étranger, produites par les directions des ministères des Affaires étrangères et auxquelles des ajustements ont été apportés. Quant aux sources additionnelles telles que les sources internationales, les estimations produites sur les migrants et les travailleurs migrants internationaux se basent, essentiellement, sur des données produites par les structures nationales du pays, notamment les instituts des statistiques.