La gestion des urgences médicales au Maroc est une question qui nécessite une mobilisation importante de la part des autorités compétentes et des acteurs de la Santé. Le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) dresse l’état des lieux, sur l’une des questions vitales de la réforme du système de la Santé national.

La gestion optimale des urgences médicales au Maroc est encore loin d’avoir atteint sa vitesse de croisière. Ahmed Reda Shami, président du CESE, a indiqué que la situation est alarmante au sein du royaume, dans la mesure où l’on constate un manque important au niveau matériel et humain. « Le Maroc est encore loin des attentes et des besoins dans sa politique de gestion des urgences. Nous ne comptons que 29 urgentistes depuis 20 ans, ce n’est pas suffisant. Il faut être capables de gérer différentes urgences. D’ailleurs, qu’est-ce que le on peut qualifier d’urgences ou non ? », a indiqué le président du CESE.

Une question qui traduit un manque d’informations du côté des citoyens, surtout que les services d’urgences se retrouvent bondés avec des cas dont la gravité n’est pas certainement inquiétante. Mais difficile de convaincre quelqu’un qui fait une autoévaluation, et considère de ce fait son cas prioritaire par rapport à d’autres. Ahmed Reda Shami a indiqué, que selon le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb : « 80 % des citoyens se dirigent vers les urgences, même s’il n’y a pas besoin ». Il est donc impératif d’avoir un personnel capable de trier l’urgence des cas dans les services, afin de diriger les patients vers les médecins adaptés à leurs besoins, et de fluidifier l’action à ce niveau.

C’est là qu’intervient le besoin de bien former le personnel au niveau du SAMU, qui souffre déjà d’un manque important de capital humain. « Les services sont gérés par des personnes qui ne sont pas forcément formées en ce sens. De plus, le manque d’informations pour les citoyens sur les défibrillateurs et autres premiers soins est une chose que l’on doit rectifier », explique le président du CESE, indiquant qu’un travail doit être fait en étroite collaboration entre les différents acteurs impliqués à ce niveau.

Un service en besoin de secours

Retards de plus de 3h, équipements qui ne répondent pas aux standards, personnel non qualifié, etc. Ce n’est là que la partie visible de l’iceberg, surtout si l’on se réfère aux données d’un sondage réalisé par le CESE, concernant la perception des Marocains sur la qualité des services de soins d’urgences. Il s’est avéré que 82 % des participants ont exprimé leur mécontentement en ce sens, mettant le point sur des problèmes liés à la corruption et la discrimination pour l’accès aux soins.

88 % des sondés indiquent avoir utilisé un véhicule personnel pour se rendre aux urgences, alors que 22 % passent par le privé. 78 % des répondants ont indiqué que les véhicules d’urgences du public ne sont pas équipés au niveau matériel.

En ce qui concerne la vitesse de traitement des cas dans les services d’urgences, 12 % des sondés indiquent avoir été traités instantanément, alors que 50 % en moins d’une demie heure.

« Cet échantillon, bien qu’il ne soit pas représentatif du Maroc, nous permet toutefois d’avoir une idée sur la situation des soins d’urgences au sein du royaume », indique le président du CESE.

De son côté, Jawad Shuaib, président de la Commission permanente des questions sociales et de la solidarité, avance que : « le bilan que nous avons pu faire est préoccupant. Le SAMU a des capacités humaines limitées. Les gens du SAMU doivent être mieux formés et informés pour gérer les requêtes. L’urgence n’est pas toujours une fatalité. En l’absence d’une médecine préventive, l’on ne peut pas gérer tous les cas. Tout le monde se retrouve aux urgences, car tous les citoyens pensent qu’ils sont urgents, ce qui pose un réel problème. C’est ce qui résulte dans des temps d’attentes importantes, des violences (physiques et verbales) vis-à-vis des soignants, qui sont déjà débordés dans les services d’urgences. Travailler dans ces conditions n’est pas évident. Il faut valoriser les ressources humaines dans ces services, pas matériellement seulement, mais avec des formations et un bon encadrement ».

La mobilisation est plus qu’urgente pour la Santé

Même en partant d’une bonne volonté, l’on se retrouve facilement dépassé, surtout que l’accès aux soins reste assez concentré dans les grandes villes pour le moment. Jawad Shuaib explique que les éléments de la Protection civile sont débordés, ce qui limite leur champ d’action à travers le pays. « La Protection civile fait ce qu’elle peut. Entre limitations géographiques, encombrement dans les villes, l’absence de voies d’urgences ou l’incivisme de la part de certains citoyens, la Protection fait de son mieux pour assurer sa mission », avance-t-il.

Par ailleurs, l’on ne peut pas s’attendre à une amélioration du service, sans prendre en considération un aspect important de la chose, notamment le capital humain. « Quand on donne à quelqu’un 100dh par jour, cela n’est pas motivant. Cela en dit beaucoup sur ce qu’on pense du personnel médical. Il y a un vrai problème vis-à-vis des soignants », indique Shuaib. Et de rajouter qu’en plus de la motivation financière, le personnel opère dans des conditions assez pesantes sur son bien-être, notamment des agressions physiques et verbales dans les services d’urgences et les établissements de soins à travers le pays.

Maintenant, il s’agit globalement de trouver des solutions au niveau de l’organisation territoriale, notamment la réduction des disparités entre les grandes villes et les zones rurales. Il faut qu’il y ait une complémentarité entre le privé et le public, chose qui n’existe pas actuellement, d’après Shuaib.

L’amélioration des services de soins d’urgences est donc liée à la mobilisation de l’État et des acteurs concernés, à travers l’appui du SAMU et du SMUR. Il est impératif de rompre avec les stratégies datant des années 70. L’intégration et l’amélioration des services digitaux liés aux urgences sont l’une des pistes dans lesquelles il faut investir. Rajouter à cela la modernisation des protocoles existants et l’équipement des services d’urgences avec le matériel et le personnel nécessaires.