Comment les économies africaines peuvent-elles relancer leur croissance ? Le cabinet McKinsey s’est penché sur cette question dans une récente étude et a tracé, à ce titre, les leviers à même de permettre au continent de relever ce défi.

D’après ladite étude, donc, cette relance passera par l’amélioration de la productivité via une transition numérique accélérée, une valorisation des compétences locales, une collaboration inter-régionale accrue, des investissements dans l’urbanisation et une promotion des entrepreneurs locaux.

Dans ce cadre, l’étude examine minutieusement la performance économique de chaque pays africain ainsi que celle les secteurs économiques clés. Elle met en évidence les succès enregistrés par certains pays du continent tout en identifiant les nombreux obstacles à la croissance et en proposant diverses solutions capables de permettre à l’Afrique d’exploiter pleinement sa grande diversité et de relancer sa croissance, et ce après une décennie entière de ralentissement.

Les auteurs de cette recherche intitulée « Réimaginer la croissance économique en Afrique: transformer la diversité en opportunités » soulignent, par ailleurs, que les cinq plus grandes économies de l’Afrique (Maroc, Égypte, Algérie, Nigeria et Afrique du Sud), ont enregistré une « croissance consolidée plus lente que le reste du continent, rendant ainsi plus difficile l’amélioration des conditions de vie pour 400 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté en Afrique ».

Parmi les principaux constats relevés: ces cinq principales économies africaines ont engendré à elles seules près des trois quarts du PIB de l’Afrique en 2019. Malgré un début de décennie marqué par une hausse significative des investissements et des exportations, leur croissance ultérieure a rapidement été freinée par de nombreux facteurs.

Pour ce qui est du Maroc, l’étude le classe parmi 13 pays africains regroupés sous l’appellation « ralentissements récents », à savoir, ces économies qui constituent plus de la moitié des exportations de matières premières du continent, et qui ont affiché une croissance économique supérieure à la moyenne continentale durant la première décennie du nouveau millénaire, mais dont la croissance s’est essoufflée entre 2010 et 2019. L’Algérie, quant à elle, est considérée par l’étude comme étant un pays à «croissance lente», avec une économie qui croit faiblement depuis 2000.

Toutefois, cette tendance au ralentissement n’est pas représentative de l’ensemble du continent.

D’un autre côté, l’étude réalisée par McKinsey insiste sur la pluralité africaine et met en lumière que près de la moitié de la population du continent réside dans des pays ayant connu une croissance économique soutenue ces vingt dernières décennies. Ces économies, en majorité de taille moyenne et situées en Afrique de l’Est et de l’Ouest, ont enregistré en moyenne une croissance annuelle du PIB de plus de 4 %.

Selon Mehdi Lahrichi, directeur associé du bureau de McKinsey à Casablanca : « il n’y a pas « une seule Afrique« , car les niveaux de progrès économique, de croissance démographique, de taux d’urbanisation et de productivité diffèrent considérablement à travers le continent. Ainsi, alors que des pays comme le Maroc, l’Égypte et la Tunisie ont atteint une électrification urbaine quasi-totale, une centaine de millions de citadins africains restent privés d’électricité ».

L’augmentation de la productivité, un défi crucial

En dépit de nombre de contraintes, le continent est considéré par McKinsey comme un marché émergent prometteur, appelé à prospérer de manière exponentielle dans les années à venir. Cet optimisme est notamment nourri par la transformation structurelle vers les services qu’a connue l’économie africaine ces deux dernières décennies est l’une des grandes tendances qui suscitent cet optimisme. »L’emploi dans le secteur des services a grimpé de 30 à 39 % durant cette période et on s’attend à ce que le secteur accueille presque la moitié des nouveaux venus sur le marché du travail d’ici 2030″, rappellent les auteurs du rapport.

Néanmoins, les opportunités possibles par le biais des services, tant pour la stimulation de la production économique que pour la création d’emplois, ne sont concrètes que si la a productivité du secteur s’accroît, estime McKinsey. Des mesures ciblées visant à améliorer la productivité dans les services incluent l’augmentation de la numérisation et le développement des compétences. L’étude a révélé qu’en atteignant le même taux de croissance de la productivité que les principaux centres de services en Asie, l’Afrique pourrait ajouter 1 400 milliards de dollars à l’économie du continent d’ici 2030, permettant ainsi de créer 225 millions d’emplois, un enjeu crucial au vu de la croissance rapide de la population active africaine.

D’autres possibilités pour une croissance basée sur la productivité résident dans l’augmentation de la production domestique et des exportations pour satisfaire une demande locale en forte croissance, le renforcement des liens régionaux, des investissements visant à améliorer la productivité des ressources pour soutenir la transition énergétique mondiale et l’amélioration de la productivité de l’agriculture. L’agriculture, qui assure près de la moitié des emplois en Afrique et est vitale pour la sécurité alimentaire du continent, doit donc augmenter sa productivité, particulièrement face aux défis croissants du changement climatique et de l’urbanisation rapide.

« Alors que des pays comme le Maroc, l’Éthiopie et le Rwanda ont réussi à stimuler rapidement leur production agricole, d’autres nations africaines demeurent à la traîne en termes de productivité. Nos analyses indiquent que si les pays africains parvenaient à égaler la croissance de la productivité de l’agriculture indienne entre 1980 et 1990, ils pourraient collectivement ajouter 200 milliards de dollars à leurs économies d’ici 2030, soit 40 milliards de dollars de plus que ce qui est prévu aux niveaux de productivité actuels. Les retombées sur la production et la sécurité alimentaires pourraient être significatives », souligne Mehdi Lahrichi, directeur associé du bureau McKinsey à Casablanca et directeur associé de McKinsey au Maroc.