Le président de l’Institut Amadeus, Brahim Fassi Fihri, a affirmé que le rôle clé du déconfinement progressif sera de préserver et, idéalement, de consolider les acquis de l’étape actuelle du confinement général strict, soulignant que la stratégie de déconfinement du Royaume sera initiée de manière « réaliste et responsable ».

Dans une tribune publiée mardi sous le titre « Soubassements de la modélisation du déconfinement par paliers proposée par l’Institut Amadeus », M. Fassi Fihri indique que le processus de déconfinement est un long chemin graduel et semé d’embûches, dont le principe directeur sera de veiller, sur un même pied d’égalité, à répondre à l’urgence socio-économique, tout en préservant efficacement la santé des citoyens, qui a été érigée par le Roi Mohammed VI en valeur sacrée de la Nation.

La date précise de l’entame du processus du déconfinement sera fixée, en responsabilité, par les autorités publiques, sur la base d’un recul avéré et consolidé de la propagation de l’épidémie sur l’ensemble du territoire national, a-t-il ajouté, faisant observer que c’est à partir de cette date que les quatre grandes phases successives théoriques, pleinement intégrées dans le dispositif d’état d’urgence sanitaire, ont été imaginées dans l’étude de l’Institut Amadeus, dont les échéances dépendent de paramètres sanitaires, mais aussi épidémiologiques, et dont la durée ne saurait être arrêtée avec certitude.

En fait, selon Fassi Fihri, la durée d’une phase particulière exigeait, en principe et en théorie, un minimum de deux à trois semaines (avant le passage à une nouvelle étape d’assouplissement supplémentaire des restrictions), en raison de l’impératif d’évaluation de son bilan sanitaire, qui ne peut être rendu possible qu’au terme du délai minimal communément admis de contamination, d’incubation, puis de potentielle aggravation de la maladie.

Sur la base de l’actualisation de la situation épidémiologique au niveau national, mais également des benchmarks internationaux, puis du suivi des expériences étrangères de déconfinement, et en accord avec les récentes déclarations des membres du Gouvernement marocain interpellés sur le sujet, le Président de l’Institut Amadeus affirme que « les perspectives d’un retour rapide et généralisé à +la vie normale d’avant+ demeurent très éloignées, tant, nous l’avons vu, la chaîne de transmission du virus n’est pas brisée, de même que la pression sur les capacités sanitaires et hospitalières n’est toujours pas atténuée, en dépit du faible ratio de lits en réanimation utilisés ».

Fassi Fihri relève, à ce propos, que le processus de déconfinement « efficace et responsable », ne saurait être que synonyme d’évolution graduelle d’allègement progressif des restrictions, à la fois dans le temps et dans l’espace, notant que ce processus « ne pourrait être linéaire, mais devrait, plutôt, évoluer par paliers successifs, élargissant ainsi, phase après phase, consolidation après consolidation, le spectre des activités professionnelles, éducatives et de loisirs, ainsi que le prisme des déplacements territoriaux, en fonction des risques et des degrés respectifs de contagiosité ».

Face aux risques réels de rebond de l’épidémie et de potentielle « deuxième vague », la prudence, la vigilance, l’anticipation et le suivi rigoureux sont donc indispensables, a estimé M. Fassi Fihri, mettant l’accent sur la nécessité de « garder les yeux rivés, en tout temps, tout au long du cheminement de confinement dégressif, sur la « boussole » sanitaire et ses différents indicateurs (R-0, taux de létalité, capacités hospitalières, ratio nombre de contaminations/nombre d’habitants dans les différentes régions, mais aussi la capacité de dépistage).

Par ailleurs, la réussite du déconfinement progressif « packagé », par strates et par phases, « dépend essentiellement du sens de responsabilité de tout un chacun », écrit M. Fassi Fihri qui ajoute que ce processus de déconfinement se doit d’être à la fois pragmatique, empirique, conditionné, réversible et accompagné de l’obligation du strict respect des règles de distanciation sociale et des gestes barrières, en particulier du port du masque obligatoire à l’extérieur et dans les espaces publics.

Compte tenu de l’impératif socio-économique, le déconfinement graduel devrait alors être modulé selon les secteurs d’activités, à commencer par la production et la distribution des biens et des services – des plus essentiels, aujourd’hui assurés, aux plus courants, aujourd’hui à l’arrêt – mais aussi à travers la reprise des chantiers de BTP et de projets d’infrastructures, puis par l’élargissement progressif aux activités commerciales et aux transports publics, avant de couvrir les activités de loisirs et d’opérer, enfin, un retour complet à la normale, lorsque la situation sanitaire ou la solution médicale, voire l’immunisation de la population, le permettront, lit-on dans cette tribune.

Le Président de l’Institut Amadeus n’a pas manqué, à ce sujet, de souligner que le déconfinement progressif est naturellement bidimensionnel, puisqu’il doit se conjuguer simultanément sur le plan spatial et sur le plan sectoriel.

« Si la relance des activités socio-économiques est indispensable, l’élargissement, par phase, des espaces autorisés de circulation des citoyens est tout aussi impératif, puisque la liberté de circulation, au-delà de sa valeur symbolique dans la cité, même regagnée progressivement, est, bien entendu, fondamentale sur le plan sociétale, socio-économique et psychologique », a-t-il dit.

Mettant en exergue l’urgence d’entamer un processus de redémarrage, maitrisé et contrôlé, de l’activité économique affectée par la crise sanitaire, Brahim Fassi Fihri a indiqué que le « reboot » de l’économie nationale impose à l’Etat l’obligation d’accepter d’avoir recours à l’endettement massif et à admettre pleinement la réduction durable des recettes fiscales.

« Il est, dès-lors, essentiel d’injecter massivement des liquidités dans l’économie nationale, notamment à travers l’appui aux PME-PMI, et de démultiplier la commande publique, tout en fixant une limite acceptable d’endettement, sans pour autant sombrer dans l’austérité à outrance ou dans l’orthodoxie budgétaire la plus extrême, pour préserver la solvabilité du Royaume », a assuré Fassi Fihri.

Et d’ajouter que le Maroc «devra profondément repenser sa politique industrielle dans le but d’assurer pleinement sa souveraineté productive, en matérialisant l’émergence progressive de solutions d’indépendance dans l’interdépendance» et ce, en promouvant l’Investissement Direct National (IDN), à travers une batterie d’ «incentives» fiscales, foncières, sociales et financières, proposées aux investisseurs nationaux.

Tout aussi essentiel, le Maroc devra, selon Fassi Fihri, entamer «un processus de révision et de renégociation des ALE, ou, à défaut, activer durablement les clauses de sauvegarde contenues dans ces accords, afin de protéger dans la durée ces investissements industriels, créateurs de richesse nationale et d’emplois pérennes».

Le président de l’Institut Amadeus propose aussi la mise en place, dans les meilleurs délais, de deux outils indispensables et nécessaires à la relance économique, à savoir la création d’une Banque Publique d’Investissement à vocation régionale, qui permettrait la mise en place d’instruments innovants de financement de l’économie au service notamment de la PME et de la TPME, et l’opérationnalisation et la généralisation du Registre Social Unique – dont la modélisation a été largement simplifiée par la «data» collectée à travers l’assistance financière mensuelle apportée par le Fonds Covid-19 aux ménages en perte de revenus – qui vise à assurer l’efficacité et la traçabilité des aides financières généralisées ainsi que de l’universalisation des prestations sociales.