Annoncée en grande pompe, la réforme du baccalauréat, monument national et clé de voûte du système d’enseignement français, a été chamboulée de fond en comble par l’épidémie de Coronavirus et les mesures de confinement décrétées par le gouvernement en vue de la contenir.
Déjà sous le feu des critiques des syndicats d’enseignants et des associations de parents d’élèves, qui dénoncent une réforme imposée et mal-préparée, la réforme du Bac renferme encore beaucoup d’inconnues et semble compromise du moins cette année, en raison d’un contexte inédit.
La réforme avait démarré sur les chapeaux de roue durant l’actuelle année scolaire avec des mouvements de grogne et de protestations contre les fameux « E3C », ces « épreuves communes de contrôle continu », organisées pour la première fois en classe de première.
Pourtant l’objectif du ministre de l’Education nationale, Jean Michel Blanquer, qui porte cette réforme, était louable, tant la réforme du Bac, devenu à la fois un monstre d’organisation, coûteux et chronophage, et une porte d’entrée inadaptée aux études supérieures, est devenue hyper nécessaire.
Disparition des filières, mise en œuvre des choix de spécialités, réduction des disparités territoriales, allègement et adaptation de l’épreuve aux exigences de la poursuite des études, tout en maintenant le rite de passage consacré par des épreuves exigeantes, tels étaient les voeux du gouvernement avant qu’une épidémie mondiale aussi abrupte que rapide ne vienne remettre en cause un chantier titanesque qui avait mal démarré.
Bien avant le Covid-19, et alors que la réforme semblait avancer cahin-caha, l’Inspection générale de l’Éducation nationale, une institution qui dépend pourtant du ministère, s’est fendue d’un rapport très critique envers la réforme, épinglant tout particulièrement la complexité du nouveau baccalauréat ainsi que les épreuves communes de contrôle continu dont la première session avait été émaillée de blocages.
Selon l’inspection générale, si parents et élèves apprécient le principe du contrôle continu qui prend en compte le travail régulier, les E3C sont vécues comme « un élément de complexité excessive, qui mettent les élèves constamment sous la pression de l’évaluation».
Du côté des proviseurs, ces derniers avouent avoir l’impression d’organiser en continu des examens. Ils dénoncent eux aussi la complexité du nouveau bac qui génère pour l’institution un surcoût énorme pour un rendement faible, toujours selon l’inspection générale de l’Education nationale.
Cette réforme va par la suite être chamboulée par la crise sanitaire qui imposera une fermeture inédite de l’ensemble des établissements scolaires en France durant plusieurs semaines, avec maintien toutefois d’un enseignement à distance dont les limites sont pointées du doigt aussi bien par les professeurs que par les parents d’élèves.
Mais c’est l’annonce, début avril en plein confinement, par le ministre de l’éducation nationale, de la suppression des traditionnelles épreuves de fin d’année et leur remplacement par la prise en compte des notes obtenues tout au long de l’année scolaire, qui va créer la surprise.
« Les conditions ne sont pas réunies pour que le Bac et le Brevet, deux examens de passage charnières, se déroulent de façon normale. Il n’y aura donc pas d’épreuves finales cette année », a déclaré Michel Blanquer.
Une décision « inédite » jamais prise en France où « ni l’occupation nazie ni Mai 68 n’avaient entraîné l’interruption totale des épreuves », comme l’a si bien souligné le journal Le Monde dans un de ses éditoriaux.
Toutefois, si cette annonce, saluée unanimement par les syndicats d’enseignants comme « la moins mauvaise solution », est venue lever plus ou moins les inquiétudes des élèves et des parents, elle n’a pas pour autant dissiper les angoisses des élèves de Première qui doivent passer cette année l’oral du Français.
En effet, fin avril, le ministre de l’Éducation nationale a annoncé que l’oral du Français serait maintenu fin juin, « dans les conditions sanitaires permettant de le faire passer, en faisant respecter les gestes barrières et toutes les recommandations qui sont faites. »
Mais syndicats d’enseignants, parents et élèves s’interrogent sur l’opportunité de maintenir une telle épreuve alors que certains élèves n’ont pas pu passer d’oraux blancs pour s’entraîner à cause du confinement, ne peuvent assister aux cours en ligne faute d’équipement ou de connexions ou sont tout simplement dans des lycées plus défavorisés et n’ont pas les mêmes moyens que d’autres.
Dans l’expectative depuis plusieurs semaines, enseignants, parents et élèves attendent avec impatience les annonces que va faire le ministre de l’Education jeudi ou vendredi, sur le maintien ou non de l’oral du Français.
Mais réforme ou pas, le très symbolique baccalauréat aura à coup sûr un goût bien différent cette année en France, mais aussi ailleurs!