Le nouveau modèle de développement (NMD) nécessite des financements publics additionnels de l’ordre de 4% du PIB annuellement en phase d’amorçage (2022-2025) et de l’ordre de 10% du PIB en rythme de croisière à l’horizon 2030.

Selon le rapport général de la Commission spéciale sur le modèle de Développement (CSMD), présenté mardi au Roi Mohammed VI, le NMD requiert la mobilisation de ressources financières conséquentes pour son amorçage et sa mise en œuvre et appelle à une stratégie de financement adéquate.

Les évaluations préliminaires estiment que les réformes et projets proposés dans le NMD nécessiteront des financements publics additionnels de l’ordre de 4% du PIB annuellement en phase d’amorçage (2022-2025) et de l’ordre de 10% du PIB en rythme de croisière à l’horizon 2030.

Certains objectifs de développement, en particulier ceux associés aux chantiers du capital humain et de l’inclusion (éducation ; enseignement supérieur ; santé ; protection sociale ; jeunesse), exigeront en effet au terme de leur généralisation des dépenses publiques récurrentes importantes, relève la même source.

« D’autres projets au cœur du modèle, comme les cinq paris retenus, les réformes structurelles qui les accompagnent (eau, énergie, transport et logistique, numérique…), la transformation productive de l’économie, et le développement d’écosystèmes territoriaux (projets régionaux, fonds d’appui, pôles de recherche et formation, etc.), auront besoin d’être lancés dès 2022 pour favoriser la création de valeur et d’emplois de qualité », ajoute le rapport.

La stratégie de financement du NMD cible en particulier sa phase d’amorçage, impulsée par l’Etat et visant à assurer les conditions pour une prise de relai par le secteur privé. Elle prend pour hypothèse qu’un amorçage réussi permettra de générer une dynamique positive permettant au NMD de s’autofinancer partiellement, en contribuant à l’accroissement de ressources. La dynamique de transformation et de réforme impactera positivement les capacités de mobilisation de ressources publiques : Les chantiers principaux du NMD, du fait de leur portée transformationnelle favoriseraient la transition vers un nouveau palier de croissance annuelle du PIB pouvant s’établir à 6% en moyenne à partir de 2025 et à 7% à partir de 2030.

La dynamique économique positive qui serait obtenue par un séquencement adéquat des réformes et projets, commençant par les plus structurants et ceux à plus fort impact économique, permettrait un redressement des recettes fiscales, qui contribuerait à alléger à terme les besoins de financement de l’Etat et à restaurer, in fine, la soutenabilité des finances publiques.

Selon le rapport, le rendement attendu du NMD justifie dès lors une stratégie de financement volontariste, qui aborde ces dépenses additionnelles comme des investissements dans l’avenir avec une perspective de moyen-long terme, qui tient compte de l’effet dynamique potentiellement généré par le NMD vers un cercle vertueux de croissance, et qui assure l’allocation de ressources nécessaires pour l’amorçage des chantiers structurants du nouveau modèle et pour l’ouverture d’une nouvelle phase d’essor.

Cette stratégie prend appui sur cinq leviers structurants, faisant appel au financement public et privé, qui visent à amorcer les grands chantiers du NMD, et qui devront être actionnés de manière concomitante.

Il s’agit, poursuit le rapport, d’une politique budgétaire alignée aux objectifs du NMD, actant les réallocations nécessaires au financement de ses chantiers transformateurs, notant que cela passe notamment par une priorisation de l’allocation des ressources vers le capital humain, par la réorientation des charges de compensation vers les mécanismes de protection sociale intégrés, ainsi que la rationalisation des transferts aux EEP et l’accroissement de leurs dividendes, moyennant leur réforme et le relèvement de leur performance.

Plus généralement, la revue stratégique des dépenses et une programmation budgétaire de moyen terme permettraient d’assurer une meilleure allocation des ressources en cohérence avec les objectifs.

Le second levier concerne une politique budgétaire agile, qui s’inscrit dans la dynamique de moyen-long terme que requiert tout modèle de développement.

« Un recours accru à l’endettement à court terme est incontournable, et devrait être utilisé pour financer de manière ciblée les projets et chantiers porteurs de développement structurel et de croissance à moyen-long terme, notamment dans le capital humain et la transformation structurelle de l’économie », note le rapport.

Et d’ajouter que cette approche juge nécessaire de rompre, du moins momentanément, avec les règles macroéconomiques contraignantes, tout en veillant à la soutenabilité financière à moyen-long terme nécessaire au maintien de la confiance des acteurs économiques.

D’après la Commission, le recours à l’endettement pourra s’appuyer sur les opportunités offertes sur le marché des capitaux, le recours aux opérations de gestion active de la dette ainsi que sur les opportunités de financements concessionnels et la panoplie de mécanismes de financement disponibles dans le cadre des partenariats internationaux.

Le troisième levier est relatif à une politique fiscale plus efficace, à même de permettre la mobilisation de ressources supplémentaires, dont le potentiel est estimé entre 2 et 3% du PIB.

Cela passera par l’amélioration de l’équité fiscale, l’élargissement de l’assiette fiscale, l’intégration du secteur informel, sans oublier l’optimisation des dépenses fiscales au sens large, notamment les niches d’exonération fiscales qui ne sont plus justifiées, précise la même source.

La stratégie prend également appui sur une amorce rapide de la transformation structurelle de l’économie, à même de générer des ressources à moyen-terme permettant la soutenabilité du modèle, et faisant appel à un rôle accru des EEP et du secteur privé national et international.

La génération d’une croissance forte, plus riche en emplois de qualité dynamisant la demande interne, ne pourra se faire sans l’engagement rapide de la diversification de l’économie et l’accroissement de sa capacité à saisir tous les gisements de croissance.

Dans le cadre de cette stratégie de financement, la soutenabilité est assurée par la dynamique de croissance qui génère des ressources fiscales additionnelles et permet d’affecter prioritairement ces ressources aux chantiers du capital humain et de l’inclusion, dont les besoins en financement seront croissants à l’horizon du NMD.

Cette transformation structurelle appelle à l’activation rapide de la stratégie de diversification prônée par le NMD, ainsi que des instruments à fort effet de levier sur l’investissement productif privé, tels que ceux prévus dans le cadre du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.

Elle appelle également à une forte mobilisation des EEP, notamment ceux opérant dans les secteurs stratégiques, avec un rôle de locomotives économiques et de dynamisation des écosystèmes territoriaux, et ce suivant les recommandations du NMD relatives à la politique actionnariale de l’Etat et à la réforme de certains secteurs clés (énergie, eau, numérique, logistique, etc.).

Le 5ème levier concerne des conditions propices pour l’accroissement de l’investissement privé national et international, à travers un cadre d’investissement attractif et la diversification des mécanismes et des systèmes de financement au service de la transformation économique.

Le NMD s’appuie sur une forte mobilisation de l’investissement privé pour la réalisation de ses objectifs, et préconise une nette augmentation de la part du secteur privé dans l’investissement (aujourd’hui de l’ordre de 35%), indique la Commission.

La transition graduelle vers un nouveau palier de croissance est en effet en partie conditionnée par une dynamique forte de l’investissement privé, notamment dans les secteurs productifs, qui se matérialiserait par un accroissement de sa part dans la FBCF totale et par des gains de productivité.

La CSMD relève que l’augmentation de l’investissement privé requiert la diversification des mécanismes et des systèmes de financement, à travers une offre de financement bancaire compétitive, un marché boursier dynamique et attractif aux normes de régulation alignées sur les meilleurs standards internationaux, et le recours à des financements innovants. Elle requiert la mobilisation efficiente de l’épargne institutionnelle et son déploiement en faveur des financements de long terme du NMD, moyennant l’adaptation du cadre réglementaire régissant les caisses de retraites et de protection sociale et les assurances ainsi que la restructuration des EEP à caractère financier

Elle nécessite aussi le développement de partenariats public-privé et de montages financiers innovants pour le financement de projets, à travers notamment l’ouverture à l’investissement privé de certains secteurs, la mise en place d’un cadre de régulation aux standards internationaux, et la préparation d’un pipeline de projets bancables, ainsi qu’un renforcement de la capacité d’attraction des IDE.

Le Roi a présidé, mardi au Palais Royal de Fès, la cérémonie de présentation du rapport général de la Commission Spéciale sur le modèle de Développement (CSMD), et a reçu à cette occasion en audience Chakib Benmoussa, président de cette Commission, qui a présenté au Souverain une copie du rapport.